(Où sont passés les fonds remboursés par les femmes)
Le chef de l’Etat a eu, une nouvelle fois, recours aux ordonnances pour ratifier à la place du parlement les accords de prêts auxquels souscrit l’Etat béninois auprès de la BADEA et de la BID pour la micro finance. C’était vendredi dernier. Outre le caractère rébarbatif et abusif de la chose, cette prise d’ordonnance est révélatrice de bien d’autres imperfections majeures du gouvernement en place.
Vendredi nuit, 00h05minutes. La diffusion du match en cours sur la télévision nationale est interrompue par l’hymne nationale. A la fin de l’exécution de l’Aube Nouvelle, le président Boni Yayi apparaît et s’avance vers un pupitre. Il annonce qu’il venait de prendre des ordonnances suite au rejet des députés de ratifier les accords de prêts au profit de son programme de micros finances. En prenant cette énième ordonnance, le chef de l’Etat s’est une nouvelle fois substituée au parlement qui est pourtant une incarnation et la Représentation légale du peuple tout entier pour qui, le chef de l’Etat est censé travailler. A priori, la Représentation nationale est une voix autorisée pour savoir ce qui convient au peuple ou non. Puisque c’est le mandat que le peuple a donné à ses élus qui y siègent.
Il faut également remarquer que ceci est une parfaite illustration du refus de dialogue du chef de l’Etat quand bien même tous ses messages qui font suite à ses prises d’ordonnances reprennent une formule générique et consacrée par lui indiquant que a main demeure tendue pour le dialogue. On ne saurait être disposé pour le dialogue et toujours passer outre les prises de positions des députés. Il aurait sûrement mieux fallu que le chef de l’Etat ouvre les négociations avec les députés. A moins que le passage en force ne soit synonyme de main tendue.
On constate par ailleurs que le gouvernement ne s’est pas contenté seulement de prendre des ordonnances. Mais il a pris le soin d’organiser tout un folklore autour de la chose. Si non comment comprendre toutes ces marches de soutien qui ont été organisées dans plusieurs communes du pays justes quelques heures seulement après l’annonce du chef de l’Etat de sa prise d’ordonnance. En effet, alors qu’il rendait publique sa décision a minuit passé ce vendredi, les femmes étaient déjà dans les rues dans la matinée du samedi. La question qui se pose est de savoir l’alchimie par laquelle ces femmes, pour la plupart déjà couchées, qui avaient certainement prévues leurs activités pour ce jour, ont pu avoir le temps nécessaire pour se mobiliser. De quel temps ont-elles disposé pour obtenir des autorisations de manifester auprès des autorités locales ? De quel temps ont-elle disposé pour confectionner les banderoles ? Comment ont-elles pu faire déplacer la chaîne de télévision nationale pour qu’elle puisse envoyer une équipe sur les lieux ? Apparemment, c’est les quelques heures qui ont séparé la prise de l’ordonnance et le lever du jour. Alors qu’il est de notoriété publique qu’il faut des jours à l’avance introduire une demande de couverture pour bénéficier d’équipe. Là encore ! Il se dégage clairement que ceci est l’aboutissement d’une comédie savamment mise en scène. Ne devrait-on pas comprendre que les zélateurs et autres barbouzes du régime actuel étaient au courant de la décision des jours à l’avance et ont pris des dispositions pour que les manifestations suivent automatiquement la prise des ordonnances ?
Dans les multiples messages des femmes, des extraits aussi agressifs qu’injurieux, à la limite, sont adressés aux députés. Ceci est outrageant et est malsain. Car, les députés sont présentés comme des apatrides et ainsi livrés à la vindicte populaire. Toute chose qui est dangereux à huit mois des élections.
Revenant aux raisons qui ont fondé la prise des ordonnances, on remarque que le président a brandi comme principal argument la menace sur les accords internationaux, en l’occurrence les accords avec la Badea et la Bid. Dans le cas d’espèce, il ne s’agit en fait que de simples accords de principes qui ne deviendraient véritablement accords internationaux et bénéfiques au Bénin qu’à la suite de l’autorisation de ratification par les parlementaires. Il ne saurait donc être question de menaces sur les accords internationaux ou encore sur le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
Où sont passés les fonds remboursés par les femmes ?
A entendre les femmes qui ont manifesté, elles ne reçoivent plus les micro crédits. Et que les ordonnances du chef de l’Etat venaient à point nommé. C’est ce à quoi devraient servir les fonds qui découleront des accords de prêts avec la Badea et la Bid dont les députés ont refusé d’accorder l’autorisation e ratification. Alors, on se pose la question de savoir si le programme est en faillite. Ce qui serait bien fâcheux. Car, toutes les fois que l’occasion a été donnée aux responsables de ce programme, ils ont déclaré que les femmes avaient remboursé les crédits à elles octroyés à 100%. Normalement, le cycle ne devrait pas s’interrompre. Surtout que du 0% promis par le candidat Boni Yayi, c’est à 5% que les femmes sont assujetties. Autrement, il est impossible que le programme tombe avec le nombre de milliards qui y ont été engloutis. Ou ces femmes disent une vérité qui est cachée au peuple, ou bien elles font preuve d’un excès de zèle qui porte préjudice au gouvernement.
Benoît Mètonou