La présidentielle 2011 est une régression préjudiciable

J’avais voulu faire paraître cet article dans l’organe public lundi 4 ou mardi 5 avril, mais ne l’ayant pas vu paraître, je l’envoie aux organes de presse privés.

Faut-il parler ? Faut-il se taire ? Ma conscience me l’ordonne : il faut oser parler pour ne pas être complice de ce qui m’apparaît  comme une trahison de l’histoire brillante quoi que par moments incertaine de la terre de nos pères, le Dahomey devenu le Bénin. Il faut parler parce que les dernières élections laissent perplexe, honteux. Elles maculent la figure enviée de notre démocratie et nous ramènent à 30 ans en arrière. C’est peu dire. Les actes sont grotesques et maladroitement inachevés en leur déploiement. Cela ne fait pas honneur à l’intelligence pratique du peuple béninois et à son patriotisme modéré.

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1. Tout semble avoir été ficelé de loin par le tiers intéressé actionnant des acteurs qui se sont faits proches par représentation diplomatique ou par générosité calculée. Il faut regarder du côté de l’ambassadeur de France resté sur place pour achever sa mission pour des élections utiles ; il faut aussi regarder du côté de l’Union Européenne et du système des Nations Unies où l’on a sablé le champagne même pour une LEPI bâclée. Il faut enfin regarder du côté de ceux qui prennent d’assaut les installations portuaires de la côte ouest-africaine aux prix les meilleurs en contribuant à fabriquer les chefs d’Etat : tout convient, hélas, à cette fin. Même le grand Nigéria de Goodluck qui sollicite une place permanente au Conseil de Sécurité, s’est illustré dans un petit rôle en venant acquiescer le malfaire. La pseudo-démocratie préparée pour cette stratégie explique le caractère cavalier et arrogant des acteurs du-dedans. Ils sont nos frères. Cependant leurs attitudes n’honorent guère ce pays qui a fait tancer gouverneurs et administrateurs durant la période coloniale en gardant la tête haute sans d’autres fortunes que celles de son intelligence et de son souci de quête de respect. Les choses ont été trop faciles pour le diplomate français. Nos pères étaient plus coriaces. On comprend que ces acteurs du-dehors aient été les premiers à envoyer des félicitations aux mépris du mal-être général qui engourdit le pays.

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2. j’ai évoqué les acteurs du-dedans. Certains, à l’orée de leur vie publique, avaient fait croire qu’ils rêvaient d’une « Afrique debout ». On constate qu’ils intriguent pour la mettre à genoux au crépuscule de leur vie. Leur attitude ne surprend plus, d’autres étonnent parce qu’on les connaît mal. Dans tous les cas, les ressentiments inavoués, la boulimie du pouvoir et les appétits insatiables d’avoir ont sacrifié l’avenir de notre pays. Car celui-ci ne peut pas être, pour les jeunes d’aujourd’hui et de demain, du côté où on a précipité les choses.

3. Les résultats étant acquis à 53% avant même les élections pour celui qui ne devait pas connaître un second tour, les élections ne pouvaient être qu’un prétexte. On comprend pourquoi les grands acteurs ne s’embarrassaient pas de scrupule. On a dit que beaucoup d’argent a circulé. Il est évident que notre peuple ne retrouvera jamais cet argent pour son développement. Ceux qui le donnent savent comment ils le récupèrent.

4. Vous comprenez alors pourquoi, en amont et en aval, il n’y avait aucune considération pour le peuple béninois et que le droit a été piétiné tantôt avec morgue et arrogance, tantôt avec cynisme et violence. Le moins qu’on puisse dire c’est que ce n’est ni beau, ni grand pour personne. On ne peut entrer dans l’histoire à reculons. Je comprends le mépris de ceux qui ont plaisir à se jouer de nous. Mais je comprends bien moins la traîtrise de ceux qui se sont prêtés à ce jeu en cassant ce qui s’essayait tant bien que mal, sur cette terre béninoise, pour assurer des raisons de vivre chez soi pour nos enfants, nos petits enfants et arrière-petits enfants.

Il ne faut pas sous-estimer ce qui advient sous nos yeux : c’est une régression dangereuse, un appauvrissement préjudiciable et une descente subtile vers une dictature programmée. Le modèle qui l’inspire n’est pas loin, c’est le modèle togolais. Il faut en être conscient. Je voudrais ne pas être un prophète de malheur. En décembre 1974, face à un marxisme-léninisme incongru adopté par le PRPB pour le Bénin comme guide philosophique, j’avais dit que « l’Afrique avait mieux à faire que de mimer un monde fini ou finissant ». On a vu la suite. En Côte d’Ivoire, un an et demi avant la crise, en septembre 2001, j’avais écrit que « ce pays était « une poudrière en sursis » et que, si l’expression était trop forte, il fallait convenir que le feu couve sous la cendre ». Voyez les effets. Il vaut mieux prévenir que d’avoir du mal à guérir. Cela est un devoir pour tous. Ceux qui ont leurs intérêts rivés à leur ventre, y perdront autant que nous tous.

Un mot sur l’auteur que de nombreux lecteurs de la nouvelle  génération connaissent peu ou pas du tout. Le Révérend Père Alphonse Codjo Quenum ,73 ans, qu’il ne faut pas confondre avec le père André Quenum, Directeur de publication de l’hebdomadaire La croix du Benin est un prêtre peu ordinaire qui cultive deux passions :sa vocation d’homme d’église  et «  la gestion » que les hommes font de la cité ,«  gestion » connue sous le nom honni de la « politique ». Avec lui, la politique retrouve son sens noble. Comme si  l’homme était convaincu qu’un chrétien bien nourri de la parole divine devrait faire un bon citoyen. C’est pourquoi l’Abbé « politique » n’a de cesse de dénoncer les déviances dans la gouvernance de la cité .Au milieu des années 70, ses prises de positions sans concession lui ont valu de faire la prison neuf ans durant,  aux côtés d’un certain Adrien Ahanhanzo Glèlè. C’est d’ailleurs au sortir des geôles du Prpb qu’il part poursuivre ses  études en Europe pour préparer et soutenir une thèse monumentale de doctorat en histoire sur  le thème qui deviendra son principal ouvrage ,Les églises chrétiennes et la traite atlantique du XVè au XIXème siècle.L’Abbé Alphonse Quenum  était jusqu’à l’année dernière, Recteur de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO) basée à Abidjan. Depuis le début de cette année, le recteur émérite de l’UCAO est rentré définitivement au pays .Il n’a rien perdu de sa verve  qui transparaît dans tous ses ouvrages , comme le prouve amplement le présent texte .

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