Images d’Afrique et d’Africains

Images plutôt pénibles que celles de l’arrestation de Laurent Gbagbo. Des images choc qui ont fait le tour de la terre. Des images qui renforcent certains dans leurs préjugés sur les Africains. Des images qui confortent d’autres dans la conviction que l’Afrique n’est peuplée que de macaques en voie d’hominisation. Et tous les fauves racistes par l’odeur alléchés, se pourlèchent les babines avant la grande curée. Un Président dépouillé de tout : de son titre de chef d’Etat,  de son palais-bunker dont il fut extrait comme un rat ; de sa liberté d’aller et de venir réduite à celle d’un prisonnier sous bonne garde ; de sa dignité d’homme, avec pour tout vêtement un habit de corps blanc. Voilà ce dont se repaissent, ces jours-ci, tous les vampires, d’ici et d’ailleurs.

Des images qui en rappellent d’autres. Celles notamment de Charles Taylor, ancien Président du Liberia et de Bemba, ancien vice-président sous  le régime de transition et ancien candidat  à la présidence de la République. Ces deux personnalités africaines s’étaient retrouvées dans les mailles du Tribunal pénal international (TPI).

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Il s’agit de bons clients. Car, pour fixer dans les têtes les images d’une Afrique délinquante à travers certains de ses dirigeants, il faut des poissons de taille. Qui a dit que le poisson pourri par la tête ? Des responsables africains dans le box des accusés, sous le feu roulant des questions des juges, c’est l’Afrique toute entière qui est en procès, appelée à la barre.  Avec des clichés à gogo sur un continent décrété corrompu et pourri jusqu’à la moelle. Mais on a oublié, comme par hasard, que les pays receleurs, ceux dont les coffres-forts des banques regorgent de l’argent volé, ne sont pas africains, ne sont pas en Afrique.

L’Afrique des guerres voit les Africains s’entretuer avec des armes qu’ils ne fabriquent pas. C’est invariablement un film à grand spectacle qui sert à montrer des hordes tribales et sauvages en action. Au milieu des cris des femmes qu’on viole. Dans l’insoutenable clameur des enfants qu’on égorge.

Nous ne dirons rien de l’Afrique de la pauvreté. Avec des bébés au corps flasque, au ventre proéminent, entre la vie et la mort, au milieu d’une nuée de grosses mouches. La misère s’étire à l’infini sur des kilomètres de bidonvilles insalubres. . A l’intérieur de ce périmètre de la pénurie et de la survie au quotidien, des hommes et des animaux se disputent  des reliquats d’espaces ou des reliefs de nourritures.

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Et s’il venait à l’esprit de nos portraitistes de nous peindre sous un jour meilleur, loin des horreurs de la guerre ou des abominations des génocides, ce n’est pas forcément pour nous mettre en valeur. L’Afrique de la fête devient l’Afrique de l’insouciance, de l’inconscience et de l’irresponsabilité. L’Afrique chante comme la cigale, boit comme un trou, mange son maïs en herbe, sans souci du lendemain.

Que diable ne nous montre-t-on pas une Afrique autre ou une autre Afrique ? Cette Afrique-là, n’est pas le fruit de nos imaginations maladivement débridées. Cette Afrique existe bel et bien. Une Afrique qui croit et qui espère. Une Afrique au travail sur tous les chantiers de son développement. Une Afrique soucieuse des valeurs de vie qui doivent guider ses pas et ordonner sa marche en avant. Une Afrique de l’excellence qui, sans chercher à rattraper qui que ce soit, recadre son rythme d’évolution avec la marche générale du monde.

Mais c’est aux Africains que revient la responsabilité d’inventer une pédagogie de l’image sur l’Afrique. Si rien, a priori, n’est à cacher, est-ce que tout est à montrer, cependant ? L’Afrique doit produire sur elle-même  des images qui informent, forment et distraient les Africains. Des images qui mobilisent ceux-ci autour des nouveaux défis du nouveau millénaire. C’est une loi : les pensées dominantes dans notre esprit, les idées qui nous habitent influencent nos croyances. Et nos croyances créent notre réalité.

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