Quand les éléphants se battent, ce sont les herbes qui souffrent, enseigne un dicton populaire. Depuis des mois, le gouvernement est aux prises avec les syndicats. Dans le secteur de la santé où le mouvement vient de prendre fin quoique les grévistes n’aient pas été satisfaits à la mesure de leurs attentes, ce qui témoigne quelque peu de leur sens de responsabilité, ce sont les malades qui ont fait les frais en mourant en masse. Les grévistes ont finalement décidé de ne pas leur faire payer davantage.
Dans le secteur de l’éducation, même si les étudiants semblent envisager une suite apaisée pour les activités académiques après avoir frôlé l’invalidation de l’année, les écoliers et élèves, de nos établissements publics notamment, continuent de payer, eux, un lourd tribut à la grève qui n’en finit plus. Leur avenir est menacé. Leur bonne volonté et leur disponibilité sont éprouvées, en même temps que celles de leurs parents. Ecoliers et élèves du public, ainsi que leurs parents, vivent donc un désarroi profond, tant la crainte de l’année blanche, conjuguée aux sacrifices financiers en instance d’être passés en pertes et profits, les saisit aux tripes, créditent leur aspiration légitime d’une année scolaire apaisée et couronnée de réussite, d’incertitudes et d’échecs en masse programmés.
Dans ces conditions, comment ne pas comprendre nos jeunes frères élèves qui, la semaine dernière, après avoir refusé de suivre des cours au rabais, soit un seul jour sur cinq, ont battu le macadam. Noble cause que la leur, face à laquelle il est interdit de rester insensible. Faire la sourde oreille, en effet, dans ces conditions, ce serait comme se fermer soi-même les yeux et refuser de voir, puis prétendre que l’on est aveugle. Ces jeunes, il faut le remarquer, ne sont pas de ceux qui nous statufient debout en défendant des causes auxquelles ils ne comprennent rien mais pour lesquelles on les instrumentalise. Ceux-là auront toujours tort de s’éloigner de l’essentiel pour eux-mêmes et pour leur pays. Ceux qui les manipulent aussi, pour des causes sans noblesse, devraient savoir qu’ils sont dans le décor. C’est cela qui donne tout son sens au mot de François Mitterrand, prononcé devant l’Assemblée nationale française le 8 mai 1968, et selon lequel : « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort ». Car, manipuler les jeunes, c’est aussi les frapper, c’est surtout les méconnaître.
Les jeunes qui sont en mouvement, et qui s’interposent entre le gouvernement et les enseignants en grève, ont compris que la situation pourrie qui a cours leur composte un avenir terne. Or, comme leurs contemporains, héritiers de ceux qui ne sont plus, ils savent qu’ils sont la providence de ceux qui viennent après eux. Etre la providence des générations montantes et futures, c’est justement être, pour la jeunesse, bien formée pour être à même, demain, de faire face efficacement aux défis qui seront ceux de notre pays. Mais aujourd’hui, le défaut de formation soutenue, dû en partie aux affres des Nouveaux programmes d’études, expose ces jeunes à ne pas être demain. Qui s’étonnerait demain si après un rafistolage de l’année, les examens sacraient une nouvelle fois les candidats du privé et des écoles militaires comme étant les meilleurs, pendant que ceux du public seraient classés en seconde zone ? Personne ! Mais presque tous auront oublié que ces élèves ont dû se contenter de chétifs cours alors que leurs concurrents, partis à temps et à point, étaient bien servis.
Pour cela, les jeunes élèves en mouvement méritent notre admiration et notre soutien. Car s’il est vrai que ce sont les jeunes qui déterminent la température du monde, actuellement, les jeunes Béninois ont froid et très froid. Ce qui ne manquera pas de faire trembler le monde autour d’eux.
Jeunes élèves, votre cause est juste et votre combat est noble. Danton n’a-t-il pas dit qu’ « Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple » ? Si vous en avez une conscience claire et que vous persévérez dans le sens d’amener les protagonistes qui vous prennent littéralement en otage à se faire des concessions, vous triompherez. Plus vite encore si les parents comprennent votre malheur et se jettent dans la bataille avec vous pour vous renforcer et combattre à vos côtés. Et vous aurez démontré que la jeunesse ne peut pas toujours servir d’échelle aux vendeurs d’illusion, mais qu’elle peut s’assumer.
Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (source : http:/commentvalebenin.over-blog.com)