Le président Nicéphore Dieudonné SOGLO a une sérieuse prédilection pour son fils aîné à l’égard de qui il ne tarit point d’éloges quant à la précocité intellectuelle, aussi bien jusqu’à abdiquer toute ambition politique personnelle, qu’il n’avait d’ailleurs pas très grande, au profit de ce dernier.
J’ai eu le privilège d’être l’un de ceux qui ont côtoyé de près LVS à la Mairie de Cotonou. Assurément, l’homme est doté de ce pragmatique anglo-américain qui fait les grands stratèges ; mais son grand problème, c’est au niveau des complexes affectifs. L’homme demeure vivre un malaise évident au sein du cercle familial. Voyons donc ! Un président tout-puissant, grand roi à la tête d’une cour de 43 membres ; parfait ! Mais ne pouvait-on pas lui foutre la paix et lui donner pour une fois les pleins pouvoirs, les coudées franches pour conduire, seul maître à bord, la RB vers sa nouvelle destinée ? Pourquoi conserver au faîte du parti cette présidente-fondatrice qui n’en demande pas tant ? Je connais cette brave maman : l’honnêteté et l’abnégation incarnées ! La première à être surprise par ce cadeau imprévu sorti des calculs philistins de barons méfiants face à l’imprévisible diplômé de la Harvard School of Public Administration, ces missi dominici qui doivent tout à « Maman », c’est la Présidente–fondatrice elle-même ! On a continué la trinisation infantilisante au grand dam de ceux qui rêvent toujours d’un grand parti moderne avec un seul capitaine présidentiable à bord. Eh bien ! Comme on n’était pas sûr de bien canaliser l’impétueux adjoint au maire de Cotonou, on lui flanque au chef outre sa mère, son père comme président d’honneur ! Et pourtant, si quelqu’un a tout fait pour se libérer de la tutelle parentale, c’est bien LVS. J’aurais pu lui en vouloir, car je sais maintenant que c’est lui qui m’a fait virer du cabinet du Maire de Cotonou. Mais je comprends sa longue lutte contre les « hommes du Président » dont je fais malheureusement partie moi-même. On raconte que Staline avait du mal à retenir ses larmes devant les condamnations à mort de ses anciens amis comme lui vieux compagnons de Lénine, mais qu’il fallait faire disparaître pour qu’ils n’importunent plus le despote petit père des peuples. La liste est longue de ceux qui ne sont pas ses hommes à lui LVS, mais qui sont irrémédiablement les hommes du Président SOGLO : Nathaniel BAH, Guy Amédée ADJANOHOUN, Georges GUEDOU, Roger AHOYO, Aurélien HOUESSOU, Théodore HOLO, Maxime HOUEDJISSIN et last but not least, votre humble chroniqueur. Un psychanalyste aurait parlé de drame oedipien : comment être grand contre ses propres parents, surtout son père, quand on leur doit tout ? L’impatience et l’impulsivité matchées d’un zeste d’autoritarisme dont l’homme, il faut le reconnaître, se corrige peu à peu, ne permettent pas ce « cool », ce « hounkoukou » si prisé par mes congénères ; d’où l’impression de brutalité et d’insensibilité machiavélique dans les prises de décision par manque du temps nécessaire pour la pédagogie et la communication politiques. Tout le monde sait maintenant pourquoi LVS a contribué à la naissance de l’UN ; c’est pour s’en servir comme d’une échelle sûre vers l’ascension à la magistrature suprême. Or, ce n’était pas évident que nous nous rivions dans l’opposition après dix ans de dèche lors donc que cette position ne coûte rien a priori aux SOGLO : tous casés Boni YAYI ou pas. Mais quid des cadres, sevrés des lambris du pouvoir pendant plus de dix ans ! Il y eût fallu de patientes explications pour que ceux-ci comprennent les prises de position d’Abomey des 28 et 29 novembre 2OO8. Sinon, ceux qui comme moi ne pouvaient pas comprendre cette « politique de l’échec » et qui ont de l’action politique une autre conception que celle d’être des coryphées éternels, ne pouvaient réagir qu’à cloche-pied et s’exposer au dies irae de Jupiter et d’Apollon, et immanquablement se faire virer comme un malpropre. En politique le plus dur, c’est de ne pas faire des frustrés, potentiels adversaires, sinon des ennemis. La RB a perdu des plumes, beaucoup de plumes, à cause de cette atmosphère de « miganisme » qui l’a caractérisée ces dix dernières années.
Avec une trentaine de députés en 1999, elle en a actuellement à peine dix. A part Cotonou, bastion fon-goun qu’elle semble maîtriser avec son allié (le PRD), la RB a perdu toutes les mairies de l’Atlantique, toutes les mairies de la région agonlin, mahi, toutes les mairies de son fief autrefois inexpugnable du Zou, sauf trois : Abomey, Bohicon et Djidja. Renouvellement, rassemblement, peu-être ! Modernisation ? A moitié. L’œuvre de modernisation de la RB, le grand parti des Fons, c’est l’un des défis du Président Léhady vinagnon SOGLO.
Par Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC