Oui le processus de réalisation de la LEPI est irréversible, mais…

Outil de gestion de processus électoraux par excellence, outil de gestion de l’état-civil par ailleurs, outil de promotion de la démocratie, de la bonne gouvernance et de la paix de surcroît et, fin des fins, outil précieux pour l’appareil sécuritaire parce que constitué d’une base de données démographiques avec un système sécurisé d’identification des citoyens, pourquoi l’élaboration d’un outil de développement aussi salutaire peut-elle susciter autant de controverses ?

Je dois continuer de dissiper une équivoque ; les thuriféraires du pouvoir continuent d’entretenir dans l’esprit des masses populaires l’idée selon laquelle l’opposition ne veut pas de la LEPI. La compréhension que la grande part de l’opinion a de cette affaire est que lorsqu’une force politique prend l’initiative de s’exprimer sur le déroulement du processus ou d’organiser une manifestation pour s’opposer à des entorses à la loi constatées dans le processus, les béni-oui-oui du régime dit du Changement ont vite fait, par des actions surmédiatisées, de dénoncer les personnes hostiles à la manipulation du peuple de ne pas vouloir de la poursuite du processus.

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Il me faut donc préciser que ce dont il est réellement question, c’est plutôt une rigueur dans la conduite du processus d’élaboration d’un outil aussi important que la liste électorale permanente informatisée (LEPI) qui est exigée par l’opposition. La nuance est importante en ce sens que l’opposition n’a jamais manifesté le désir de remettre en cause la nécessité de la LEPI, et sa bonne foi a été prouvée par le fait qu’elle a toujours exhorté ses militants à se prêter à toutes les sollicitations liées au processus, mais à rester vigilants face aux incohérences et manipulations susceptibles de vicier l’outil qui en sera issu. Mais le pouvoir et la CPS-LEPI unicolore décident de rester sourds alors que la loi fait obligation d’aboutir à un outil consensuel.

Comment peut-on manipuler l’opinion en lui faisant croire que les responsables de l’Union fait la Nation qui ont assumé les plus hautes fonctions politiques de ce pays s’opposent à l’élaboration d’un outil pour lequel ils se battent depuis si longtemps ? Ces personnes dont l’honorabilité est ainsi égratignée sont unanimement reconnues comme les artisans de la promotion de la démocratie et de la paix dans notre pays. Elles ont régulièrement manifesté leur souci à l’enracinement de  notre démocratie puis beaucoup œuvré à l’avènement de ce précieux outil de promotion de la bonne gouvernance, de la démocratie et de la paix. Alors qu’aucune disposition légale n’a institué la LEPI pour une échéance électorale donnée, Boni Yayi avait décrété, il y a à peu près deux ans, qu’il ne convoquerait pas le corps électoral s’il n’y a pas la LEPI, et exactement comme pour le Sommet des chefs d’État et de gouvernements des pays de la Cen-Sad, il s’est jeté dans une course effrénée en vue de livrer une LEPI pour les consultations électorales de 2011, et pour cause…

Boni Yayi est conscient du fait que la force politique l’Union fait la Nation qui se mettait alors en place devra être un rouleau compresseur. Il est loisible alors de se demander pourquoi le pouvoir n’avait pas engagé, aussitôt après l’investiture de son chef, des études de faisabilité technique, économique et sociologique devant permettre d’établir un chronogramme cohérent et réaliste qui prendrait en compte tous les aspects de la vie du peuple béninois dans tous ses compartiments. Il a attendu trois ans, le moment à partir duquel sa réélection a commencé à être très hypothétique, avant d’engager le débat législatif devant conduire aux lois régissant l’élaboration de l’outil. Rien d’autre que la volonté de conduire le processus dans la précipitation pour des buts inavoués ne peut expliquer aujourd’hui que l’on veuille coûte que coûte utiliser la LEPI pour les élections de 2011 ; la bonne preuve, c’est qu’il est établi chez nous et partout en Afrique qu’on ne procède pas à un recensement, qu’il soit électoral ou non, en période de pluies.

Il ne faut surtout pas que nous nous laissions endormir par les propos anesthésiants de l’honorable Nassirou Arifari Bako qui a longtemps forcé l’admiration de nombre de ses compatriotes lorsque, tel un gentleman érudit, il portait la parole d’un groupe politique qui a joué le rôle d’aiguillon dans l’opposition à un président de la République qui se veut tout puissant, refuse d’écouter le peuple et porte ainsi constamment des coups à notre démocratie. Beaucoup le méconnaissent malheureusement depuis qu’il est à la tête de la Commission politique de supervision de la LEPI (CPS-LEPI), organe législatif chargé essentiellement de superviser le processus et qui s’est malicieusement substitué en coordonateur c’est-à-dire en donneur d’ordres à celui chargé de la réalisation de la LEPI. Lorsque le superviseur général tente de nous faire entendre qu’il n’a pas reçu le mandat de la réalisation la LEPI pour les échéances électorales de 2011, c’est essentiellement pour que nous lui collions la paix afin qu’il avance tranquillement dans son œuvre d’achèvement, avant la fin de son mandat de superviseur général, d’une LEPI taillée sur mesure pour celui qui est devenu subitement son acolyte.

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L’honorable Nassirou Arifari Bako nourrit manifestement l’ambition d’ajouter à son curriculum l’expertise dans la réalisation de la LEPI alors qu’il n’en a même pas reçu le mandat ; peu lui importe que l’outil qu’il va livrer nous divise et nous oppose jusqu’à l’affrontement. En le proposant à la tête de la Commission politique de supervision de la LEPI, ses amis d’hier de l’opposition l’avaient mandaté pour corriger la démarche erronée qu’a imposée Boni Yayi à la mission de la CPS-LEPI et qui contribuait à vicier le processus de réalisation de la LEPI. La CPS-LEPI est en effet chargée de constituer, de former, de donner les moyens et surtout de veiller à la légalité des actions que doit mener la Mission indépendante de recensement électoral national approfondi (MIRENA) qui est le bras opérationnel de l’outil. Des conflits d’attributions des deux organes ont malheureusement émaillé le processus de réalisation de ce qui devrait être un précieux outil de promotion de la démocratie. Et ceci explique cela.

Les multiples appels au sérieux dans la confection d’un outil aussi sensible parce que porteur de germes de conflit n’ont en rien freiné l’ardeur du pouvoir à poursuivre un processus mal engagé parce que précipité. La confection d’une bonne LEPI nécessite, selon les techniciens avérés en la matière et ainsi qu’unanimement admis par la classe politique, un minimum de dix-huit mois pour sa phase opératoire. Démarrée au forceps le 23 novembre 2009 et devant s’achever en décembre 2010, cette phase opératoire prévue ainsi unilatéralement par le pouvoir pour durer donc treize mois est émaillée d’irrégularités parce que précipitée et les juges de la Cour constitutionnelle s’amusent à vouloir imposer l’outil qui en sera issu comme instrument incontournable de gestion des prochaines consultations électorales en retardant l’installation de la CENA.

La loi fait obligation d’afficher les enregistrements biométriques avec les photos en couleur afin que l’on puisse identifier clairement les personnes enregistrées, mais partout où j’ai pu observer ces affichages, les photos sont en noir et blanc. Il a fallu, le jour où je me faisais enrôler, que j’en fasse la remarque pour que l’opérateur kit daigne imprimer mon certificat d’enregistrement biométriques en couleur. Quel crédit accorder à des responsables politiques qui accréditent constamment des entorses à la loi ? Quelle confiance placer dans des dirigeants qui sont passées maîtres dans la précipitation, la manipulation et l’intoxication ? La LEPI, telle que décidée par la classe politique, devra servir pour toutes les élections sur une période de dix ans après sa validation. Si l’on peut faire fi, et par sagesse, d’un vice de forme et de fond sur un processus électoral, il n’est pas concevable d’accepter d’en vicier un ensemble sur dix ans. Laisser faire relève, me semble-t-il, de l’inconscience.

Comment faire pour ne pas laisser faire me demandera-t-on ; c’est convaincre continuellement autour de soi que ce qui se fait globalement au niveau de la direction du pays n’est pas bon et amener chacun à manifester sa volonté à changer un chauffeur qui n’a cure de notre mieux-être. Il faut ainsi se tenir prêt à tout moment pour nous rassembler et protester ensemble contre le désordre qu’on organise dans la maison Bénin. Et plus la mobilisation sera forte, c’est-à-dire plus le nombre de personnes qui manifestent leur ras-le-bol sera important, plus les partenaires techniques et financiers qui croient devoir continuer d’accompagner l’opération prendront mieux la mesure des appels à la pause pour une évaluation et correction de l’Union fait la Nation. L’ardeur des uns et des autres à vouloir nous imposer Boni Yayi sera alors émoussée.

C’est désormais une œuvre de salubrité publique de sensibiliser de plus en plus ceux qui ne sont pas suffisamment outillés pour comprendre seuls ce qui se passe pour qu’ils nous rejoignent afin de faire bloc contre un pouvoir qui nous prend pour des malades ! Il nous faut leur opposer notre bonne forme physique, morale et psychologique pour mettre en échec ce qui s’apparente de plus en plus à un complot contre la Nation et nous n’avons pas d’autres choix que d’y aller franchement avec une détermination à tout rompre. Comment comprendre qu’ils exhortent à la paix alors qu’ils continuent de poser des jalons de soulèvements populaires et donc de conflit ? C’est d’une bonne LEPI, une LEPI consensuelle que nous voulons pour gérer nos élections et non d’une LEPI bâclée, et non d’une LEPI truquée. Toutes les communes victimes des crues doivent être couvertes par les enregistrements biométriques !

La confection d’un outil aussi précieux que la LEPI est un ouvrage qui exige une minutie telle qu’on ne doit pas craindre qu’elle n’aboutisse pas avant les prochains scrutins pour la bâcler. Aucune contestation de scrutin n’a jamais été si virulente qu’on a craint le pire ! Boni Yayi n’a pas été élu avec une LEPI et personne ne lui a rabâché d’avoir été mal élu. La manifestation de la nécessité de conduire le processus jusqu’au bout doit être constante, et tant pis si elle ne peut pas être disponible pour les prochains scrutins. Elle ne peut d’ailleurs pas l’être compte tenu des dispositions légales traditionnelles pour une liste électorale et le patron de la CPS-LEPI pense devoir faire contre bonne fortune bon cœur en admettant, mardi 2 novembre 2010, qu’il n’a pas le pouvoir de violer la loi de dame Nature. Avis donc à Boni Yayi !

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