Quinze députés sur quatre-vingt-trois : participation plutôt maigre de nos parlementaires à ce qui devait tenir lieu de leur session d’adieu, la toute dernière de la cinquième législature. C’était le 4 avril 2011 à Porto-Novo. Nos députés qui, manifestement, ont d’autres chats à fouetter, ont laissé le soin à Mathurin Nago, le patron de l’institution, de tirer les leçons de cette désertion et défection.
La désertion du Parlement n’est pas à prendre pour un fait divers. La défection de nos députés ne doit pas être analysée comme une simple péripétie de la vie politique nationale. Le fait a plutôt levé un coin de voile sur la crise qui mine le Parlement, et au-delà, les institutions de la République.
Dans des pays comme les nôtres où la gouvernance n’est pas assistée d’outils modernes, genre études, enquêtes, mesures d’audience, sondages d’opinion et autres, ceux qui sont aux commandes de l’Etat n’entendent, bien souvent, que leur propre voix. Aussi prennent-ils vite leurs propres déterminations pour la volonté du peuple.
Une plongée au sein de nos populations aurait permis à plus d’un d’entendre un son de cloche venu des profondeurs de nos marchés, des quartiers de nos villes et campagnes, de nos entreprises, des coulisses de l’administration, « des parlements de la rue », ces assisses informelles autour des points de vente des journaux, de nos écoles et universités. Voilà où et voilà comment l’on peut s’assurer d’échapper au formalisme des rapports officiels, au piège de ses propres élucubrations. On sait alors ce que pensent les Béninois de leurs institutions, ce que disent les Béninois de leurs institutions, ce qu’attendent les Béninois de leurs institutions.
Nous sommes formels : nos dirigeants ne bénéficient pas toujours de ce feed-back instructif, isolés qu’ils sont dans la tour d’ivoire de leurs éminentes fonctions. Qu’on ne s’étonne pas qu’ils soient frappés d’une triple incapacité : incapacité d’affûter leur vision, incapacité d’ajuster leurs jugements, incapacité de motiver leurs décisions. Les relations des Béninois avec leurs institutions sont ainsi affectées par une grave crise de confiance. En voici les trois visages.
Premièrement : les Béninois ne connaissent pas leurs institutions. Autant ils se portent nombreux aux urnes pour désigner leurs représentants au Parlement. Autant ils sont, pour la plupart, dans l’ignorance de ce qu’est un député, de ce que fait un député. Les Béninois ignorent qu’il n’est pas au pouvoir du député de construire des routes, des écoles, des centres de santé. Les Béninois ne sont pas informés qu’un député a pour job de proposer et de voter des lois, de contrôler l’action du gouvernement. Qui a intérêt à entretenir le flou autour de la mission du député ?
Deuxièmement. Les Béninois doutent que leurs intérêts soient bien défendus par leurs institutions. Il y a environ un an et demi, CAPP FM, votre radio, pour une faute jugée grave, a écopé d’une suspension d’un mois. Silence radio, au grand dam des auditeurs réduits à prendre leur mal en patience. Il y a quelques jours, l’Office de Radio et de Télévision du Bénin (ORTB), pour une faute jugée tout aussi grave n’était puni que de quelques restrictions de temps sur certains de ses programmes. Tant mieux. Mais sans une pédagogie d’explication efficace et convaincante à l’adresse du public, il sera toujours tentant, pour le premier venu, de penser qu’il y a, au niveau de nos médias, deux poids deux mesures.
Troisièmement. Les Béninois ont le sentiment que leurs institutions se coalisent pour comploter contre eux. L’élection présidentielle, qui vient de connaître son épilogue, en est la parfaite illustration. Si les organes chargés d’élaborer la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) avaient su conduire à bon port leur entreprise ; si la Commission électorale nationale autonome (CENA), en se dépêchant de publier les premières tendances, ne s’était pas mise dans le viseur de ceux qui pensent avoir des raisons de la soupçonner de parti-pris ; si la Cour constitutionnelle, en balayant du revers de la main tous les recours, n’avait pas semé en maints esprits doutes et interrogations…Bien sûr, et nous le savons, avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Mais aussi Cotonou et le Bénin tout entier.
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