Lutte antitabagique

Les pouvoirs publics  et les Ong à cheval sur la lutte antitabagique

Le tabagisme est un problème majeur de santé publique. Les autorités nationales, celles du secteur de la santé et les ONG béninoises impliquées dans la lutte anti-tabac en sont conscientes. Cette épineuse question  touche 26% des habitants du Bénin, autochtones et expatriés confondus, selon les résultats d’une enquête nationale réalisée en 2007 par le Ministère de la Santé. Déjà en 2004, une autre étude révélait que le Nord-Bénin était plus fumeur que le Sud avec respectivement 26% et 16% de leurs populations.
Et pour vaincre ce fléau qui  a  tendance à toucher la jeunesse par un effet d’épidémie, une loi portant « réglementation de la production, de la commercialisation et de la consommation des cigarettes et autres produits du tabac » a été adoptée par la Représentation nationale en sa séance du 23 juin 2006. Ce qui a bouleversé les habitudes des acteurs de la chaîne du tabac.

Promulguée par le Président Yayi Boni, cette loi, procède largement de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) adoptée le 23 mai 2003 lors de la 56ème Assemblée mondiale de la santé à Genève et dont le Bénin est partie contractante. Mais pour en arriver à ce cadre législatif, il a fallu aussi bien, la volonté politique, que l’engagement personnel tant des responsables de l’ONG béninoise «Potentiel 2000», que celui des autorités de la Direction nationale de la Protection sanitaire (DNPS) du  Ministère de la Santé, pressées, par l’OMS.
En effet, le Bénin jusque-là, ne disposait comme cadre législatif en la matière, que d’un arrêté ministériel datant de 1991 portant interdiction de fumer dans les hôpitaux et services sanitaires. Quant à la fabrication et la commercialisation des cigarettes, elles  étaient autorisées sans restriction aucune. Les recettes douanières béninoises provenaient  en grande partie des impôts prélevés sur ces activités.  De 2000 à 2002, le montant des droits perçus par la douane béninoise sur les importations de tabac et cigarettes a presque doublé, passant de 610 millions de FCFA à plus de 1,1 milliard FCFA. Les places publiques et privées étaient louées pour la publicité autour des produits et surtout pour leur écoulement. Quatre sociétés privées d’importation et de distribution de cigarettes et de produits du tabac se partageaient le marché à l’époque. La Tmc qui distribuait la marque « Yes »,  la Cobexim avec ses marques  «  Bond Street, Marlboro et  Visa, la Cbnd  distributeur des marques « Fine, Gitanes, Gauloises, Legend, puis le légendaire British American Tobacco Benin (BAT) avec les marques « Rothmans King Size, London, Royals, Concorde, Craven A » et autres. Rappelons que BAT a racheté Manucia, l’entreprise publique de fabrication de cigarettes.
 Après la Conférence de Berlin, ces quatre sociétés avaient « pris d’assaut » le territoire national, recrutaient  les bras valides, associaient jeunes, adolescents, adultes et personnes du troisième âge à la commercialisation de leurs produits.
Le Bénin n’était évidemment pas le seul pays africain dans cette situation.  Face à l’avenir macabre qui se profilait, l’OMS a tiré la sonnette d’alarme. En effet, d’ici 2030, le tabagisme sera vraisemblablement, la principale cause de décès et d’incapacités puisqu’il entraînera la mort de plus de 10 millions de personnes chaque année et l’Afrique paiera le plus lourd tribut. Cet avertissement a provoqué un déclic chez les autorités béninoises qui ont alors corsé et resserré le cadre législatif. Rappelons que le tabac aussi bien  que la cigarette contient plus de 40 substances cancérigènes.

Déjà des pratiques probantes en matière de lutte antitabac

A en croire le Dr. Julien TOESSI du Service de la Promotion de la Santé (SPS) au Ministère de la Santé, l’entrée en vigueur de la loi N° 2006-12 du 07 août 2006 a été immédiatement suivie de sa mise en application, tellement la situation était alarmante. Aussi, le Bénin devait-il se conformer aux principes définis dans la Convention-Cadre de l’OMS pour La lutte Antitabac (CCLAT). Ainsi, conformément aux articles du titre II de la loi, les panneaux publicitaires sur les cigarettes ont disparu  des rues, surtout celles des grandes agglomérations béninoises.

Par ailleurs, Les tenanciers de bars et autres débits de boisson, les restaurateurs, les gestionnaires de salles de cinéma sont instruits aux fins de créer des espaces fumeurs dans leurs locaux pour éviter le tabagisme passif, jugé plus dangereux que l’actif. Ces prescriptions sont observées, car des contrôles périodiques le constatent, selon le Dr  TOESSI.
Aucune marque de cigarettes, ne peut être mise sur le marché béninois si ses emballages ne portent clairement en caractères lisibles sur les faces principales l’avertissement sanitaire « Le tabac nuit gravement à la santé». Pour le respect de ce principe, Dr Julien TOESSI  affirme  qu’il est devenu «ami» des responsables de BAT sis à Ahozon, dans la commune de Ouidah. En dehors de cela, obligation est faite aux producteurs, importateurs et distributeurs de cigarettes de s’assurer de l’inscription sur les emballages, de la teneur en nicotine de leurs produits. Les contrevenants à ces principes cardinaux sont punis conformément aux textes en vigueur.
Le sponsoring ou parrainage d’activités de tous genres par les firmes de cigarettes ou leurs représentations ou des distributeurs de cigarettes ou produits du tabac est interdit et son application est effective. En tout état de cause, le parrainage n’est autorisé que si  l’activité cible un public adulte. Il en est de même pour la promotion de produits à base de tabac et/ou estampillés de logos ou marques de cigarettes. Le non respect de ces prescriptions est passible d’un emprisonnement de dix jours maximum ou d’amende de 100.000 FCFA à un million FCFA, cumulativement par emballage non conforme.
Aucune revue nationale, aucun organe de presse audiovisuelle ne peut insérer de publicité de cigarettes et autres produits du tabac dans ses parutions et éditions. Aucun citoyen, quelque soit sa nationalité n’a le droit de fumer dans les lieux publics.
 La loi antitabac s’appesantit sur la préservation des jeunes contre toute tentative susceptible de les inciter à fumer. Ainsi, les acteurs du tabac sont priés de les tenir à l’écart de toutes leurs activités, sous peine de sanctions graves. Selon le Dr TOESSI, ce principe découle du fait que la principale substance active du tabac, en l’occurrence, la nicotine crée immédiatement chez le fumeur débutant, une dépendance difficile à maîtriser.
En dehors de ce cadre législatif, les témoignages des anciens fumeurs sur les dégâts engendrés par le tabac sur leurs corps lors des séances de sensibilisation, les raisons qui sous-tendent leur décision d’y renoncer poussent d’autres fumeurs à divorcer de la cigarette et convainquent les non fumeurs à ne pas céder à la tentation.

La contre-attaque des firmes

Les intérêts financiers des acteurs étant ainsi mis à mal, ils ont décidé de contourner les garde-fous. D’où l’ampleur actuellement prise par la distribution illicite de leurs produits. Leurs cibles ? Les populations des villages et hameaux. Là où le contrôle ne se fait pas, faute de moyens, aux dires de Dr TOESSI. Désormais, la publicité agressive, les parrainages et sponsorings, les dons et libéralités sont faits aux villageois, loin des regards de la police et autres structures de contrôle. Les sachets plastiques frappés d’images fabuleuses sur les exploits des fumeurs, les étrennes aux logos des marques de cigarettes et autres gadgets, des appuis financiers, et surtout, le recrutement de jeunes commerciaux pour la distribution des produits constituent la nouvelle trouvaille des acteurs pour charmer les âmes naïves. Le chômage qui frappe les jeunes est un terreau sur lequel prospère cette forme illicite d’écoulement des produits du tabac. « Les efforts consentis par l’autorité pour préserver la couche juvénile contre ce fléau se trouvent ainsi quelque peu annihilés», regrette le Dr TOESSI.
Les femmes villageoises ne sont pas épargnées par cette opération de charme. Les distributeurs de cigarettes mettent à titre gracieux à leur disposition pour leurs petits commerces, des étalages peints aux couleurs des firmes productrices et frappés des marques de cigarettes. En retour, elles font inconsciemment la publicité gratuite pour leurs courtisans. En somme, il s’agit ni plus ni moins de ce que les juristes appellent «le dol».
Et là encore, ce sont les firmes tabagiques qui se tirent d’affaires, car les dons qu’elles font sont insignifiants par rapport aux bénéfices qu’elles réalisent. Elles contournent de ce fait, les charges fiscales, devenues plus difficiles à supporter. Et les grosses et rutilantes voitures 4 x 4 ont fait place aux motos, moins remarquables pour la distribution.

La riposte

Pour ne pas laisser libre cours à la nouvelle situation, les parties contractantes de la CCLAT  se sont réunies du 11 au 16 novembre 2008 à Genève pour définir des mesures immédiatement applicables contre ce fléau  qui menace l’avenir des nations, tant au plan économique que sanitaire. Le Bénin était de la partie. L’objectif visé était d’élaborer et de négocier un protocole sur le commerce illicite des produits du tabac, tout en tenant compte des législations en vigueur dans  les  pays concernés.  Placées sous la tutelle de l’OMS, elles aboutiront à fin 2010, début 2011.
Il revenait aussi à chaque pays de concevoir une structure intersectorielle (police, douane, commerce, fiscalité, agriculture et santé) de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac. Cet organe est opérationnel au Bénin depuis l’année 2000.   En somme, le Bénin a fait un pas de géant dans la lutte contre le tabagisme. Il compte de moins en moins de fumeurs. Et il faut désormais, aller chercher cette couche sociale au sein des expatriés.

Des enquêtes décrivent ces personnes comme étant des  gens rongés par la solitude. Mais certaines personnalités béninoises continuent de faire entorse à la tendance générale en fumant, même parfois publiquement. L’espoir est tout de même permis. La preuve,  : paniqué, le directeur général de la BAT au Bénin a proposé au directeur général de la douane  béninoise, un protocole d’entente entre les deux parties en vue de contrôler le commerce illicite transfrontalier des  cigarettes et autres produits du tabac en République du Bénin, et dont ils ont paraphé les documents en octobre 2008. Le 18 mars 2008, le directeur général de la BAT au Bénin, Laurent MEFFRE a annoncé, pour cause de difficultés diverses, le licenciement dans les règles de l’art, de 40 agents de son entreprise.q
Par Brigitte  Tchibozo-Massou

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