Je persiste à croire que non. Le Président Boni YAYI n’aurait jamais pu déclarer concernant l’honorable Janvier YAHOUEDEHOU : « Il n’y a personne pour faire taire celui-là ? » Ces graves propos attribués au Chef de l’Etat lui auraient été rapportés ; il n’était pas présent.
Même si le Président Boni YAYI a eu des propos semblables, il faut les ranger dans la rubrique de ces sautes d’humeur dont le Chef de l’Etat est coutumier. Mon ami, l’irréductible opposant au régime KEEKOU, l’auteur de deux brûlots qui auraient pu l’envoyer dans les geôles des Services spéciaux où sa vie aurait été vraiment menacée, n’a rien à craindre du débonnaire locataire du palais de la Marina. Non ! Personne n’attentera à votre vie, mon cher Janvier ; en tout cas si vous évitez soigneusement de manger ou de boire n’importe où. Si je me trompe sur le compte du Premier Magistrat du pays, c’est à tout le peuple béninois que vous devez alors vous adresser à travers ces mots : « Je fais appel à votre personne pour que ma sécurité soit garantie, pour que je ne sois pas assassiné parce que tant que je serai vivant, je dirai toujours la vérité. » J’affirme qu’une opposition politique classique n’a pas sa raison d’être dans notre pays où les partis politiques dignes de ce nom n’existent guère pour concourir à l’expression du suffrage populaire, et où les centaines de caucus qui se créent chaque week-end n’ont qu’un but : peser lors des remaniements ministériels. Dans ces conditions, il est impossible que naisse une véritable opposition politique. Nous nous trouvons alors dans le cas de figure très constitutionnel où le principal lieu où l’action gouvernementale peut être contrôlée, c’est l’Assemblée Nationale. Montesquieu a dit que comme tout pouvoir a tendance à abuser de ses prérogatives, seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir. Or, « nous peuple béninois, réaffirmons notre opposition fondamentale à tout régime politique fondé sur l’arbitraire, la dictature, l’injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel».L’honorable Janvier YAHOUEDEHOU est donc dans son rôle constitutionnel et dans le type de régime qui est le nôtre, à savoir un régime présidentiel strict où les deux principaux pouvoirs, le législatif et l’exécutif sont séparés, on ne devrait pas parler de mouvance présidentielle à l’Assemblée Nationale, au risque que les députés qui se déclarent comme tels violent les articles 33 et 35 de notre Constitution. L’article 33 édicte : « Tous les citoyens de la République du Bénin ont le devoir de travailler pour le bien commun, de remplir toutes leurs obligations civiques et professionnelles, de s’acquitter de leurs contributions fiscales ». Quant à l’article 35, elle prescrit ceci : « Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien commun ». Aussi nos 83 honorables députés doivent accomplir consciencieusement leur mission de représentants du peuple comme le fait avec courage le digne fils du terroir agonlin. N’assassinons pas le Renouveau démocratique en cherchant à le faire taire ou à amener le Chef de l’Etat dont il est toujours l’un des principaux vrais soutiens, à le détester ; ceci afin de pêcher en eau trouble dans le vil dessein d’obtenir ou de garder un maroquin ministériel.
Jacques CHIRAC a été traité de raciste lorsqu’il avait dit que l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie. En février 1990, lors d’une interview sur Europe 1, la journaliste Catherine NAY lui demanda « s’il n’était pas un peu raciste de dénier aux Africains le droit d’avoir plusieurs partis, comme n’importe quel citoyen du monde ». La réponse du Grand Blanc est édifiante : « C’est que les pays d’Afrique ont une caractéristique, c’est d’être divisés, non par l’idéologie. Il n’y a pas d’affrontement idéologique entre Africains dans tel ou tel pays, mais des divisions ethniques. Il y a dans ces pays un très grand nombre de tribus qui ont leurs traditions, qui ont leur culture, qui ont leur histoire et qui se sont toujours battues…
Dès que vous envisagez la création, comme cela, simplement parce que l’Europe considère que c’est bien, d’un certain nombre de partis, ce que je peux comprendre, que se passe –t-il ? Vous avez immédiatement un parti par tribu et, au lieu d’avoir la démocratie, vous avez l’affrontement et un risque d’anarchie. Il faut tout de même réfléchir avant d’imposer à tous ses certitudes. La démocratie peut revêtir un certain nombre de formes. Etc. » Bien sûr, c’est inévitable que le fils d’un ancien pays colonialiste embouche la trompette des vieux clichés éculés et des préjugés racistes, comme les guerres tribales.
A suivre
Par Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC