Je ne sais pas s’il faut le féliciter ou le plaindre. Je constate qu’il est devenu, depuis vendredi dernier, ministre de la République. Je constate aussi, qu’avant même l’officialisation de la nouvelle, il est allé remercier le chef de l’Etat et se mettre à son service. Signe que l’homme en voulait…
Modeste Kérékou, c’est sans doute un destin. Il a déjà un nom. Enorme avantage comparatif. Il veut se faire un prénom. Il a été, à moins de 30ans, député élu sur la liste de l’Union pour le Bénin du Futur (UBF), aux bons soins de Bruno Amoussou. Aujourd’hui, il est ministre. Si son cas préoccupe, c’est que son atterrissage au gouvernement de Boni Yayi est tout aussi préoccupant et relève du grand écart. Oui, il y a un peu plus d’un an, la tension était vive entre le régime Yayi et les Kérékou, du moins Modeste Kérékou. Il s’était fait le défenseur de son père, ancien président de la République, à qui la ministre Réckya Madougou aurait manqué dans son livre « Mon combat pour la parole ». Modeste Kérékou crache du fiel, veut remettre la ministre à sa place. Il lui donne du « mademoiselle la ministre ». Il accuse Boni Yayi d’abriter des repris de justice dans son gouvernement. Il s’indigne plus tard de la façon dont son compagnon de parti, Rachidi Gbadamassi, est passé à l’ennemi commun avec armes et bagages sans crier gare.
Réckya Madougou est encore au gouvernement et je me demande comment les deux désormais collègues vont se regarder. Les repris de justice sont encore au gouvernement et je me demande si Modeste Kérékou doit être fier de s’asseoir avec eux autour de la table du Conseil des ministres. Rachidi Gbadamassi, depuis qu’il s’est auto transféré chez l’ennemi, essaie, avec un activisme soutenu, de remplir sa part de contrat. Je ne sais pas, au cas où il aurait été étranger à la nomination de Modeste Kérékou, comment il le verrait dans ses habits de ministre. Mais la politique, qui a besoin d’éthique et de normes, je l’ai souvent dit, s’est révélée chez nous comme étant le domaine du possible par exemple. Donc l’on fait un virage à 180° et l’on compte sur l’amnésie collective pour se faire absoudre. Soit, mais je pense que, pour le combat dont il s’est fait le chantre en dénonçant la gestion peu amène du pays par Boni Yayi, Modeste Kérékou devait avoir quelque égard pour le public en lui expliquant préalablement à son entrée au gouvernement, qu’il était revenu à de meilleurs sentiments vis-à-vis de Boni Yayi.
Mais quand j’essaie de comprendre, non pas de justifier son acte, je n’exclue pas que dans sa tête, doit trotter une petite envie de destin national auquel peut donner à penser le nom politique dont il a hérité. Dans le même temps, voilà son frère Moïse qui ne cache pas non plus ses ambitions, crée un mouvement politique et déclare sa flamme à Boni Yayi. Ce rapprochement menacerait-il les plans de Modeste. Lui qui, ayant été député et s’étant posé en procureur de leur géniteur commun dans la fausse guerre (on s’en rend compte aujourd’hui) l’ayant opposé à Réckya Madougou, apparaissait jusqu’ici comme le plus vendable, politiquement s’entend, de la fratrie. Il lui fallait alors se donner de la latitude pour ne pas se laisser supplanter par son frère. Car il a dû se retrouver dans la même situation qu’un Galiou Soglo par rapport à son frère aîné Léhady.
Ainsi, Modeste Kérékou croit sûrement en son destin. Il espère que ses nouvelles amours avec Boni Yayi et son changement le mettent sur le chemin d’y arriver. Hier député, aujourd’hui ministre, cela n’est pas rien mais cela ne fait pas tout. J’ai appris du sage que toutes les opportunités ne sont pas bonnes à saisir. Qu’il faut se méfier des étoiles filantes parce que leur chute est aussi brutale que leur ascension. Qu’en sera-t-il de Modeste Kérékou ? A lui de jouer, qui croit peut-être aussi qu’en politique, seule la fin justifie les moyens.
Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (Source:http:/commentvalebenin.over-blog.com)