Maître Abdoulaye WADE, président de la République du Sénégal, a introduit un débat sur la possibilité d’utiliser une partie des réserves de la Banque centrale à des fins de financement des économies de l’UEMOA. Les réserves de change (or et devises) d’une Banque Centrale figurent à l’Actif de son bilan. Ces réserves peuvent être gérées, soit par l’État lui-même (Ministère des Finances), soit par un organisme spécial désigné à cet effet, soit encore par la Banque Centrale du pays concerné. En ce qui concerne les pays de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), les réserves de change des États sont centralisées au sein d’un compte d’opérations et gérés par la BCEAO pour le compte des États.
Rappel des besoins de nos économies
L’approche des besoins globaux de financement, qui permet de situer le chemin à parcourir peut être empruntée à la démarche du NEPAD. Le NEPAD fonde sa quantification des ressources nécessaires, sur un objectif de croissance à deux chiffres en vue de rattraper certaines économies aujourd’hui développées. Le postulat est que les pays africains ont besoin d’atteindre des taux d’investissement soutenus à long terme de l’ordre de 35%.
Appliqué aux pays de l’UEMOA, l’approche utilisée par le NEPAD pour quantifier les ressources permanentes nécessaires, suggère que nos pays devraient passer d’un taux moyen d’investissement variant entre 15 et 18%, à environ 32-35%, soit 17 à 18 points de pourcentage en plus. En valeur, cela nécessiterait des ressources financières annuelles supplémentaires de plus de 5.000,0 milliards de FCFA chaque année pendant plus d’une génération (vingt ans). En UEMOA, c’est l’équivalent de l’ensemble des concours du système bancaire en 2006, où le crédit intérieur était de 4.783,0 milliards fin 2006, dont 4.207,2 milliards de crédit à l’économie c’est-à-dire au secteur privé
Le vrai défi du financement des économies est dans la capacité de nos systèmes financiers à supporter durablement un doublement du taux d’investissement de nos pays. Une telle accélération de l’investissement nécessite un réaménagement complet de l’architecture financière régionale et nationale. Ceci passe par des politiques financières innovantes et moins restrictives.
Risques de non atteinte OMD
L’aide requise pour la réalisation des objectifs de développement du millénaire (OMD) reste inférieure aux cibles fixées, selon un rapport de l’ONU, publié en juillet 2009. L’aide totale reste inférieure à la cible de 0,7 % du revenu national brut des donateurs fixée par l’ONU. En dépit de certains succès, le rapport sur les OMD conclut que les progrès ont été trop lents pour atteindre d’ici 2015 la plupart des cibles fixées en 2000, à moins d’accroître les efforts. La question est donc soit de doubler l’APD ou alors, de chercher de nouvelles sources de financement.
Depuis le sommet de Monterrey (2002), la communauté internationale s’est penchée avec une attention accrue sur les sources innovantes de financement. Dans la Déclaration de New York sur les sources innovantes de financement du développement, il est dit que « les mécanismes innovants de financement peuvent à cet égard jouer un grand rôle, en conjonction et en addition aux sources plus traditionnelles de financement ».
Des financements innovants
Presque tous les analystes s’accordent à reconnaître que la solution la plus directe permettant d’éviter une insuffisance du financement des OMD serait d’augmenter l’APD. Notre propre point de vue est qu’à six ans de l’échéance de 2015, les donneurs, qui ne l’ont pas fait depuis quatre décennies, ne pourront pas doubler l’aide. En conséquence, la seule véritable politique est d’organiser la mobilisation des ressources internes. Le succès de cette mobilisation entraînera un accroissement des ressources externes. Il faudrait donc mettre en œuvre une politique de mobilisation des ressources internes, fondée sur l’application, au plan interne, de l’approche dite des financements innovants.
Les financements innovants du développement correspondent à quatre grandes familles de mécanismes : les taxes assises sur des activités mondialisées peu ou pas imposées (taxe sur les billets d’avion ou sur les transactions financières internationales), les mécanismes de pré-financement reposant sur les marchés financiers avec une garantie publique, les mécanismes de marché (exemple de la mise aux enchères des quotas d’émission de CO2) et la facilitation par les autorités publiques des contributions volontaires du secteur privé. Ce thème est désormais régulièrement abordé au plan international.
Des pistes existent au sein de l’UEMOA. En effet, deux des mesures prises récemment par les autorités de l’UEMOA pour doter un Fonds Régional de Développement de l’Electricité, relève du principe des financements innovants. Ces mesures concernent : le doublement de la Commission de transfert; l’affectation de bénéfices et le « report à nouveau » de la BCEAO; le prélèvement sur les ressources du Prélèvement communautaire de solidarité (PCS).
Il reste maintenant à généraliser cette approche à d’autres secteurs majeurs de l’économie tels que l’agriculture, l’aménagement du territoire, l’accès à l’habitat, la transformation des matières premières, la promotion et le développement des PME, etc. Il reste à examiner le rôle possible du stock d’or de la Banque centrale dans la garantie de financements de marché au profit de nos économies. Il reste à examiner le rôle possible des réserves excédentaires de change dans la garantie d’emprunts en devises à l’instar du comportement des Fonds souverains.
Les réserves de change de la BCEAO
L’utilisation du trésor de guerre accumulé par la Banque Centrale fait partie intégrante des financements innovants. Ce trésor de guerre se retrouve à la fois à l’Actif et au Passif du bilan de la Banque Centrale. La réinterprétation technique de certains mécanismes devrait permettre aux États membres de l’UEMOA de mobiliser d’importants capitaux qui dorment dans les comptes de la BCEAO, tandis que les États doivent faire face à des défis majeurs.
Pour montrer l’existence de ces ressources, nous commencerons d’abord par la plus controversée: les réserves de change (or et devises) détenues par la BCEAO à l’Actif de son bilan. Dans un autre article, nous examinerons les capitaux propres de cette banque pour en extraire les éléments qui peuvent servir à une politique de financement des économies, dans la plus stricte orthodoxie financière.
La question à débattre largement, c’est celle de savoir si l’on peut activer les réserves de change (or et devises), c’est-à-dire, les mettre, d’une manière ou d’une autre, au service du financement des économies au lieu de les stériliser.
L’or accumulé par la BCEAO
Depuis 1973, l’or a cessé d’être l’actif de réserve du système monétaire international. Les spécialistes discutent ardemment de l’utilité de conserver de l’or parmi les réserves de change d’une nation ou de la meilleure manière de rendre cet or disponible pour le financement des économies.
Au 31 décembre 2006, la valeur du stock d’or avoisinait 358 milliards FCFA dont 37 milliards de stocks d’or en dépôt au Siège de la BCEAO et 321 milliards en dépôt à la Banque de France. D’une manière générale, l’or détenu par notre Banque Centrale est improductif.
En comparaison, le capital social libéré de la BOAD était de 66,5 milliards FCFA à fin 2006 pour un capital appelé de 170,0 milliards FCFA. En outre, pour l’année 2006, la BOAD avait approuvé un total de financements directs d’environ 106,7 milliards FCFA et octroyé des garanties à hauteur de 5,0 milliards FCFA. Selon ses perspectives financières révisées fin 2007 le besoin de ressources de la BOAD pour les cinq prochaines années ne dépasse pas 200,0 milliards FCFA.
Comment investir les réserves de change ?
Les réserves en or peuvent être placées sous dossier (or) ou à terme, et servir de garantie à des emprunts affectés au financement des économies. Uk en est de même d’une part des réserves en devises.
Premièrement, on peut vendre cet or et disposer de ressources en devises pour effectuer des financements directs de grands projets intégrateurs. Les ressources ainsi disponibles seraient placées sur les marchés afin d’obtenir des intérêts qui peuvent servir à des emplois concessionnels. Cette opération est toutefois définitive et ne tient pas compte du rôle de valeur refuge que l’or joue au plan international.
Deuxièmement, on peut conserver le stock d’or, le mettre en garantie auprès de grandes banques internationales et se servir de cette garantie pour lever des fonds en devises sur le marché financier international.
Troisièmement, on peut combiner les deux approches: vendre une partie du stock d’or pour obtenir des devises et conserver l’autre partie et la mettre en garantie. Par exemple, c’est une telle décision qui a été prise par le Fonds monétaire international (FMI), lequel veut vendre 403 tonnes d'or (sur environ 3.217 tonnes) pour quelques 11 milliards de dollars (évaluation d’avant la crise financière). Le FMI investira cette somme en partie sur les marchés pour financer son exploitation déficitaire avec les produits de cet investissement. Les ressources du FMI seront investies en obligations d'Etat, "peut-être en obligations privées, en actions".
Une telle manière d’utiliser les réserves d’or correspond en réalité à une simple «activation» de l’or puisque l’or est vendu contre des devises, lesquelles sont placées sur des actifs de bon rendement et c’est seulement le gain issu des placements qui est définitivement utilisé.
En définitive, il ne s’agit pas d’utiliser la totalité du stock d’or de la BCEAO en une seule fois. Il s’agit de déterminer la part de ce stock d’or qui peut être directement activée.
{mosgooglee}La leçon qu’il faut en retenir est que les nations ont la volonté de s’affranchir de la tyrannie des métaux, notamment de l’or. On peut utiliser les moyens financiers disponibles à régler les problèmes concrets de développement qui se posent à nos pays. Pour ne pas rester en marge de l’Histoire universelle, l’Afrique se doit d’examiner les modes de financiarisation innovants des économies.
Claude d’Almeida, Consultant : claudalmeida@yahoo.fr
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