L’Echec des Technocrates en Politique : une leçon pour la Jeunesse

En dehors de la sensibilité et de l’inspiration de l’éditorialiste, l’actualité détermine bien souvent le sujet. Alors que notre article intitulé « La Mauvaise Image de la Jeunesse Béninoise en Politique » vit toujours dans la presse nationale, suscitant débats et commentaires, l’outil Jolome Trends (Tendances) que nous offre le jeune mais déjà incontournable site Jolome Bénin, confirme la temporalité de notre thème de cette semaine : l’irruption continue des technocrates en politique, leurs méthodes, leurs échecs et les leçons à en tirer. 20% des articles de presse, 21% du lectorat s’y sont montrés sensibles au travers de l’évènement politique du week-end écoulé. Ici nous vous offrons la liberté du citoyen, la sensibilité de l’engagé mais aussi la rigueur de l’analyste. La notion de technocrate en politique, remonte globalement aux premières heures du Renouveau Démocratique, lorsque la Conférence Nationale a consacré la compétence d’un administrateur d’institution financière au détriment de l’expérience du professeur et de la fougue du jeune avocat d’affaires. Il s’agissait de sortir notre pays de la crise économique rampante qui venait d’obliger les thuriféraires du parti unique, à jeter par-dessus bord, les oripeaux d’un système éculé. A la faveur d’une transition réussie, le technocrate s’est lancé à la conquête du graal, rencontrant succès, chute et rechute, en dépit de l’outil politique dont il s’était pourtant doté. 10 ans plus tard, un profil similaire a pu se faufiler entre les tauliers de la politique, pour s’arroger avec flamboyance le fauteuil suprême. A quelques mois de la fin de son mandat, le pays se trouve à la croisée des chemins, surfant sur les tensions politiques, la précarité économique et des frissons de tremblements sociaux d’une vigueur rarement observée dernièrement. Existe-t-il des causes qui reproduiraient les mêmes effets ?

Dans les démocraties occidentales (dont nous sommes de copistes aussi zélés qu’imparfaits), le technocrate se définit comme un spécialiste maîtrisant une technique et qui se met au service du pouvoir politique pour l’aider dans la conception, la réalisation et le contrôle de son projet. Mieux, le technocrate est vu comme un agent de l’administration, de l’élite des affaires ou de la pensée. La France soigne ses technocrates à travers les écoles que sont l’ENA et Sciences Po ou ils côtoient d’ailleurs une partie des futurs politiciens. A l’aune de cette description, qui sont donc nos technocrates subtropicaux ? Quel a été leur rôle et leur apport réel au développement de notre pays depuis qu’ils s’acharnent à occuper le devant de la scène ?

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La technocratie est en passe de devenir le plus creux des programmes politiques au Bénin, le refuge des ambitions cachées et des pulsions réfrénées. Plus grave, la technocratie serait le sanctuaire de l’irresponsabilité en politique. Soit l’on se fait élire sur la base de ses capacités à accélérer prodigieusement le développement pour se dédouaner ensuite de tout ce qui arrive dans ce domaine précis. Soit, l’on rebondit sur sa technocratie de luxe à forte dose de moralisme pour se dédouaner peu à peu de l’édifice que l’on a participé à édifier. N’est-ce pas jouer avec la crédulité du peuple et se moquer de l’intelligence qui reste l’une des choses les mieux partagées au Bénin ?

Nous avons une vision de la politique qui est la suivante. Elle est une passion : celle de servir. Elle est une mission : celle de construire. Elle est une vision : celle de l’avenir. Mais elle n’est et ne doit jamais être une pulsion et pire une pulsion opportuniste et autocentrée. La politique s’apprend, c’est au-delà de tout ce que l’on pense, un métier. La valeur même de cet engagement réside dans sa sincérité et dans sa continuité. En cela nous disons qu’il n’y a pas de bons et de mauvais politiciens. Il y a très peu de politiciens, ils réussissent ou ils échouent mais il s’assument comme tels.

L’engagement politique peut se faire de diverses manières et au-delà du militantisme de base, se matérialiser soit par la politique de terrain (à but électif) soit par la politique de gestion (à but créatif). Qu’on nous parle d’un renouveau de la politique par la création (enfin) de grands partis politiques véritablement nationaux, développant progressivement une ligne ; qu’on nous parle de renouvellement de la classe politique par l’insertion de nouveaux profils générationnels, culturels, académiques, sociaux. Mais de grâce, que l’on ne nous emberlificote pas avec cette notion de « technocrates » : la énième voie, le nouveau mirage. Ces technocrates qui passent d’une orientation à une autre, qui appliquent des programmes de gouvernement dont ils ont conçu l’alternative la plus radicale quelques lunes plus tôt.

La technocratie à laquelle nous croyons, n’est pas celle de la confiscation du pouvoir par les élites et les intérêts mais celle qui valorisera la fonction et la compétence technique comme instrument de travail politique et outil de développement humain durable de notre nation. Les pays développés et émergents l’ont généralement compris. Aux technocrates la haute administration et les leviers de la croissance, aux politiciens (Roosevelt, Mahathir Mohamed, Lula) les leviers du pouvoir et les institutions délibérantes. Mieux, elles ont ancré des partis politiques qui regorgent de politiciens dit techniciens, capables de faire le liant entre les deux mondes (un Alain Juppé par exemple). Surtout, elles ont consacré la décentralisation pour en accentuer les effets. Qu’en est-il de nous autres africains et béninois ?

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Il suffit de voir l’état des institutions et des administrations dans lesquelles ont prospéré nos technocrates bon teint. Dans quel état est l’administration béninoise quand la plupart des cadres baignent dans la politique ? Dans quel état est l’éducation nationale béninoise quand la plupart des enseignants universitaires trustent les passeports diplomatiques au détriment des cours magistraux ? Que signifient pour la femme qui souffre et le jeune soumis aux galères, la BCEAO, la Banque Mondiale ou le NEPAD ?

Voilà autant de questions sur la table de ces techno-politiciens qui veulent rendre indépendants, émergents et prospères des pays qui dépendent de l’aide extérieure pour moitié ou tiers de leur budget et qui ont concédé le contrôle de leur monnaie à une puissance extérieure qui est également leur premier fournisseur et leur premier client. Obama ne rêverait-il pas de contrôler le yuan ?

Cela constitue en tout cas une fort belle leçon pour la Jeunesse Béninoise qui qu’elle le veuille ou pas est appelée à prendre le relais des politiciens et des technocrates. Nous souhaiterions qu’elle puisse fournir à son pays de véritables politiciens (patriotes, visionnaires, ambitieux) et de grands technocrates (compétents, travailleurs, intègres). C’est avec cette classe politique de progrès et cette administration (publique comme privée) de métier que l’on pourra passer de la proclamation des mots à la soustraction des maux. A titre de précision, puisque tout citoyen à droit à l’expression politique, il y aura toujours une place pour les indépendants (à la compétence avérée et politiquement initiés). D’ailleurs, à notre sens l’élection présidentielle à venir, offre aux béninois le choix entre au moins un technocrate, un politicien de métier et un indépendant. C’est de bonne guerre.

Le Bénin du Renouveau a eu 3 présidents. Paradoxalement, aucun politicien de métier n’a pu encore être élu. Deux technocrates et un indépendant ont tiré leur épingle du jeu. Au jour d’aujourd’hui seul l’indépendant s’est assuré un second mandat et une gestion politique relativement apaisée. Le problème n’est donc pas de gagner une élection, c’est de pouvoir gouverner pour transformer le pays.

Coluche a dit en son temps que «  les technocrates, si on leur laissait le Sahara, en cinq ans, ils seraient contraints d’aller acheter du sable ailleurs ».

Et vous alors : technocrate, politicien ou indépendant ?

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