Régime du changement

Bénin émergent : le désespoir !

L’émergence du Bénin tant annoncée s’en va-t-elle  être de la pure utopie ? Les faits et  actes qui se posent au fil des jours  ne permettent plus  en tout cas de nourrir un tel espoir.  La situation socio-économique du pays est si préoccupante aujourd’hui qu’il est encore difficile de rêver d’un Bénin émergent, si rien ne change. Thème de campagne. Dure  réalité aujourd’hui. Le Bénin émergent ne semble plus rassurer plusieurs  analystes et  observateurs de l’évolution de l’histoire politique du Bénin. Ils étaient pourtant nombreux à y croire aux côtés du candidat Boni Yayi d’alors. En Avril 2006, où il prenait officiellement les rennes du pouvoir, le même concept a été repris et développé de long en large dans un discours  d’investiture qui,  du reste, était  fascinant. Boni Yayi était même pressé de concrétiser ce rêve. Et il en avait pris l’allure très tôt. Chamboulement  dans le paysage  institutionnel, grandes réformes économiques, tentative de relance des filières agricoles nationales, notamment le coton ; élaboration d’une charte du gouvernement, appareillage spécial de lutte contre la corruption…… Tout un arsenal  conçu pour remettre le pays sur les rails du développement.

 Il y avait également une forte communication autour du concept. Une cellule y a même été créée à la présidence pour sensibiliser le plus largement possible les béninois sur la fameuse émergence du Bénin. Dirigée par le jeune Edgard Guidibi, bon manager, sorti tout frais d’une des plus grandes universités de Canada, cette cellule avait de quoi booster ce concept au-delà de la compréhension classique qu’on en avait. Sur les chaînes de télévision et radio, dans les colonnes  des journaux  et sur les grandes affiches publicitaires de Cotonou,  des cours magistraux sur le  changement  s’accumulaient sans cesse. Pour un spécialiste du marketing commercial,  vendre un tel concept était la chose la plus aisée au monde.  Mais à un moment donné, il  a fini par bourrer les oreilles des auditeurs et téléspectateurs qui n’hésitaient plus à zapper. L’échec du changement commençait ainsi. Ils en avaient marre d’entendre ce jeune homme pérorer  indéfinitivement sur un concept  qui ne répondait en rien aux réalités du pays.   L’ardeur du jeune conseiller du Chef de l’Etat en a pris un coup. Il était alors devenu peu bavard sur le sujet. La mise en scène avait assez duré.  Rideau.

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Autre tentative, autre échec

Autour du Chef d l’Etat, ils ne sont pas nombreux à s’avouer vaincus. De nouvelles idées  germent, chemin faisant. « Les panthères du changement ». Nouvelle trouvaille communicationnelle. Ce sont en effet de géantes enseignes lumineuses  qui font défiler de belles images de chantiers en construction sous le régime du changement. D’autres images miroitent également des vues impressionnantes de Cotonou attendues dans les prochains mois. A l’entrée de l’aéroport international de Cadjèhoun , la première de ces géantes enseignes a été même inaugurée par le Président Boni Yayi,  en présence de presque tous ses ministres. Cela parait un peu complaisant dans l’opinion publique. Pas d’image sur papier, mais du concret. Du touchable. Les critiques allaient bon train autour de ces panneaux  dont les coûts de réalisation seraient très élevés. Bref, cette nouvelle initiative pour emballer les béninois dans le nouveau concept, n’a pas fait long feu. A  côté, ils ont leur misère qui s’accentue au jour le jour.

Crise socio-économique récurrente

Ce  n’est plus un secret de polichinelle : tout va de plus en plus mal aujourd’hui au Bénin.   Pour un pays qui se veut émergent, les signaux actuels ne garantissent rien. Bien au contraire, ils compromettent tout. Au plan social, les mouvements de grève à n’en plus finir font craindre même le pire dans les années à venir. Les performances attendues dans l’administration publique pour  contribuer au rêve du Chef de l’Etat, sont davantage hypothéquées par ces grèves qui paralysent régulièrement toutes les activités.
 Côté économique, l’amertume est encore plus grande.  La trésorerie de l’Etat est en difficulté. Les fonds publics s’amenuisent, parce que mal utilisés. La situation financière est telle que le Fonds monétaire international ( Fmi) a dû rappeler récemment à l’ordre le gouvernement Béninois. Si tant est qu’il veut atteindre le taux de croissance économique à deux chiffres, le gouvernement, selon le Fmi est contraint de revoir sa copie et  ses méthodes de gestion des finances.  L’alerte est donnée. Beaucoup  d’autres partenaires au développement   s’alignent derrière le Fmi et font les mêmes mises en garde.

 Les investisseurs qui devraient se bousculer aux portes du Bénin pour  l’amener vers l’émergence se méfient désormais eux aussi. Le terrain ne leur est encore point préparé. Plusieurs lois et décrets devant sécuriser leurs investissements sont inexistants à ce jour. Pire, il y a des actes de banditisme, de braquages spectaculaires  qui les effraient de plus en plus. Comment aller investir des milliards de Fcfa dans un pays, où des bandits lourdement armés opèrent de jour comme de nuit ?  Ceux parmi eux qui posent actuellement cette question sont nombreux et renoncent déjà à leur promesse d’alors.

Le terrain politique aussi ne permet en rien d’espérer. C’est d’ailleurs ici que Yayi a beaucoup plus de difficultés.  Entre son gouvernement  et l’assemblée nationale, le divorce est presque consommé. Sa majorité parlementaire évolue de plus en plus à géométrie variable. Le dialogue politique nécessaire dans un régime démocratique comme celui du Bénin, est  compromis à jamais. Le fougueux  débat actuel qui se mène  autour de la Lépi est la preuve tangible  du malaise politique qui règne dans le pays.  A moins de deux ans des prochaines présidentielles,  l’ambiance est si tendue, que parler encore d’un « Bénin émergent » serait un non sens aux yeux des politiciens actuels. Tous visent ce scrutin et s’y préparent intensément. Peut-être qu’ils y  reviendront après l’orage électoral de 2011.

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Christian Tchanou

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