A quoi ressemble le Bénin qui entre, ces jours-ci, en pré campagne ? A un chaudron en ébullition. Il s’agit de cette espèce de grand récipient en métal et dans lequel s’agiteraient des forces diverses. Les unes donnent de la voix. Les autres exhibent leurs pectoraux. Toutes s’affirment et s’expriment. Aucune d’entre elles ne veut être en reste.
Si la force peut se définir comme la puissance d’action physique d’un être ou d’un organe, on comprend que toutes les forces actuellement à l’œuvre sur l’échiquier national cherchent à se donner de la visibilité. Le propre de toute force c’est de se donner à voir et à s’apprécier comme une force. La force est également synonyme de pouvoir, de puissance et d’influence. On peut comprendre, de ce fait, qu’elles entrent dans des rapports pas toujours pacifiques.
Ainsi, toutes les forces qui animent l’espace public national s’investissent dans l’action, mais sans forcément regarder dans la même direction, sans nécessairement tirer dans le même sens. C’est générateur d’une pagaille du diable. Dieu seul reconnaîtra les siens. Mais quelles sont au juste ces forces ? Arrêtons-nous en à quelques unes.
Commençons par les forces que les Béninois eux-mêmes, dans leur immense majorité, qualifient de religieuses. Parce que ces forces se chargent d’établir un pont entre les pauvres mortels que nous sommes et un principe supérieur de qui dépendent nos destinées individuelles et collectives. La voix de la religion dans le débat social ne devrait souffrir la moindre banalité, Dieu devant en être la source inspiratrice.
Or, il se trouve que, en ce moment, la parole de la religion va dans tous les sens. Peut-il en être autrement depuis que se multiplient des cadres de concertation religieux avec à l’appui des exclusions par-ci, des condamnations par-là ? Nous croyons entendre en sourdine l’avertissement biblique : « Toute maison divisée contre elle-même périra ».
Poursuivons cette revue des forces qui animent l’espace sociopolitique national et observons un arrêt à la Bourse du travail de Cotonou. Disons-le sans prendre des gants : le front syndical, depuis quelques jours, se lézarde. On cafouille gravement dans la Maison des travailleurs du Bénin. Un cafouillage aux accents de noms d’oiseaux et autres aménités de la même veine. Nous ne sommes pas loin d’une guerre fratricide. Elle ne peut affaiblir que le front syndical, tant les déballages publics qui ponctuent ce bras de fer sans merci empestent l’air. Jeu dangereux s’il en est. Ceux qui ont encore des raisons de se reconnaître comme des camarades de lutte ne devraient pas s’y amuser trop longtemps.
Nous n’oublions pas les forces de la société civile. Elles ont déjà perdu beaucoup de plumes. Depuis que certains de leurs éléments représentatifs se sont laissé tenter par les délices du pouvoir d’Etat. Ils ont alors franchi le Rubicond avec armes et bagages. Depuis que d’autres ont été accusés de fossoyeurs ou soupçonnés d’être des « sous marins » en mission de déstabilisation du mouvement. Cela fait un moment que la société civile, dans notre pays, ne parle plus d’une seule et même voix, préférant la vulgaire cacophonie des chiffonniers en bagarre à la belle symphonie de ceux qui ont compris la vérité universelle selon laquelle, c’est l’union qui fait la force.
Que dire des forces médiatiques ? On ne saurait les ignorer. On ne peut pas non plus les minorer, les minimiser. La presse béninoise est une force. Une presse qui n’a jamais autant méritée d’être le quatrième pouvoir que dans sa pagaille joyeuse actuelle. Pour ne s’en tenir qu’à la presse écrite et selon une source à tenir pour fiable et crédible, référence à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la communication (HAAC), le Bénin du pluralisme médiatique a le compteur bloqué, pour l’instant, à 90 quotidiens. Sans préjuger de la moisson à venir au fur et à mesure que nous nous approcherons des échéances électorales.
A qui fera-t-on croire que la soif de savoir et de comprendre des Béninois ne sera étanchée que sous une avalanche de titres qui se croisent et qui se contredisent ? Un de nos compatriotes, visiblement outré, traitait récemment les médias béninois du plus commun embrouilleur et confusionniste des Béninois. Merci pour le compliment !