Pourquoi et comment Tidjani Serpos a échoué

Le contre Témoignage d’un Béninois de la diaspora

Le 09 novembre 2009, le Journal La Nouvelle Tribune a publié une déclaration du Professeur Tidjani-Serpos sous le Titre ‘’Echec du candidat béninois à l’élection du Directeur général de l’Unesco’’. Dans sa déclaration prononcée au cours d’une Conférence de presse à Cotonou, le Professeur accuse deux ambassadeurs et deux Ministres qu’il rend responsables de son échec à la Direction Générale de cette Organisation Onusienne.

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Le candidat avance principalement comme argument de son échec la mise à sa disposition tardive de fonds prévus pour sa campagne mais aussi le dépôt pas assez régulier de son dossier de candidature par les autorités de la Science et de l’Education de notre pays. Les mêmes autorités auraient, selon les dires du candidat, fait parvenir ses courriers par une autre adresse que la sienne personnelle, ce qui expliquerait son  aussi l’échec.
Ces arguments ne semblent malheureusement pas recevables dans la Communauté scientifique et culturelle de notre pays et du Monde et beaucoup sont ceux qui s’inquiètent de noter que l’éminent homme de lettres qu’est Tidjani-Serpos ait sérieusement cru que des facteurs subjectifs et non objectifs aient pu à eux seuls expliquer un échec majeur. Un peu comme si le succès ne dépendait que d’une date de dépôt de candidature. Un peu trop facile ! Trop léger !

Sans attendre la réaction du Gouvernement de notre pays par rapport aux déclarations et accusations graves sus mentionnées et sans attendre le Livre promis par le candidat, nous sommes allés chercher à savoir, pour ensuite partager. Dans ce qui va suivre, nous n’interrogerons que les faits, à commencer par les circonstances de la candidature du Professeur Tidjani-Serpos. Nous avons choisi délibérément et pour l’amour de la science et de la manifestation de la vérité de prendre le risque de la présente analyse.

Une simple question de procédure

Tout d’abord, pour le lecteur, il faut savoir qu’au poste de Directeur Général de l’Unesco, la candidature de n’importe quel citoyen du Monde doit devenir celle d’un pays quelconque qui a une présence à l’Unesco.   Pour le cas concret du Bénin, il y a deux possibilités : soit les autorités compétentes de la science et de l’éducation que sont la Commission Nationale de l’Unesco placée sous l’égide du Ministre des Enseignements Primaires et la Représentation Permanente   à l’Unesco (Ambassadeur auprès de l’Unesco)  suscitent la candidature d’un tel ou d’une telle sur la base d’une réflexion mûrie autour des atouts et des faiblesses  du candidat dans un contexte international; ou bien, le citoyen lui-même se rapproche des autorités compétentes pour faire valoir sa volonté d’être candidat. Dans ce cas aussi, une évaluation de la pertinence de la candidature et des chances de succès est réalisée par les autorités avant une décision gouvernementale. Le candidat doit par exemple imposer le respect par sa stature intellectuelle et prouver une expérience de gestionnaire avéré pour prétendre avoir l’aval des plus grands contributeurs aux budgets ordinaire et extraordinaire de l’Organisation mondiale. Il est curieux que le Professeur Tidjani-Serpos ne nous dise absolument rien de tout cela. Le Professeur ne fait aucune mention, dans le communiqué de sa conférence de presse, des circonstances qui ont motivé sa candidature, sauf lorsqu’il reconnaît lui-même qu’il débarque un matin de mai 2009 à Cotonou, bouscule des conseillers et développe devant le Président un laïus comme beaucoup le font actuellement dans le pays. Il finit par obtenir la signature de la Présidence le 12 mai, le Président étant réputé pour faire plaisir à tout le monde. Ensuite, le Professeur repart précipitamment à Paris le 13 mai et balance sa candidature dans les secrétariats. On connaît la suite.
Vous aurez compris que celui qui contourne les autorités compétentes est le comploteur qui de surcroît accuse aujourd’hui les autres d’avoir comploté contre lui ! Le monde à l’envers ou le voleur qui crie au voleur, n’est-ce pas ? N’en déplaise à l’éminent Professeur, le Président de la République ne décide qu’en dernière instance. Le Président valide ou non une appréciation préalablement établie par les autorités compétentes en charge de la Science et de l’Education et transmise au Président par les Ministres concernés. Puisque le Professeur Tidjani-Serpos a été lui-même pendant plusieurs années Ambassadeur du Bénin à l’Unesco, il est très difficile de lui concéder un quelconque bénéfice de l’ignorance en matière de procédure. Le Bénin n’est pas à ses débuts en ce qui concerne des candidatures par le vote à des postes de niveau international. Pour une candidature de tel acabit, il faut se préparer longtemps  à l’avance. Les cas de Albert Tévoédjrè au BIT,Moïse Mensah à la FAO, Zollner à l’UNICEF, sans parler de Robert Dossou à la CEDEAO qui ont scrupuleusement suivi les procédures mais dont les candidatures n’ont pas abouti prouvent que même préparées minutieusement, des candidatures peuvent échouer.

Tidjani le candidat-maison

Le Président de la République aurait dû courageusement mettre fin à ce cirque qui ne nous honore pas face à la Communauté Internationale d’autant que, longtemps avant la mise en orbite de la candidature solo du collègue Professeur Tidjani-Serpos, le Bénin avait donné son accord, lors du Sommet de l’Union Africaine en Egypte, prioritairement pour le candidat Egyptien, Farouk Hosni, érigé candidat de toute l’Union Africaine. Le Bénin, selon ce qu’il parait, déclarait aussi soutenir la candidature de la Bulgarie en second plan. Des paroles données qu’il ne fallait plus violer. Mais voilà que patatras !!!
Ce sur quoi nous voulons insister, c’est poser au Professeur Tidjani-Serpos la question de savoir qui ou ce qui a déterminé sa candidature ? Comme nous l’avons montré et le montrerons davantage encore par la suite, ce n’est certainement pas par considération pour les intérêts du pays. Ce  n’est pas par patriotisme ou volonté de servir l’Afrique et le Bénin. Il se trouve en effet que le Directeur général adjoint, le Brésilien Marcio Barbosa, que le Directeur Général sortant, le japonais Koïchiro Matsuura, encourageait pour lui succéder et couvrir des soupçons de mal gouvernance, n’a pas reçu l’aval du Président du Brésil, Lula da Silva (in ‘’Révolte Silencieuse pour Sauver L’Unesco’’, le Monde Diplomatique, septembre 2009). Pour couvrir un bilan peu reluisant et ayant échoué à imposer le Brésilien Barbosa comme candidat à sa succession, Matsuura a aussitôt pensé à un autre «Candidat – maison», en la personne de notre compatriote qui s’est prêté au jeu. On ne peut pas comprendre autrement pourquoi Le Président de la République du Bénin, Yayi Boni, qui était en visite officielle à l’Unesco après le Sommet de l’UA en Egypte, n’avait pas mentionné l’éventualité d’une candidature béninoise, à plus forte raison celle du Professeur Tidjani-Serpos. Il est donc clair que la détermination et la motivation de cette candidature n’ont aucune origine nationale. La candidature de M. Tidjani-Serpos, écrit le Monde Diplomatique de Septembre 2009, « doit être distinguée des autres. Il est le dernier candidat « maison » après l’échec des efforts de M. Matsuura pour imposer aux Etats membres la candidature de son directeur général adjoint, le Brésilien Marcio Barbosa. Celui-ci a joué un rôle majeur dans la série de scandales qui frappent l’organisation et n’a pas bénéficié du soutien du gouvernement de M. Luiz Inácio Lula da Silva. Privé ainsi de candidat rempart, le Secrétariat s’est lancé à la recherche désespérée de l’impétrant capable de renvoyer l’ascenseur au bon moment. Trouvé in extremis, M. Tidjani-Serpos sera fermement soutenu par M. Matsuura, dans l’espoir, s’il est élu, qu’il étouffera les affaires qui pourraient émerger…Pour le Bénin, cette candidature surprise est malvenue car il avait déjà donné son soutien aux candidatures de la Bulgarie et de l’Egypte ; en outre, elle intervient alors que l’actuel président du Conseil exécutif de l’Unesco chargé de choisir le candidat, M. Olabiyi Babalola Joseph Yaï, est un compatriote. Quelle que soit l’issue du vote, cette situation le place dans l’embarras : il sera accusé de favoritisme par les uns ou de sabotage par les autres ». Et c’est précisément ce qui arrive.
Or, c’est logiquement que le caractère soudain et opportuniste de la candidature a naturellement entaché celle-ci  de frivolité et d’amateurisme. Le Professeur Tidjani-Serpos n’a même pas eu l’honnêteté intellectuelle de dire, dans le communiqué de sa Conférence de presse de Cotonou, qu’il n’a obtenu que 2 voix sur 58 membres que compte le Conseil Exécutif de l’Unesco, et ce, au premier comme au deuxième tour, un résultat reflet d’une candidature ‘’béni-oui-oui’’. Quel pays qui se respecte n’aurait pas retiré une candidature fantoche au départ? Il est à présent clair que certaines puissances se sont servis du Professeur Tidjani-Serpos comme d’un « idiot utile » dans leur stratégie de campagne.
Pourtant malgré ce manque de respect à l’Etat béninois et une candidature qui vient le mettre devant le fait accompli à trois semaines à peine des échéances alors que le poste était affiché depuis six mois, les autorités compétentes de la science et de l’éducation du Bénin, par respect pour le Président de la République, ont pris acte et ont fait même une évaluation optimiste de la candidature soudaine.  Au vu du piteux  résultat obtenu par le candidat du Bénin lors des élections (deux voix dès le premier tour, puis au second tour), on ne saurait objectivement accabler les autorités béninoises en  les soupçonnant de mauvaise foi. Au contraire, il faut les féliciter d’avoir dès le départ et sans arrière-pensée, placé leur confiance dans le candidat. Les déclarations de Tidjani-Serpos sont  donc l’expression d’une notoire ingratitude.
Le Professeur Tidjani-Serpos s’en sort néanmoins en se faisant rembourser la coquette somme 85.055,79 euros (quatre-vingt cinq mille cinquante cinq euros et soixante dix neuf centimes), soit 55.792.941 francs cfa (cinquante cinq millions sept cents quatre-vingt douze mille neuf cents quarante un francs cfa) pour dit-il, des frais qu’il aurait engagés pour sa campagne. Maintenant, considérons combien de matériels scolaires ou combien de maîtres d’école l’on aurait pu payer avec cette somme si l’évaluation de la pertinence et les recommandations avaient été suivies. Parce que la République, ce n’est pas les dépenses à tout vent. Alors, prédation ou pas prédation ? Ce qui est également certain, c’est que pour quelqu’un qui a été pendant plus de 11 années Directeur du Département Afrique à l’Unesco et qui n’obtient que 2 voix, il s’agit bien  d’un vote sanction et d’un désaveu du Leadership de Matsuura. C’est cet échec retentissant que le Professeur Tidjani-Serpos cherche à dissimuler en rejetant la responsabilité du fiasco de la Direction Koïchiro Matsuura sur les autres qui ont le courage de prévenir et d’anticiper sans tomber dans la complaisance et le favoritisme.

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vote-sanction

Après le retrait de la candidature, le Professeur et son entourage ont semblé dire qu’on avait vu dans le passé des candidats aux résultats médiocres au départ des votes remporter les votes ultérieurs et devenir Directeur Général. Nous ne disposons pas de statistiques pour infirmer ou confirmer ses allégations. Mais ce qui est sûr, le cas Tidjani-Serpos ne pouvait passer puisque, nous le rappelons, le candidat était celui de l’ordre ancien que la révolution à l’Unesco voulait renverser. Sous la plume de Gabrielle Capla, le Monde Diplomatique rapporte qu’au dire du syndicat du personnel, l’Unesco Staff Union (STU), la politique mise en place par l’Equipe de Koïchiro Matsuura depuis au moins dix ans, « visait effectivement au démantèlement de l’organisation, ce qu’ont dénoncé deux rapports anonymes qui ont circulé à la fin 2008 et en juin 2009. Une fraction du personnel lié à l’administration y dénonçait la corruption et les pratiques arbitraires du directeur et de « sa clique » qui, en l’espace de dix ans, ont fait de l’Unesco une organisation « inefficace et dépensière » où « le gaspillage, la fraude, l’abus de confiance et de pouvoir tout comme le harcèlement sont en constante croissance » (Source : Matsuura and his clique : From cover – up to take – over, Unesco in danger. Report no 1. Part. 1, septembre 2008). Si les méfaits de malversations qui se sont faites insistantes ne sont pas confirmées officiellement par la Cour des Comptes de la République française, l’équipe de Matsuura dont faisait partie le Professeur Tidjani-Serpos est au moins comptable d’une gestion de l’Unesco pas au service de l’organisation de la science, de la culture et de l’éducation mais plutôt au service des Apparats, des Fêtes et des Grandes réceptions à longueur de journée. Ainsi, « faute d’expérience dans le secteur de l’éducation, M. Matsuura finance le pilonnage des livres plutôt que, par exemple, leur distribution dans les écoles… ». C’est le changement de cette situation de liquidation silencieuse de l’Organisation, changement voulu par les révolutionnaires et les roturiers de la maison savante qui n’était pas favorable au Professeur Tidjani-Serpos. Non pas qu’il était personnellement visé, mais parce qu’il était un membre de la Direction de Matsuura, le principal incriminé qui essuie un sévère vote sanction.
Nous même étions présent dans la salle pendant la Conférence de Presse de Paris où le Candidat de notre pays a exposé son programme. Dans la salle, un membre du Groupe Afrique Sub – Saharienne de l’Unesco, celui de Côte d’Ivoire si notre mémoire est bonne, s’est étonné de constater que de tous les membres du Groupe électoral Afrique, seuls ceux du Togo, de l’Ouganda et de Côte d’Ivoire étaient présents, ce qui ne préjugeait pas nécessairement de la faveur  de leur vote pour la candidature du Bénin. Trois présences seulement sur les treize (13) que compte le Groupe, c’était vraiment parlant  et soit dit en passant, proche du résultat que le candidat devait obtenir plus tard ! Mieux encore, il nous a semblé que le programme du candidat était trop marqué tiers-mondiste, voire africaniste. Alors que les problématiques neuves d’éducation et de culture autochtone en rapport avec le développement économique se posent par ailleurs aussi en Papouasie Nouvelle Guinée ou chez les peuples des Andes en Amérique Latine par exemple, que la question  soulevée par la loi Hadopi qui limite l’accès des jeunes à Internet en France préoccupe, que les questions liées au tourisme sexuel des jeunes dans une bonne partie de l’Asie – Pacifique ou encore l’environnement carcéral pour les jeunesses aux Etats-Unis, etc., sont autant de problématiques culturelles et éducationnelles neuves posées dans les autres parties du monde et dont les solutions pourraient venir de l’Unesco. Et quel grand électeur européen et occidental, arabe, asiatique ou latino américain voterait uniquement pour un programme purement africaniste ? 
Il était possible pour l’Union Africaine d’envisager un repositionnement dès lors que les difficultés du Candidat Egyptien pressenti, Farouk Hosni,  sont apparues au cours du troisième round des votes, difficultés essentiellement dues à la controverse amenée par ses propos sur l’Etat Hébreux et qui ont défrayé la chronique pendant longtemps depuis 2008.  Il s’est excusé de ces propos mais cela n’a pas été suffisant. Farouk Hosni, éminent peintre et homme de culture, auteur des grands ouvrages de conservation et de préservation des patrimoines pharaoniques et contemporains de l’Egypte et plusieurs fois Ministre de la Culture fut écarté au profit de la candidate Bulgare, Irina Bokova, deuxième vrai candidat du Bénin après Farouk Hosni. Le repositionnement ne pouvait se faire sur le Professeur Tidjani-Serpos pour les raisons de vote sanction invoquées plus haut. Peut-être le Tanzanien ? Mais cela n’a pas été fait et c’est certainement regrettable pour la Diplomatie Africaine.

 Du reste, il nous semble important de rappeler au Professeur Tidjani-Serpos ce que lui-même a appris tout au long de sa carrière d’universitaire aux étudiants, à savoir que ce sont les faits objectifs qui induisent les phénomènes. Les facteurs subjectifs peuvent les influencer mais pas les fonder.  En marquant plus le fait subjectif, l’éminent universitaire a donné inconsciemment ou non l’occasion aux Béninois de spéculer sur un prétendu complot du ‘’nord’’ contre le ‘’sud’’ du pays. Il n’en était rien du tout. Absolument rien !

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