Elle ressemble à s’y méprendre à une scène de théâtre. La scène politique nationale, car c’est d’elle qu’il s’agit, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, décline ses services. Des acteurs, dans la peau de leurs personnages, tiennent leur rôle avec un art consommé. De vrais comédiens ! Ils éclaboussent tout de leur talent. C’est à oublier que c’est le destin d’un pays qui en jeu, que ce sont des êtres de chair et de sang qui sont en situation. C’est à perdre de vue que la fiction distrayante peut se muer en une réalité tragique. Les acteurs, dans l’ivresse du jeu, franchissent tous les Rubicon. Ils se portent loin des frontières du raisonnable et du tolérable.
Pourquoi s’en prendre à de pauvres journalistes, avec la rage jubilatoire de casser, sans frais, un témoin. Il n’a pour toutes armes qu’un stylo, qu’un calepin, qu’une caméra ? Nos forces de l’ordre, pour lesquelles nous avons le plus grand respect, doivent savoir raison garder. Elles seraient toujours bien inspirées, si elles se chaussaient, au besoin, des lunettes qui aident à distinguer le témoin, dans la foule des manifestants. Il s’agit de cet homme, de cette femme qui a un devoir quasi sacré de compte-rendu, par souci d’information du public. Aussi n’y a-t-il pas de gloire particulière à s’acharner sur la personne d’un pauvre journaliste. Bien sûr, quand on a rien à cacher, quand il n’y a rien à cacher.
Mais n’abandonnons pas les journalistes sans nous interroger, pour nous en inquiéter, sur la folie qui semble s’être emparée de leur profession, par les temps qui courent. A en juger par des titres tonitruants affichés à la « Une » de leurs journaux. A en juger également par leurs prises de positions à l’emporte-pièce qui laissent penser que le journaliste est désormais plus dans l’arène publique, en gladiateur belliqueux, que dans sa rédaction, en informateur sérieux. Ce méli-mélo bouleverse tout dans nos têtes, chaque matin, avec la masse volumique d’une centaine de quotidiens qui constellent notre paysage médiatique. Voilà la réalité bruyamment brouillonne que secrète notre presse, à la remorque des différentes chapelles politiques rivales.
A quoi jouent-ils la plupart de nos journalistes ? Se veulent-ils des lampistes tous occupés, en coulisses, à attiser le feu ? Des porte-étendards d’une cause, après qu’ils eurent jeté le masque ? Des seconds couteaux, plus occupés et plus préoccupés de tirer les marrons du feu, depuis les arrière-boutiques où ils se planquent ?
Dans cette comédie, pourquoi les journalistes, dont on est en droit d’attendre plus de mesure et d’équilibre, ont-ils choisi de se délier de leur contrat déontologique et éthique et de hurler avec les loups, comme pour justifier que « Qui se ressemble s’assemble » ?
Et que dire des politiciens ? Ils sont dans leur marigot de prédilection. Les moments que nous traversons leur donnent du grain à moudre, de la matière à s’affairer, des occasions pour faire étalage de leur arsenal de missiles sol-air ou sol-sol. Ne retenons, dans ce marigot grouillant, que deux spécimens de politiciens.
Il y a le politicien menteur. Il ment comme il respire. Et il sait mentir avec sérieux et aplomb, y mettant toute la solennité requise. Les mensonges les plus gros se couvrent alors de la fine chapelure de la vérité. Les éléments les plus réservés, les plus sceptiques d’un auditoire se mettent soudain à hocher la tête comme des margouillats au soleil.
Il y a le politicien marionnettiste. Depuis les arrière-cours où il opère, il fait marcher ses marionnettes au doigt et à l’œil, leur faisant faire tout et rien. Aussi, peut-il, le plus tranquillement du monde, télécommander des bombes assassines, téléguider de redoutables missiles à têtes chercheuses et faire mouche à tous les coups.
Et les figurants ? Nous en sommes. Vous en êtes. Nous voilà tous embarqués dans la comédie de la politique et des politiciens. A tout bien considérer, cette comédie-là est une des variantes de la comédie humaine.
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