Libres propos sur nos élections

Bénin – La fête des élections se poursuit. A peine avons-nous négocié le virage de la présidentielle, que nous voici de plain-pied avec les élections législatives. C’est une page de notre histoire qui s’écrit ainsi à l’encre de nos motivations présentes, mais tout en projection vers l’avenir. Si le présent peut se plier à nos caprices, demain n’est point totalement en notre pouvoir.  C’est en cela que l’histoire n’a pas de gomme. Elle fonctionne comme un enregistreur  de haute fidélité. Elle n’oublie rien. Elle retient tout. L’élection présidentielle qui vient de rendre son verdict, par son organisation, n’est pas aux couleurs d’un Bénin intelligent. Le pardon demandé par le Chef de l’Etat, le jour du vote, au sortir du bureau où il a accompli son devoir civique, ne peut suffire à nous dédouaner de nos fautes.

Il reste cependant que nous  croyons en la vertu pédagogique du malheur. L’épreuve à laquelle il nous soumet  cache à peine la preuve de la guérison dont il nous gratifie. Pour justifier que « à quelque chose malheur est bon ». Ainsi, le malheur, au lieu d’être vu comme un gouffre qui bouffe et dévore nos forces, doit être tenu pour une école. C’est l’université du courage au service du meilleur. Pour dire que quand on a été à l’école de toutes les impréparations, approximations et improvisations qui ont émaillé l’élection présidentielle, à défaut d’être devenu un être nouveau, on a au moins gagné le droit nouveau d’engager l’avenir et de poser les vraies questions d’aujourd’hui.

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Première question. Quoi retenir de l’expérience de l’élection présidentielle pour améliorer l’organisation des élections législatives ? Insistons sur une seule valeur : le respect dû au peuple, le légitime détenteur de toute vraie souveraineté. Le peuple sans lequel une démocratie ne peut être, au mieux, qu’une coquille vide, au pire, qu’un panier de crabes. Et le peuple-électeur a été sauvagement piétiné avec l’élection présidentielle qui prend fin.

Pensons à ces milliers de « recalés » qui n’ont pu voter. Les « oubliés » de la Lépi, comme on les appelle. Pensons également à tous ceux qui ont pu être pris en compte à quelques heures du vote, après qu’ils eurent bravé des bastonnades, des bousculades, l’inconfort des longues queues et files sous le soleil, les fatigues… Triste spectacle. Tout ce qui ravale le peuple électeur au rang d’un bétail électoral est à bannir. Et s’il faut donner du temps au temps pour nous éviter de produire un spectacle médiocre, faisons-le. On gagne sur scène, par la qualité du spectacle offert, le temps perdu en coulisses.

Deuxième question. Quel message les aînés  qui ont voté ont-ils voulu transmettre, à travers cette élection, à leurs cadets, c’est-à-dire à ceux qui ne commenceront à voter que dans les années à venir?  Veulent-ils attirer l’attention sur le pouvoir corrosif de l’argent ou sur le danger du régionalisme qui s’était invité dans le débat ?

Nous devons nous engager, une fois fermée la parenthèse électorale, à décrypter à la lumière des normes, des valeurs de vie qui se perdent, les raisons que nous avons de renforcer dans notre esprit nos défenses éthiques. Les Fon disent « Gbê do su ». Il y a des frontières invisibles, sacrées qu’on ne saurait franchir impunément. Au fait, quelle société voulons-nous construire ? Quelle place doit y tenir les élections ? Comment entendons-nous les organiser et à quelles fins ?

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Troisième question. Quel gain, en définitive, au sortir de cette élection, pour l’expérience démocratique en cours dans notre pays depuis plus de deux décennies ? Avons-nous avancé ou avons-nous reculé ? On peut voir dans une élection gagnée au premier tour, une sorte de ligne droite, définie comme le plus court chemin pour aller d’un point à l’autre. Par ailleurs, nous avons pris le risque de placer notre pays en situation difficile, de le pousser à se détruire. Mais, on ne détruit réellement, estime Napoléon III, que ce qu’on remplace. Or personne ne peut remplacer le Bénin. Il est et ne cessera d’être un pays magnifique aux mille atouts. Un pays situé sur la côte du Golf de Guinée, coincé entre le petit Togo et le grand Nigeria. Même un tsunami atteste cette vérité : rien de nouveau sous le soleil.

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