(Les dommages économiques occultés)
« La fête est terminée et mes activités commerciales ne m’autorisent pas un second jour de repos ». C’est à peu près ainsi que répondait hier une marchande musulmane de Dantokpa à ses clients qui se sont surpris de la voir derrière son étalage. Les premières personnes censées jouir de deux jours chômés et payés pour la fête de la Tabaski ne semblent pas en avoir demandé autant. Et ça, le régime de Boni Yayi l’a royalement ignoré en décidant de mettre au repos les Béninois pour un jour supplémentaire après la Tabaski fêtée mardi.
Contrairement à cette marchande musulmane, il en est qui vont subir d’incontournables dommages à cause de ce second jour férié pour la même fête. Plusieurs entreprises dont la nature des prestations n’admet aucun repos vont se taper des charges imprévues qui vont occasionner au finish un manque à gagner au Trésor public. Pour illustration, les opérateurs GSM par exemple, obligés d’assurer la continuité du service vont devoir payer des heures supplémentaires à tous leurs employés qui auront travaillé mercredi. En fin d’exercice, il viendra une diminution de leur bénéfice industriel et commercial, du fait de cette charge, et en définitive, le Trésor percevra un montant de taxe inférieur. Et les exemples de dommages peuvent se multiplier à volonté, d’un secteur d’activités à l’autre. Une première conclusion à tirer donc : par ce second jour férié de la Tabaski, le Gouvernement a soit réduit la production nationale, soit en a aggravé le coût. Un malheureux contraste avec le contexte actuel de grève quasi générale dans le secteur public où le pays a besoin de remettre ses enfants au travail. C’est aussi peut-être là une motivation de la décision. Un jour férié annule un jour de grève. Tactique presque ridicule, puisqu’elle ne manque pas de faire mal à l’économie ; mieux, elle ne renvoie pas par exemple les agents de santé en grève dans les hôpitaux pour que les patients retrouvent les soins.
Mauvais calculs
Finalement, les effets ont pu être mal calculés. Mauvais calcul aussi, si l’on s’en tient simplement à ce que cet autre jour férié devrait contenter les fidèles musulmans. Car déjà ça n’arrange pas leurs affaires (commerciales essentiellement), mais aussi parce que les courants islamiques qui ont souvent fêté 24 heures après la grande masse, de mémoire, n’avaient jamais revendiqué un jour férié à eux. Si la tactique est donc de contenter tous les musulmans de tous les courants, là encore le gain politique attendu n’est pas évident.
Au-delà des problèmes soulevés plus haut, il y a à noter l’improvisation dans laquelle la décision de chômer le mercredi a été prise. C’est en pleine journée de mardi qu’un communiqué passe à la télévision en bande défilante pour annoncer la décision. Si au début du mandat de Boni Yayi, les Béninois ont vu pis que ça, ils ne s’attendaient plus qu’à bientôt cinq ans après son élection, ses actes donnent raison à ceux qui très tôt l’ont taxé d’improvisation.
Les bonnes manières
Plusieurs possibilités plus raisonnables s’offraient pourtant au Gouvernement. S’il tenait à chômer deux jours, un pont aurait pu être accordé et inclure la journée de lundi afin que le travail reprenne de plus bel mercredi. Et si ce n’est pas une simple envie de chômer deux jours qui a guidé ce choix, mais plutôt l’absence d’unanimité sur le jour de fête, alors, au moins deux solutions existent : primo, un comité national inclusif décide du jour de la fête par consensus ; secundo, grâce aux services du centre national de télédétection, le calendrier lunaire est exploité pour fixer l’autorité publique qui n’aurait plus à varier sa position ou cherché à contenter tous les courants. Autrement, ce genre de décisions n’auraient d’adeptes ou peut-être d’inspirateurs que les plus paresseux des fonctionnaires d’Etat.
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