Décision DCC 10-049

La Cour a encore fait des miracles

La dernière décision de la Cour Constitutionnelle vient une fois raviver les inquiétudes des populations sur sa crédibilité et son impartialité. A travers sa décision N° 10- 049 rendue curieusement un lundi de pâques- jour de repos à priori- la Cour dirigée par Robert Dossou a montré qu’elle est ingénieuse dans les escamotages juridiques et la culture de la confusion

Une décision très vaste, assez vaste pour embrouiller le peu de béninois qui comprennent la langue française. C’est d’abord sur le volume de la décision que la Cour a surfé pour créer la confusion. Comme un artifice pour camoufler le forfait commis, la Cour s’est aidé des nombreux détails fournis par les requérants et s’est mise à citer cas par cas et avec une certitude inouïe les allégations contenues dans leurs requêtes. Au finish, elle a pu servir au peuple un document très indigeste de 46 pages pour expliquer le retard accusé pour donner un verdict attendu depuis des jours. Un retard qui inquiétait déjà lorsqu’on se rend compte que la loi abrogatoire n’est composée que de deux articles. Et la Cour se verse dans l’énumération de plusieurs articles qui ont été violés par les députés. Elle cite pêle mêle les articles 124, 35,4, 146….Même si cette décision était prévisible au regard de la sensibilité politique des membres de cette Cour et des décisions rendues depuis qu’elle est installée, il y a lieu de s’inquiéter des circonstances et de l’argumentaire usé pour casser cette loi. On note simplement que la Cour n’a daigné rendre sa décision qu’un jour férié, le jour où les députés de l’opposition membre de la Commission Politique de Supervision ont décidé de rendre officielle leurs démissions de cette institution. On note également que la Cour s’est servi des arguments des députés de la mouvance. Tout a été dit en leur faveur et tout contre les députés de l’opposition montrés grossièrement comme des députés réfractaires à la modernisation du fichier électoral qui est une avancée notoire dans notre système démocratique. C’est donc exprès que la Cour est restée muette sur la nouvelle loi introduite par les députés de l’opposition pour corriger les imperfections de l’ancienne abrogée. On comprend qu’en s’opposant à l’examen et l’étude de la nouvelle loi en procédure d’urgence Mathurin Nago et Hélène Aholou Kèkè espéraient quelque chose de la Cour Constitutionnelle. La Cour serait-elle d’intelligence avec cette frange de députés. Si on ne peut répondre avec assurance, on peut au moins affirmer qu’elle a travaillé pour sauvegarder leurs intérêts. En somme, il y a quelques leçons à retenir de cette décision. D’abord que des arguments des requérants ont désormais valeur constitutionnelle. Ensuite que la Cour veut dénier aux députés le droit de légiférer que cette même constitution leur reconnaît. Enfin qu’elle donne son onction pour que la Cps et la Mirena puissent continuer avec les nombreuses irrégularités déjà observées. «  Il n’ y a rien de grave, on peut passer », semble dire la Cour. Il y a aussi une incohérence qu’on ne peut ignorer. La même Cour qui a proclamé naguère dans la décision N° 06-074 du 08 juillet 2006  que le consensus est un principe à valeur constitutionnelle affirme aujourd’hui  que « le défaut de consensus sur les points techniques d’exécution ne peut pas fonder l’abrogation de la loi ayant créé l’organe ».Curieux raisonnement. Alors donc, le consensus commence où et s’arrête où ? La Cour a oublié de nous en donner les limites.

Un petit espoir à l’horizon

Cette décision de la Cour Constitutionnelle ne ferme pour autant toutes les portes quant à l’élaboration d’une Lepi crédible et consensuelle. Les députés peuvent toujours demander une seconde lecture de la loi ou même me Chef de l’Etat en s’inspirant du rapport du groupe de travail qui a cité les articles à modifier et fait des propositions pour la sortie de crise. En procédant ainsi, il pourra donner à la face du monde l’image du président soucieux de doter son pays d’une lepi consensuelle qui ne sera source de violence et de conflit postélectoraux. Autrement, il confirme tout ce que beaucoup de béninois disent à savoir qu’il veut une Lepi taillée sur mesure pour rempiler sans difficulté en 2011.

Marcel Zoumènou

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