Un el dorado nommé placement d’argent !

Qu’est-ce que nous aimons la facilité ! C’est le moins que je puisse dire en observant l’engouement dont nous, Béninois, faisons montre vers la toute récente activité dite du placement d’argent. C’est la nouvelle filière. Un nouveau raccourci vers la richesse. De l’argent, en voulez-vous ? En voilà !

Et comme pour finir de convaincre qu’il s’agissait d’un espace de non droit absolu, chacun des opérateurs de la nouvelle filière pouvait fixer ses taux d’intérêt, que dis-je, ses taux de rendement, à sa guise, selon son bon vouloir. Exactement comme si les déposants étaient des usuriers qui, à la différence qu’ils ne fixent pas eux-mêmes leurs bénéfices, pouvaient néanmoins recevoir de mirobolantes sommes d’argent qui attesteraient que les dépôts ont porté des fruits savoureux. Et c’est imparable ! Et ça marche à tous les coups, du moins pour le moment. Car, il faut le dire, les taux d’intérêt pratiqués jusque-là défiaient toute logique objective. Les 150% l’an des uns ne représentant qu’une injure à côté des 200 voire 300 ou plus  des autres. C’est dire si l’appât était alléchant au point de mettre en berne la réflexion et d’aiguiser la gourmandise, de décupler l’envie de s’enrichir.

Je suis sidéré mais aussi outré, depuis quelques mois, par l’ampleur que prend le phénomène. Je me demande comment, aussi massivement, nous pouvons nous laisser séduire par cette nouvelle filière. Comment, sans nous inquiéter du taux anormalement élevé pratiqué par les tenanciers de la filière, nous avons pu nous jeter là-dessus à bras raccourcis. Cela ne traduit-il pas, de la part de notre peuple, un certain penchant pour la facilité ? Ah ! Si la vie était si facile et s’il ne suffisait que de ça pour s’enrichir. Petites gens et surtout gens de la haute société, sans distinction de sexe, de génération, de niveau d’études et autres ont pris d’assaut le nouvel El dorado. La ruée vers le placement d’argent est manifeste. Nous sommes fous d’argent. L’illustration la plus éloquente, mais aussi la plus préoccupante, c’est que certains vont retirer leur avoir dans les banques pour oser le risque du placement. La plus grave, c’est que certains vont même faire des prêts auprès des banques primaires pour aller « placer » auprès de ceux qui, apparemment, ont le génie de les faire fructifier l’argent plus que de mesure. Sans autre garantie évidente que la croyance de recevoir leur mise démultipliée. Et dire que certains de ces promoteurs d’affaires d’un autre genre, que nous avons vus dans un passé récent, ne sont pas forcément des gens à la crédibilité avérée. Mais peut-être ont-ils changé en bien entre temps… Oui, ils ont changé en ce que, quelque temps seulement après leur entrée dans l’activité, ils ont changé radicalement de train de vie, troquant leurs motos contre des grosses cylindrées.

Il me semble trop facile, sans qu’il s’agisse de gagner à la loterie, de déposer une certaine somme d’argent et de recevoir, rien qu’en intérêt, son double au bout d’un an, soit cinquante pour cent de la mise tous les trois mois. Si au moins les Etats-Unis d’Amérique n’avaient pas connu le cas Madoff qui devrait servir de repère à tous les gens sensés, l’on pourrait peut-être comprendre cet engouement vers ce commerce, au bénéfice de l’ignorance. En attendant, je ne crois pas que, individuellement et encore moins collectivement, cette activité contribue à nous élever. La gratuité absolue, la trop grande facilité, ça ne bâtit rien de grand. Or donc, voilà que depuis un petit bout de temps, au lieu de nous faciliter la vie, l’on nous habitue à la facilité. Car, l’argent ne fabrique pas les idées. Cependant, de bonnes idées peuvent générer de l’argent. Et ce n’est sûrement pas une bonne idée que d’aller déposer son argent comme pour le thésauriser, et d’attendre peinard que par enchantement, il se démultiplie. Vous appelez ça avoir de la veine !!! Vous appelez ça les affaires !!! Les tenanciers du secteur ont, eux-mêmes, commencé à comprendre. Aussi, après quelques remous et inquiétudes exprimées à haute voix, ont-ils commencé à s’organiser et à ramener leurs taux d’intérêt à des proportions plus raisonnables mais toujours importantes. Adieu les 150 à 300% de taux d’intérêt. C’est désormais le printemps des 36 à 84% de taux d’intérêt. Toujours assez pour appâter ceux qui savent qu’en banque, ils n’auront pas ces taux. Suffisant aussi pour continuer à s’inquiéter de la solidité de cette affaire et des conséquences incommensurables dont elle est porteuse.

En tout état de cause, autant il faut se méfier des étoiles filantes parce que leur chute est toujours brutale, autant il faudra se préoccuper du sort des clients de ce nouveau commerce en cas de dégringolade. Et ce n’est pas être oiseau de mauvais augure que de le dire… Seul le travail soutenu, l’effort constant ouvrent les portes du bonheur. Un peuple qui ne le sait pas et préfère la facilité inquiète quant à son avenir.

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (source : http:/commentvalebenin.over-blog.com)

Laisser un commentaire