Emile Derlin Zinsou : Une voix dans le brouhaha, pour quel écho ?

Les uns ont célébré l’humaniste en politique. Les autres honorent aujourd’hui le patriarche. Tous respectent le politique. Quoiqu’on dise et quoiqu’il fasse, il restera le slogan réducteur mais qui renseigne éloquemment sur le patriotisme et les ambitions de l’homme : « Zinsou takouè » : entendez, « Zinsou les taxes ! »

Oui, « Zinsou les taxes » en ces temps-là, en ces années 68-69 où il était apparu comme le recours pour sortir le Dahomey de l’ornière dans laquelle il sombra très tôt, trop tôt après l’indépendance. Sous d’autres cieux, l’on a fait l’effort de guerre. Lui, voulait amener ses compatriotes à faire l’effort de développement en les faisant compter, comme on dira plus tard dans les années dites de révolution, sur leurs « propres forces ». Comme pour dire qu’il était en avance sur son époque ? En tout cas, en ces années post indépendance où nos grands pères et nos pères étaient encore habitués à compter sur la France dite mère patrie, lui, Emile Derlin Zinsou, apparaissait sans doute comme un extraterrestre, un anticonformiste, de vouloir les amener à se prendre en charge. Quel autre sens fallait-il, en effet, donner aux taxes qu’il institua ? La réponse qu’on lui prête, goguenarde, suffisait à tout dire : « Zinsou takouè o, Zinsou kpomin é yi a ? » Entendez : « Les taxes de Zinsou allaient-elles dans les poches de Zinsou ? »

Voilà le condensé sans doute pas fidèle de l’homme complet qui, aujourd’hui, dans le landerneau politique, fait office de patriarche. Il paraît, et Boni Yayi le lui a dit le jour de ses 90 ans, que « Dans les yeux des jeunes, on voit la flamme. Mais dans les yeux des sages, on voit la lumière ». Si cette lumière est disponible chez lui, de quel éclat peut-elle illuminer la nuit noire qui tombe sur le Bénin ? Une nuit noire dans la profondeur de laquelle les gémissements des habitants, tourmentés, se font entendre. Comme si nous avions les dents agacées aujourd’hui pour les fruits verts que nos parents avaient mangés jadis ! Lugubre est cette nuit qui se répand sur notre pays, nous promettant, si nous n’y prenons garde, des élections avec un dénouement en pointillés. Mais c’est quand il fait nuit que les étoiles brillent. Alors, Emile Derlin Zinsou peut-il être l’une de ces étoiles ? Dans le brouhaha ambiant qui agite le pays qui, tel un champ de bataille en surchauffe, montre des protagonistes qui s’invectivent sans s’entendre, la voix du patriarche Emile Derlin Zinsou peut-elle encore rugir ? Rugir et se faire entendre, faire entendre raison aux acteurs surchauffés qui n’attendent que le signal pour dégainer ?

Après une récente visite au chef de l’Etat, Boni Yayi, en compagnie de ses compères Nicéphore Soglo et Mathieu Kérékou, visite commandée par la déconfiture de la situation socio-politique du pays, l’ancien président de la République Emile Derlin Zinsou a été chargé ou a pris l’initiative de conduire la rencontre avec l’opposition. En somme, alors que le brasier menace de gagner de plus en plus en incandescence, il est invité à faire office de sapeur-pompier. Mais ce sapeur-pompier a-t-il les moyens de son entreprise ? Dans son camion-citerne, son expérience de la gestion du pouvoir d’Etat, du commerce des hommes, sa retraite de la politique active et son âge qui en impose, peuvent être des atouts indéniables, des ingrédients qui feraient l’eau nécessaire à l’extinction du volcan qui bouillonne déjà en dedans et ne demande qu’à se déverser à la surface. A la surface où, en dehors des atteintes de plus en plus manifestes aux libertés publiques et individuelles, en dehors du pic atteint avec la disparition d’un compatriote proche de l’opposition, en dehors aussi des promesses de pogrom si les choses restaient en l’état jusqu’aux élections, l’on se convainc fatalement que chaque nouveau jour peut être pire que la veille. C’est donc à une gageure que le président Emile Derlin Zinsou est invité. S’il réussit, il aura réalisé un exploit. S’il n’y parvient pas, on ne lui tiendra pas rigueur car, à la vérité, il ne semble pas dans ses moyens humains d’y arriver sachant qu’il n’est pas maître des positions de ses interlocuteurs.
Dans tous les cas et en attendant, la nuit continue à se faire de plus en plus noire.
Mais l’on sait que plus la nuit s’épaissit, plus l’aurore est proche. Nous sommes parfois surpris d’entendre les coqs chanter à 4h du matin alors qu’on les attend pour 5h ou plus. L’abbé Pierre dit que « L’histoire des hommes est faite de longues disciplines et de soudaines indisciplines. Il faut qu’à un moment donné quelqu’un ose dire non ! ». Non, pour siffler la fin de la récréation et renvoyer les acteurs surchauffés au vestiaire. Ce serait sagesse !

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI (Source :http:/commentvalebenin.over-blog.com)

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