Anthony, banlieue sud de Paris – A la sortie-est du RER, juste après la gare de bus, se dresse un bâtiment blanc, l’hôpital privé d’Anthony, éclairé par un soleil presque estival. Dans cet après-midi de 3 juin, Georges Vikey, le fils aîné de la famille me conduit dans cet établissement où son père est interné depuis près de six mois.
J’ai connu Georges par le net, dans un message envoyé sur mon blog où je tentais de reconstituer la vie de GG Vikey, peu disert sur ce qu’a été son parcours artistique. Depuis, nous sommes devenus amis et à chaque passage à Paris, je lui demande des nouvelles de son père.
Ce jour-là, il a décidé de m’emmener le voir et constater par moi-même l’évolution de son état. Dans cet hôpital privé où, paraît-il, les soins sont d’une extrême efficacité, tous les espoirs sont permis.
Au deuxième étage, nous empruntons le premier couloir de droite. Les numéros de chambres défilent en decrescendo. Au 112, Georges s’arrête, jette un œil par la porte entrebâillée.
« C’est ici », me dit-il.
Au fond de la pièce, sur un lit au chevet sanglé, est étendu un petit corps amaigri enveloppé aux trois quarts de blanc. On se consulte du regard. Une infirmière qui passait dans le couloir nous invite à y entrer. D’ailleurs, c’est l’heure des visites. Lentement et avec beaucoup de précaution, nous franchissons le seuil de la pièce. C’est une chambre individuelle équipée de sonnerie, de poste-téléviseur et de tous les gadgets pouvant permettre d’alerter les infirmiers sans effort. GG Vikey, méconnaissable sous tous les angles, est endormi. Il est pâle, vieilli, avec de grosses poches sous les yeux, des bajoues près du menton. Mais comme un enfant qui dort, il a l’air serein.
Georges l’appelle, mais n’ayant pas de réponse, il lui prit la main et, légèrement, le secoue. Le geste est répété trois fois. Au bout du énième, le malade émit enfin un bruit sourd comme s’il grommelait, puis ouvrit l’œil droit.
« C’est moi, papa », refait le jeune homme, « c’est Georges, comment vas-tu ? Tu arrives à bouger le bras ? Non ? Et le pied droit ?»
Ses réponses sont inaudibles. Le fait-il exprès ou c’est parce qu’il est diminué par la maladie ? Au bout de l’échange, Georges lui signale ma présence.
« Couao-Zotti », réagit-il aussitôt, « ça va ? ».
Il me parle en mina, la langue par laquelle nous communiquons souvent. Ses mots sont hachés, faibles, mais restent d’une grande lucidité.
« Il ne faut pas le fatiguer », me souffle Georges, « les grands malades ne supportent pas longtemps les causeries qui les usent». Le jeune homme a raison, il est temps de le laisser se reposer. Au même moment, GG Vikey a un petit sourire à mon endroit, me souhaite le meilleur et glisse de nouveau dans la somnolence. La visite a duré à peine un quart d’heure.
En sortant de ce luxueux complexe hospitalier, je n’ai pu m’empêcher de me risquer à une comparaison : celle de GG Vikey que j’ai toujours connu debout, artiste éternel dont les mélodies inondent le cœur de millions de gens et ce malade impotent, méconnaissable et extrêmement fatigué que j’ai vu. L’artiste ne l’avait pas certes chanté, mais il le dirait volontiers : que « la maladie est le pire ennemi de l’homme ». Car les affections (crise d’hypertension, accident cardio-vasculaire, hémiplégie), ne l’ont pas épargné, lui qui, depuis toujours, a réussi à triompher de tout.
GG Vikey est pris en charge par l’état béninois. Si l’évolution de la maladie semble stationnaire, les soins eux, sont continus.
« Mon père aurait pu vite guérir et recouvrer l’usage de ses membres s’il s’était montré un peu plus volontaire dans la rééducation, fait remarquer Georges. Mais il est ce qu’il est, on ne peut plus le changer ».
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