Deux lettres contradictoires en 48 heures ouvrables

Cafouillage au sommet de l’Etat

Lundi 1er mars 2010, les parlementaires et le public béninois prennent connaissance d’une lettre du Chef de l’Etat datée du 25 février 2010 et demandant au Président de l’Assemblée nationale de déclarer irrecevable la proposition de loi à examiner le même jour et visant à abroger la loi instituant la Liste électorale permanente informatisée (Lépi). Tollé général. Les opposants dénoncent une tentative de violation du règlement du Parlement et promettent ne pas se laisser faire. Quelques heures plus tard, ce même 1er mars 2010, la télévision nationale annonce en bande défilant que le Chef de l’Etat par une autre lettre adressée au Président du Parlement retirait sa précédente lettre demandant l’irrecevabilité de la proposition de loi. Deux lettres contradictoires du même président de la république en 48 heures ouvrables. Il y a cafouillage !

Ce n’est pas le retrait en soi d’une demande introduite quelques heures plus tôt qui est le problème. C’est l’objet et le contenu de cette lettre qui ne sont pas de nature à autoriser cette volte-face. Dans sa lettre du 25 février, le Chef de l’Etat évoque une convention de la Cedeao relative à la bonne gouvernance et le financement par des bailleurs étrangers de la réalisation controversée de la Lépi comme des engagements internationaux au-dessus de toute loi nationale. En conséquence, la proposition de loi visant à abroger la loi instituant la Lépi, qu’il juge contraire à aux engagements internationaux pris par le Bénin devrait être déclarée irrecevable par le Président du Parlement. Une telle demande d’un Président de la république ne peut en rien s’assimiler à une question d’humeur sur laquelle il est loisible de revenir. Et pourtant la suite des événements en donne tout l’air. Une autre lettre de Boni Yayi, selon la télévision nationale, demande au Président de l’Assemblée nationale de ne plus considérer la précédente. Et l’on se demande alors si toutes les dispositions de la convention de la Cedeao évoquées dans la première lettre ne relevaient que du dilatoire. Pour qui sait comment le président de la république a tenu tête depuis fort longtemps aux opposants qui veulent abroger la loi instituant la Lépi, cette correspondance n’a pas dû être envoyée tout en sachant qu’elle allait être retirée l’instant d’après. La réaction des opposants a mis à nu la maladresse et la légèreté de la démarche du Chef de l’Etat. Et le retrait précipité de sa demande n’est que l’illustration d’un cafouillage au sommet de l’Etat.

Communication gouvernementale en panne

24 heures après l’annonce de la télévision nationale, il n’était pas possible d’avoir confirmation auprès des services administratifs que le Chef de l’Etat a effectivement envoyé une seconde lettre au Parlement. Seul un communiqué du Président du parlement lu à la télévision nationale et invitant les députés à une session extraordinaire pour jeudi sur le même dossier laisse accroire que Boni Yayi a abandonné sa demande portant déclaration d’irrecevabilité de la proposition de loi des députés de l’opposition. Autrement l’on reste en droit de douter de la véracité de cette information et libre cours est laissé aux spéculations dans l’opinion publique. Un risque que n’autorise pas l’existence d’un ministre porte-parole du Gouvernement et d’un Porte-parole de la Présidence de la république.

C’est eux qu’il appartenait, sur un sujet aussi sensible et d’aussi grand intérêt pour le public, de monter au créneau pour donner l’information officielle. Elle a beau venir d’un organe public, l’information, sans précision de source, donnée à la télévision nationale reste à être vérifiée. Et c’est la communication gouvernementale qui est ainsi en panne.

Janvier ZOCLI

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