L’offre et la demande. Voilà deux notions essentielles. Elles se tiennent et se talonnent comme deux sœurs jumelles. Elles ont trouvé à élire domicile, de manière durable, dans le champ de réflexion et d’action des économistes notamment. On comprend que ceux-ci en réclament la paternité. L’évolution des sciences sociales aide à corriger cette vision.
Nous pouvons convoquer l’offre et la demande dans le champ sociopolitique d’un Bénin en pleine crise postélectorale. L’essentiel, c’est d’adapter la notion à son objet, c’est de l’utiliser à bon escient, en accord avec la logique qui gouverne le domaine ou le champ d’action considéré. Au Bénin, en ce moment, ce champ bruit d’une clameur confuse. Aux cris de ceux qui se réjouissent d’avoir gagné l’élection présidentielle au premier tour, répondent les lamentations vengeresses de ceux qui ne se consolent pas, disent-ils, d’avoir été floués et volés.
L’offre et la demande, dans ce contexte précis, confrontent deux entités distinctes. Et le Bénin, au tournant de l’élection présidentielle, s’offre comme un cadre d’illustration parfait et se présente comme un cas d’étude intéressant.
La demande viendrait du candidat de l’opposition : « C’est énorme, voire unique dans l’histoire politique de notre pays, de gagner une élection présidentielle au premier tour, sans frauder, sans tripatouiller les chiffres. Il faut s’inscrire en faux contre les résultats rendus publics. Les organes en charge de l’organisation de cette élection doivent revoir leur copie.»
L’offre du candidat du pouvoir : « La messe est dite. A quoi bon jouer les mauvais perdants ? Il faut s’en remettre au verdict des urnes et tourner la page des élections. Suivront les corrections à apporter à notre système électoral ».
La demande est une invite à effacer les chiffres qui sanctionnent la victoire du candidat du pouvoir et à faire droit au candidat de l’opposition. L’offre est un appel à accepter le verdict des urnes qui consacre la victoire du candidat du pouvoir. L’offre et la demande ainsi présentées s’opposent radicalement. Nous ne sommes pas loin d’une situation de blocage grosse d’une crise majeure. Quand on se trouve ainsi coincé au pied du mur, la seule marge qui s’offre, c’est de se torturer les méninges pour trouver une issue, pour se frayer une voie de sortie. Alors, que faire ?
Premièrement : au lendemain de cette élection, gardons-nous de faire de nos mots, soit pour exprimer la joie de la victoire, soit pour traduire l’amertume de la défaite, gardons-nous de faire de nos mots le lit des maux dont pourrait souffrir durablement notre pays. Les mots ont une puissance de feu sans pareille, en tout cas supérieure à celle des balles de nos fusils. Autant les vainqueurs doivent avoir le triomphe modeste, autant les perdants doivent se convaincre qu’on a encore rien perdu tant que reste vivace l’idéal pour lequel l’on se bat.
Deuxièmement : la crise post électorale qui menace le Bénin n’est pas nouvelle. D’autres pays nous ont précédés sur ce chemin. Nous pensons notamment au Kenya. Retenons l’enseignement premier de toute crise: c’est autour d’une table de négociation qu’elle tire ses dernières salves et rend les armes. Malheureusement, après avoir semé à sa suite des morts et des ruines. Pourquoi alors ne pas commencer par où l’on a l’habitude de finir ? Un principe sous-tend cette idée : l’esprit du dialogue ne doit jamais nous quittés.
Troisièmement : ce serait une faute de laisser la situation pourrir ; une faute de laisser les protagonistes de la crise ruminer, dans leur coin, leur plan d’attaque et de contre-attaque ; une faute de ne établir comme vérité première que c’est d’hommes qu’on a prioritairement besoin pour résoudre les problèmes des hommes. Avant la loi, soumise à interprétations diverses. Avant les armes, programmées pour détruire.
Où trouver ces hommes et ces femmes de bonne volonté et de foi ? Ils sont au Bénin. Ils sont hors du Bénin. Ils sont nantis de l’autorité et du charisme nécessaires pour faire partager à tous leur vision pour une approche négociée et apaisée de la crise. Pas une minute à perdre. Et si, une fois de plus, le génie béninois devait se manifester, ce serait, sans nul doute, ici et maintenant!
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