Retrouver les images ou des éléments sonores des Indépendances africaines aura été pour nos pays qui, tour à tour ont célébré en 2010 le cinquantenaire de leur indépendance, une véritable quadrature du cercle. Seulement, l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) de Paris était encore présent pour assurer le transfert des images et du son vers les ex-colonies. Mais, nos pays ont–ils appris et bien retenu la leçon ?
Qu’il nous souvienne que c’est par un acte officiel de donation bien voulu par le gouvernement français que les images de la plupart des ex-colonies françaises devenues indépendantes en 1960, leur ont été rétrocédées quelques mois avant les festivités du cinquantenaire.
Le gouvernement de la République française était bien conscient que nos Etats étaient à l’orée de leur naissance et ne possédaient pas, pour certaines de radiodiffusion et pour d’autres des Chaînes de Télévision. Il faut saluer cet acte d’humilité même si il y a un fort relent paternaliste.
Cependant, cet acte nous interpelle aujourd’hui par rapport à la gestion que nous ferons de nos archives. Déjà cinquante années de vie politique, socio-économique, culturelle etc. pour nos Etats, mais avons-nous su gérer les sons et images que nous avons enregistrés au fil de ces années d’existence souveraine de nos pays ?
On trouverait véritablement à redire sur les capacités de nos gouvernants à impulser une politique rationnelle d’archivage des flux de sons et d’images qui ont déferlé cinquante années durant dans nos médias.
De colloques en forums, de conférences en séminaires, en passant par les ateliers, mille et une réflexions, analyses et recommandations ont soutenu la problématique sur la sauvegarde de notre patrimoine archivistique. Mais, nous n’avons pas été plus loin, parce que la volonté politique, devant améliorer la donne, manquait gravement.
Elle n’a pas fécondé les réflexions, analyses et recommandations les jetant plutôt aux oubliettes. La santé très mauvaise de nos archives, à tous les niveaux institutionnels, vient attester le peu de sérieux accordé à un secteur qui apparaît comme la boussole qui projette le regard de nous–mêmes sur notre propre histoire, notre vécu quotidien et permet à travers la connaissance du passé au présent, d’appréhender l’avenir en toute connaissance de cause.
Au Bénin, le 20è anniversaire de la Conférence Nationale a tragiquement offert l’occasion de faire l’amer constat de la disparition d’un pan important de notre cheminement politique. Les vraies images, les « rushes » comme on les appelle dans le jargon audiovisuel, qui ont été tournées par la seule chaîne de télévision de l’époque n’ont pas été entièrement retrouvées. Elles seraient confisquées par des individus qui sûrement en ont fait des matériaux pour gagner de l’argent au détriment de l’esprit patriotique qui devait caractériser tout citoyen. Et, c’est par de multiples gymnastiques que ce qui a pu être sauvegardé et diffusé pour faire œuvre de mémoire au profit des nouvelles générations a été obtenu.
Il faut donc pour nos Etats, pour nos gouvernants, à ce prochain tournant du centenaire de nos indépendances, engager nos pays dans un processus salutaire de mémoire, pour sauver ce qui peut et doit être encore sauvé. Il faut une politique innovante, une nouvelle politique d’archivage, qui dote la Télévision et la Radio nationales de moyens plus adéquats pour rendre les structures d’archivages plus dynamiques et surtout qui renforce et protège les circuits archivistiques et les dissémine sur différents sites afin de minimiser les risques de perte dus aux catastrophes qui ne préviennent guère.
Dans cinquante autres années, si nous tournons nos regards encore vers la métropole, l’ex-colonisateur pour lui demander un appui afin de retrouver des images perdues de notre histoire contemporaine, nous aurons failli sur toute la ligne. Ce sera le défi, le challenge majeur de ce tournant nouveau de notre cheminement politique, socio-économique et culturel. Nous le réussirons ou le perdrons. A nous de jouer !