Cnhu-Hubert Maga

Les malades soufflent le martyr

Le Centre national hospitalier universitaire  (Cnhu) Hubert Maga traîne encore avec ses tares. Le passage de plusieurs malades n’est toujours pas des plus reluisants. C’est à croire souvent qu’ils ont eu tort de recourir à  ce grand hôpital du Bénin  pour se sauver la vie. Un  couloir de la mort presque.

Admis depuis une semaine au service de la traumatologie du Cnhu-Hubert Maga, le patient O.B, n’a pas encore fait l’objet du moindre soin à ce jour. Et pourtant,  son cas s’est révélé critique. Il affiche un début de paralysie de ses deux membres inférieurs suite à un  récent accident de circulation. Sa colonne vertébrale a été atteinte et il continue de se tordre de douleur sur son lit d’hôpital. Il a transité par le nouveau et très moderne service des urgences du Cnhu qui l’a transféré automatiquement vers l’unité de traumatologie. La soixantaine, O.B croyait ainsi venir dans un hôpital  de grande importance. Un hôpital où l’on s’occupe correctement des patients. Erreur. Quelques jours plus tard, il réalise la triste vérité. A part deux visites médicales ordinaires qui l’ont mis au contact du Professeur responsable des lieux, plus rien. Ses parents s’en offusquent déjà et pensent l’amener ailleurs. Pour un patient qui ne peut  plus se tenir debout, s’asseoir sur ses fesses, ou encore faire quelque mouvement,  l’insouciance apparente des médecins traitants, demeure un véritable drame. « Nous réfléchissons toujours son cas » servent-ils, négligemment aux parents depuis trois jours.

Un problème à régler par  la neurochirurgie.  Les   spécialistes en la matière sont rares au Bénin. Ils sont à peine trois pour tout le pays. Et  ont des responsabilités si multiples qu’il est difficile de les avoir au premier coup de fil.    Mais la question se pose lorsqu’un patient admis dans ce service doit être délaissé  pendant des jours. Abandonné à son propre sort. Ils seraient nombreux dans le cas au Cnhu. S’il est vrai que  cette pratique n’est pas encore généralisée dans cet hôpital, des cas critiques du genre suscitent davantage d’indignations au sein des usagers.  

 La loi des profs

 N’est pas professeur en médecine qui veut. Ceux qui portent ce titre méritent donc respect. Le Bénin en compte un bon nombre en toute fierté. Au Cnhu-Hubert Maga, ils sont pratiquement considérés comme des « dieux ». Et ont de gros salaires. Reste qu’ils sont également nombreux qui y font leur loi. Et personne  n’en pipe mot. Certains sont tellement imbus de leur personnalité et de leur titre qu’ils se démarquent nettement de tous les autres professionnels de santé de la maison. Le  cercle fermé des « grands intellos » de la santé au Bénin, dit-on. Le plus grave est que la grandeur professionnelle qu’ils affichent profite très peu aux malades mis à leur disposition au Cnhu.  Contrairement aux  « patients Vip »  qu’ils  enregistrent en clientèle privée.  Les grognes incessantes sur les radios de la place dénoncent de plus en plus  le peu d’égards portés par ces  professeurs sur  les patients de couche sociale moyenne.  Mais tout laisse croire qu’ils ne n’en préoccupent guère. Pour le cas du Cnhu, ils sont les moins permanents, et n’y viennent souvent que pour des actes ponctuels. Le gros lot du boulot est laissé à leurs collaborateurs aux compétences limitées. Les plus en vue ici, sont les médecins en spécialisation, qui pullulent dans tous les services du Cnhu.  Ceux-ci ne sont pas toujours les plus habiletés à traiter  les cas de pathologies les plus graves, même s’il ne faut pas sous-estimer les gros efforts qu’ils fournissent. La loi des professeurs. La misère des patients. L’indifférence des gouvernants. Un trio de réalités qui mettent tous les jours en péril, la santé publique au Bénin.

 Les caprices des agents  

Au Cnhu, tout le monde devient roi, quand les vrais rois  faillissent à leur mission. Les vedettes en la matière sont ces nombreux aides soignants, infirmiers, techniciens de laboratoires, « cols verts » et autres qui vont très souvent au-delà de leurs prérogatives. Dans la plupart des pavillons de l’hôpital, ils se comportent en vrais « princes » sans qui, rien  ne devient possible. Pour avoir recours à leur service, il faut parfois les supplier ou les intéresser, pour les plus gourmands. Ils prennent généralement pour prétexte, leur difficiles conditions de travail, pour faire souffrir à leur tour bien de patients et d’usagers. Si certains affichent des comportements loyaux dans  le groupe, d’autres  donnent l’impression de ne pas être au service des personnes souffrantes. Dans leur langage comme dans leurs actes, tout sent du mépris. Dans cette ambiance infernale,  les soins ne sont pas souvent faits dans de meilleures conditions et conduisent souvent à la fatalité. Combien de malades n’ont-il  pas pu survivre du fait des comportements déplorables des agents du Cnhu ? Très nombreux certainement.

 Des spécialistes de grèves

La dernière longue grève observée au Cnhu et dans plusieurs autres hôpitaux et centres de santé du secteur public, traîne encore ses séquelles. Des malades ont dû voir prolonger leur hospitalisation et  les traitements nécessaires à eux , pendant que d’autres y ont perdu la vie. Pour des raisons de primes et diverses autres revendications, les agents de santé du Bénin n’avaient pas hésité à mettre de côté leur serment pour descendre dans la rue. L’ambiance était surchauffée dans presque tous les couloirs des hôpitaux du pays. Et personne n’avait plus la moindre inattention envers ceux qui en souffraient atrocement. Dans certains hôpitaux, à l’époque,  le service minimum a été même  difficilement  exécuté. Beaucoup de béninois avaient alors compris que l’heure était venue pour   les agents de santé d’en découdre avec le gouvernement, dussent-ils entasser des morts sur leur dos.  Bataille gagnée ;  puisqu’ils ont été entendus en grande partie. Passé  le bourrasque, on les attendait donc dans les services, plus actifs qu’avant. Hélas.  Leur spécialité est ailleurs : dans les grèves.

Christian Tchanou

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