« Celui qui doit aller au père, doit passer par moi ». Ainsi parlait Jésus Christ il y a 2010 ans. En bon chrétien, Yayi y croit. Aussi n’a-t-il pas hésité à passer par les fils des anciens présidents pour obtenir tout au moins l’estime de leur géniteur. Mais sur le chemin de la décrispation, des difficultés perdurent et peuvent annihiler tous les efforts de Yayi et sa volonté de rempiler en 2011.
Le recours aux fils pour gagner l’estime de leurs pères anciens présidents de la république est l’expression même des difficultés actuelles du président Boni Yayi à avoir une discussion sincère et franche avec ses interlocuteurs. Si les sourires narquois, les acquiescements de la tête et les génuflexions du président devant ses prédécesseurs n’ont pas suffi à faire de lui leur coqueluche, c’est qu’il y a forcément des antécédents et des rancoeurs qui empoisonnent encore la confiance. Un problème plus sérieux que ce que pense Yayi et qui risque de compromettre toutes ses tentatives de ramener la confiance s’il n’y prend garde. Les mobiles des méfiances entre Yayi et ses prédécesseurs remontent aux lendemains de son arrivée au pouvoir en 2006 où à l’unanimité, ils lui ont tous accordé leur soutien. Prenons le cas du président Emile Derlin Zinsou dont une prétendue nièce nommée ministre vante les bonnes relations entre son oncle d’ancien président et le président Yayi qui l’a nommée en reconnaissance de cette relation. Des sources proches du président Zinsou confirment d’ailleurs les nombreux griefs que celui-ci a contre le président Yayi dont la gestion politique et économique du pays sont bien aux antipodes des valeurs défendues depuis des lustres par cet ancien président reconnu pour son intégrité et sa rigueur. Si donc la méthode de gouvernance actuelle ne change pas, il sera difficile au président Zinsou de le soutenir même s’il a une « supposée nièce » dans le gouvernement. D’ailleurs le parti dont il se sent le plus proche et dont il est d’ailleurs le président d’honneur a pris ses distances avec la mouvance.
Quid du président Soglo ? Les relations de Yayi avec le président Soglo sont l’illustration même de l’ambivalence comportementale de l’actuel locataire de la Marina. Toujours respectueux, souriant Yayi est pourtant l’homme qui a créé plus de problèmes politiques à Soglo ces dernières années. Tout est parti du non respect de l’accord politique entre les deux tours de présidentielle de 2006.Les relations se sont envenimées avec la nomination de son fils Galiou sans le cachet du parti et de son père. C’est encore le très respectueux Yayi qui entreprend la conquête politique de la mairie de Cotonou au détriment du président Soglo. Le comble, il nomme Candide Azannaî, le pire ennemi des Soglo au gouvernement. Et donc si Yayi s’évertue à montrer publiquement que tout va bien entre lui et le président Soglo c’est beaucoup plus pour tromper les faibles de réflexion et moissonner dans le jardin Rb lors de la présidentielle de 2011. Nommer le fils ne suffit donc plus pour regagner la confiance perdue depuis, surtout que les actes ne rassurent toujours pas.
Le cas le plus embarrassant ici est celui du président Kérékou. Prédécesseur direct du président Yayi, c’est a priori celui qui devait le plus bénéficier d’attention de la part du gouvernement actuel. Mais qu’observe-t-on ? On peint systématiquement en noir toutes les œuvres et les actions du gouvernement Kérékou. C’est une stratégie qui vise à montrer que les autres n’ont rien fait afin de ne mettre en exergue que ses prouesses. Le coup de semonce, c’est le livre « mon combat pour la parole » du ministre Reckya Madougou qui diabolise encore le caméléon qui a décidé de se reposer à l’ombre de ses filaos.
Kérékou s’est senti meurtri dans sa peau et aurait même interdit à son successeur de lui rendre visite. Pour un introverti comme lui, c’est sérieux. Yayi sent la menace et tente tout pour rétablir les relations. Pour séduire Kérékou, il trouve bon de nommer son fils qui proclame urbi et orbi les bonnes relations entre son nouveau patron et son père. Cela suffit-il pour dire que Kérékou le soutient en 2011? C’est mal connaître la ruse de Kérékou qui donne le clignotant à droite et qui tourne à gauche. Et même si tous ces anciens présidents le soutenaient en 2011, Yayi sortira-t-il d’affaire. En 2006, ce n’était pourtant pas eux qui lui ont accordé des voix au second tour. Yayi a peut être oublié le chemin qui l’a amené à la Marina.
Marcel Zoumènou