Par décision n°11-016/Haac en date du 10 mars2011 la Haac a interdit de parution votre journal ainsi que huit autres quotidiens de la place. Nous revenons dans le présent dossier sur les différentes péripéties de cette affaire survenue en pleine campagne électorale et surtout trois à jours du scrutin du 13 mars dernier. Au commencement était la plainte du président de la Cour Constitutionnelle que nous reproduisons ci-dessous puis, sans autre forme de procès, c’est le couperet de la décision de la Haac; ces deux textes sont suivis de nos commentaires.
Portant suspension de parution des organes de presse : L’Engagement, le Béninois, L’Audace Info, Le Clairon? Les Scoops du Jour, La Suite, La Nouvelle Tribune, Actu Express et Le Béninois Libéré du lundi 14 au dimanche 20 mars 2011
Le president de la Hauté Autorité de L’Audiovisuel et de la Communication
Vu la Loi n° 90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin en ses articles 24, 142 et 143 ;
Vu la Loi Organique n°92-021 du 21 août 1992 relative à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication ;
Vu la Loi Organique n°93-018 du 27 avril 1994 portant amendement de la Loi Organique n°92-021 du 21 août 1992 relative à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication ;
Vu la Loi n°60-12 du 30 juin 1960 sur la liberté de la presse ;
Vu la Loi n°97-010 du 20 août 1997 portant libéralisation de l’espace audiovisuel et dispositions pénales spéciales relatives aux délits en matière de presse et de communication audiovisuelle en République du Bénin ;
Vu la Loi n°2005-26 du 06 août 2010 définissant les règles particulières pour l’élection du Président de la République ;
Vu la Loi n°2010-33 du 07 janvier 2011 portant règles générales pour les élections en République du Bénin ;
Vu le Décret n°2009-280 du 1er juillet 2009 portant nomination de Monsieur Théophile NATA en qualité de Président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication ;
Vu le Décret n°2009-360 du 16 juillet 2009 portant nomination des membres de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication pour la quatrième mandature ;
Vu l’installation officielle de la quatrième mandature de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication le 20 juillet 2009 ;
Vu le Règlement Intérieur de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication en date du 06 juillet 2005 ;
Vu la Décision n°11-010/HAAC du 1er février 2011 portant réglementation de la campagne médiatique pour l’élection présidentielle de 2011 ;
Vu la Décision n°11-012/HAAC du 16 février 2011 portant modification de la Décision n°11-010/HAAC du 1er février 2011 portant réglementation de la campagne médiatique pour l’élection présidentielle de 2011 ;
Vu le Code de déontologie de la presse béninoise ;
Considérant que dans sa parution du lundi 07 mars 2011 le journal Le Clairon écrit à propos du député Edgar Alia : «un éhonté qui pue».
Considérant que le quotidien Le Béninois dans sa parution du mercredi 16 février 2011 qualifie nommément et sans preuves le candidat à l’élection présidentielle Cyr M’PO KOUAGOU d’ «expert en marché gré à gré de surfacturation et de marché fictif» ;
Considérant que dans sa parution du lundi 20 février 2011 le quotidien L’Engagement traite les députés qui ont marché sur la Cour Constitutionnelle de «criminels» et commente que : «La police a loupé une occasion de corriger des délinquants» ;
Considérant que dans sa parution du jeudi 24 février 2011 le bihebdomadaire «Les Scoops du Jour «a intitulé un article au contenu fort injurieux : «Robert DOSSOU, Mathurin NAGO et Arifari BAKO : l’axe du mal» ;
Considérant que dans sa parution du lundi 7 mars 2011 le quotidien « L’Audace info » a publié un sondage d’opinion en violation de la Décision n°11-010/HAAC du 1er février 2011 portant réglementation de la campagne médiatique pour l’élection présidentielle de 2011 ;
Considérant que dans sa parution du mercredi 23 février 2011 le quotidien La Nouvelle Tribune affiche à la UNE «Désignation des CEA et CEC : Le vrai visage de Robert DOSSOU» ; qu’il qualifie Monsieur Robert DOSSOU de «militant en campagne pour YAYI» ; que le même journal, dans sa parution du mercredi 9 mars 2011, affiche en manchette avec beaucoup de légèreté que «KEREKOU jette le masque» et «soutient l’exclusion de 1,3 millions d’électeurs» ;
Considérant que dans sa parution du mercredi 23 février 2011 le quotidien La Suite, rapportant les propos d’un homme politique, écrit « …Professeur Albert TEVOEDJRE ouvrez les yeux, Yayi BONI vous trompe et est prêt à tuer vos frères, sœurs et enfants…. » ;
Considérant que dans sa parution du jeudi 17 février 2011 le quotidien Actu Express, parlant du candidat à l’élection présidentielle Janvier YAHOUEDEHOU, qualifié de «déshonorable», écrit «qu’il n’a trouvé rien d’autre à faire que de se mettre à radoter sur la place publique…» ;
Considérant que dans sa parution du mardi 08 mars 2011 le quotidien Le Béninois Libéré affirme en manchette et sans preuves «A peine calé Président de la Cour Suprême BATAKO déjà très maladroit (au lieu de se cacher, il est déjà en campagne pour YAYI et surtout pour charger le karma de celui-ci)» alors que le Président BATOKO n’a pas encore effectué de déplacement hors de Cotonou et de Porto-Novo depuis sa prise de fonction ;
Considérant que toutes les dérives et violations ci-dessus énumérées ont été relevées aussi bien par les services du monitoring de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication que par l’Observatoire de la Déontologie et de l’Ethique dans les Médias (ODEM) ; que lesdites dérives sont l’objet de plaintes et d’auto-saisine ;
Vu l’urgence,
Décide
Article 1er : Les organes de presse, Le Clairon, Le Béninois, L’Engagement, Les Scoops du jour, L’Audace info, La Suite, La Nouvelle Tribune, Actu Express et Le Béninois Libéré ont violé la Décision n°11-010/HAAC du 1er février 2011 portant réglementation de la campagne médiatique pour l’élection présidentielle de 2011 en ses articles 3, 4 et 55 et le Code de Déontologie de la presse béninoise en ses articles 2 et 6 qui interdisent les injures, les accusations sans fondement, les fausses informations et la publication de sondages d’opinion.
Article 2 : Les organes de presse, Le Clairon, Le Béninois, L’Engagement, Les Scoops du jour, L’Audace info, La Suite, La Nouvelle Tribune, Actu Express et Le Béninois Libéré sont interdits de parution pour compter du lundi 14 mars au dimanche 20 mars 2011 inclus.
Article 3 : Le Président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, en application des dispositions de l’article 106 de la loi n°97-010 du 20 Août 1997 portant libéralisation de l’espace audiovisuel et dispositions pénales relatives aux délits en matière de presse et de communication audiovisuelles en République du Bénin, saisit le Procureur de la République aux fins prévues par les dispositions légales.
Article 4 : La présente Décision qui prend effet pour compter de la date de sa signature sera notifiée aux Directeurs de publication des organes de presse Le Clairon, Le Béninois, L’Engagement, Les Scoops du jour, L’Audace info, La Suite, La Nouvelle Tribune, Actu Express, Le Béninois Libéré, au Président de l’Assemblée Nationale, au Président de la Cour Constitutionnelle, au Président de la Cour Suprême, au Président de la CPS LEPI ainsi qu’au Procureur de la République et publiée au journal Officiel de la République du Bénin.
Elle fera l’objet d’une large diffusion.
Cotonou, le 10 mars 2011
Le Président,
Théophile Nata
LETTRE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
COTONOU LE, 25 février 2011
Monsieur le Président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) COTONOU
Objet : quotidien La Nouvelle Tribune n°2056 du 23 févner2011
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous déférer l’article publié à la «une» et reprise in extenso à la page 12 de la parution du quotidien La Nouvelle Tribune n°’2056 en «daté au 23 février 2011»
A la page 1 de la parution ci-dessus visée, le journal écrit:
«Désignation des : Le vrai visage de Robert Dossou», l’auteur de l’article Marcel Zoumenou affirme dans son commentaire au sujet de la Décision EP 11-014 du 22 février 20 11 de la Cour Constitutionnelle:
« Par cette décision, Robert Dossou affiche son vrai visage, celui de militant en campagne pour Yayi».
Dans sa volonté d’en découdre avec l’Assemblée Nationale, Robert Dossou et sa Cour piétinent lui-même la Constitution. La Décision EP 11-014 du 22 février en est l’illustration. Elle montre la volonté d’affrontement de la Cour. Volonté exprimée depuis des mois par maintes décisions pour déstabiliser une opposition parlementaire hostile à la dérive constitutionnelle ».
« … La première leçon c’est que la Cour est décidée à ce que les élections se tiennent le 06 mars prochain, qu’importe leur qualité et les risques de trouble qu’elles peuvent générer. «Cette option est d’ailleurs celle du Président de la République qui reste sourd à toutes les jérémiades de l’opposition.».
«.. La Cour Constitutionnelle de Robert Dossou ne reconnaît pas l’Assemblée Nationale comme une institution de la République, jouissant de son autonomie. »
« La troisième leçon nous permet le degré de collusion entre la Cour et la mouvance avec cette décision qui lui donne droit d’avoir le contrôle exclusif des Commissions électorales communales (CEC) et d’arrondissement (CEA). … la Cour délibère avec trois membres sur les sept et parle d’urgence. Une première au Bénin qui montre bien que la crédibilité de l’institution importe-peu à Robert Dossou et à ses collègues ».
J’attire votre attention sur ce qui suit :
1. L’article 114 de.la Constitution stipule: « La Cour Constitutionnelle… est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ».
Il appert que l’article 114 de la Constitution donne plein pouvoir à la Cour Constitutionnelle de veiller au bon fonctionnement des institutions en levant tous les blocages susceptibles de créer la paralysie au sein de n’importe quelle institution de la République.
– L’article 124 alinéas 2 et 3 de la Constitution dispose: « … Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à …toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles ».
Il appert que cet article oblige tous les pouvoirs y compris l’Assemblée Nationale à se conformer aux décisions rendues par la Cour Constitutionnelle.
– L’article 16 de la Loi n° 91-009 du 31 mai 2001 portant Loi Organique sur la Cour Constitutionnelle stipule que : «les décisions et les avis de la Cour Constitutionnelle sont rendus par cinq conseillers au moins, sauf en cas de force majeure dûment constatée au procès verbal ». La Cour est et demeure seul juge de l’opportunité de la mise en œuvre de cette disparition.
2. La Nouvelle Tribune a fait preuve de légèreté et d’amateurisme inadmissible en ne procédant pas à un minimum d’investigation avant d’affirmer qu’il s’agit d’ »une première au Bénin ». La Cour, depuis son installation, a siège à plusieurs reprises en composition réduite.
La Décision DCC 03-091 du 04 juin 2003 rendue sur requête de Monsieur QUENUM DAVID Abel: la Cour a siégé à juge unique, le juge unique était à la fois rapporteur et président de séance.
La Décision DCC 03-092 du 04 juin 2003 rendue sur requête de Messieurs SOKPEHOUNDE Macaire Adan et QUENUM Epiphane : la Cour a siégé ç deux juges.
La Décision EL 07-028 dll 28 mars 2007 rendue sur requête de Monsieur ASSOGBA Albéric. La Cour a siégé à trois Conseillers.
La Décision EL 07-029 du 28 mars 2007 sur requête de Monsieur ETCHO Eugène, la Cour a siégé à trois Conseillers. La liste est bien longue des cas où la Cour a siégé en formation réduite.
3. L’article du quotidien La Nouvelle Tribune a donc délibérément jeté le discrédit et l’outrage sur la Cour Constitutionnelle et son Président. Cet article a ainsi violé les lois de la République et les règles professionnelles du journaliste au travers des commentaires tendancieux et des affirmations gratuites développées par son auteur s’inscrit dans la stratégie d’une partie «de la classe politique consistant en un refus d’obtempérer aux décisions de la Cour Constitutionnelle et à substituer à leur obligation constitutionnelle, une campagne de discrédit par presse interposée rom de préparer l’opinion à la contestation éventuelle des résultats des élections.
Bien plus, cette campagne, ponctuée de manifestations devant la Cour constitue une incitation à la violence contre les membres de la Haute Juridiction
Nous vous serons reconnaissant des dispositions qu’il vous plaira de prendre afin qu’il soit mis fin il ces genres de dérapage de notre presse en cette période très sensible des élections.
Par courtoisie, j’adresse copie de la présente à Monsieur Vincent FOLY, Directeur de Publication du quotidien La Nouvelle Tribune.
Je vous remercie, Monsieur Président, et vous assure de ma haute considération.x
Le Président
Robert DOSSOU