Le Bénin à la veille d’une nouvelle révolution ?

Les dernières années du premier mandat du Président Boni YAYI ne sont pas sans nous rappeler les deux premières années des années 70. Nous étions alors dans une dangereuse impasse politique et tout le monde se doutait bien que la solution bâtarde que nous avions "goupillée", à savoir ce régime de triumvirat  comme dans la République romaine à bout de souffle, n’est qu’une solution aussi temporaire que bancale.

D’ailleurs, les centurions qui se préparaient alors à renverser ce « Conseil présidentiel », l’appelaient le « monstre à trois têtes ». Eh oui ! Nous avons montré à plusieurs reprises notre génie de sortir des situations d’impasse politico-institutionnelle les plus dangereuses. Si en 1972, ce fut par un coup d’Etat militaire qui institua un régime que leurs auteurs eux-mêmes baptisèrent révolutionnaire, en 1990 ce fut par ces assises originales rentrées dans l’Histoire sous le nom de Conférence Nationale et qui furent aussi la porte d’entrée d’une véritable révolution : le Renouveau démocratique.
Docteur Thomas Boni YAYI a ouvert une véritable boîte de Pandore, en activant les limbes d’une nouvelle ère révolutionnaire, celle du décollage économique qui passe nécessairement par la bonne gouvernance. En effet, après la stabilité politique marquée par trois alternances réussies à la tête de l’Etat (1991, 1996, 2006),  la nation béninoise toute entière ne rêve que d’une chose : le changement. Il signifie la fin de la misère qui passe d’abord par une lutte implacable contre la corruption. Ce peuple rêve donc depuis longtemps de changement. D’où, après la décennie du pouvoir du général Mathieu KEREKOU, tous les candidats en 2006 ont dû à leur manière parler du changement ; comme la pulpeuse Célestine ZANOU et sa célèbre « Dynamique du Changement pour un Bénin débout ».
Que faire ? Dans le type de régime qui est le nôtre, à savoir un régime présidentiel fort où le Chef de l’Etat détient sans partage tous les pouvoirs dont le pouvoir exécutif, nous avons une attitude messianique face à lui. On ne voit que lui ; il est partout, sur tous les chantiers. Or, il ne s’agit nullement d’une question d’aptitudes personnelles, mais de réalité systémique sur fond de pesanteurs socio-anthropologiques. Il n’y a pas de sauveur suprême ; c’est le peuple lui-même qui est son propre sauveur. Ce n’est donc pas seulement à cause du Président Boni YAYI que le "changement" soi-disant aurait échoué ; nous n’avons simplement démarré aucun changement, malgré les slogans, comme ceux qui étouffèrent dans l’œuf le véritable processus révolutionnaire entamé par les élites et le peuple béninois en 1972 et qu’une poignée d’aventuristes en mal de totalitarisme transforma en un despotisme stalinien en 1974. Cette révolution reste à faire. Nous en connaissons les prescriptions fondamentales, toujours valables à l’heure actuelle : liquider l’ancienne politique à travers les hommes, les structures et l’idéologie qui la porte. Si nous enclenchons derechef un vrai processus révolutionnaire qui relègue au placard les "affoudouto" et autres « commerçants véreux », c'est-à-dire si nous avons une nouvelle fois à cœur de faire triompher l’intelligence sur le ventre et le bas-ventre, nous viendrons aisément à bout de cette pieuvre tentaculaire qu’est la corruption. Ce sera le programme-cadre, non de ce quinquennat qui tire déjà à sa fin, mais du prochain quel que soit celui qui ramassera la mise.
Dans cette optique, je me suis toujours demandé à quoi sert le Haut-Commissariat à la Gouvernance Concertée, alors qu’il y a un ministère chargé des relations avec la société civile. Précisément, si ce Haut-Commissariat tel que je le conçois peut avoir beaucoup du grain à moudre dans l’élaboration d’une nouvelle orientation politique, à savoir la gouvernance concertée, un ministère chargé des relations avec la société civile est un non-sens absolu. Je n’ai d’ailleurs connaissance de l’existence d’un tel département ministériel dans aucun pays du monde ; sauf le mien bien sûr qui se pique toujours d’originalité !

Notre Haut-Commissariat doté des moyens adéquats et sorti de l’état de pénurie dans lequel il végète actuellement, rendra caduque l’existence du Conseil Economique et Social et du Ministère chargé de la Réforme Administrative et Institutionnelle.  D’autres réformes structurelles pour impulser une nouvelle orientation politique sont à penser par les élites de ce pays et tous les cadres patriotes qui n’ont pas dans la tête cette seule idée : se surpasser en ingéniosité pour voler des milliards sans être pris. Oui ! Nous le pouvons. Le Médiateur de la République, conseiller du prince de par ses attributions, sera mis aussi à contribution ; comme tente déjà de le faire cet infatigable combattant de « l’Afrique débout, définitivement débout » !

Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

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