Dis-moi où tu habites, je te dirai qui tu es

Nous l’avons déjà dit : l’habit fait le moine. Un peu comme l’uniforme fait le gendarme. Mais peut-on établir une même relation entre une institution et le siège qui l’abrite, entre une entreprise et son cadre bâti ? La maison que j’habite reflète-t-elle ma personnalité ? Mon cadre de vie a-t-il un rapport avec ma vie ? Dans le sens où on peut s’autoriser de dire « Dis-moi où tu habites, je te dirai qui tu es ».

L’Assemblée nationale, l’un des piliers majeurs de notre démocratie, a trouvé à s’abriter, sous le Renouveau démocratique, dans un premier temps, à la Maison Internationale de Porto-Novo. Qu’on pense que ce bâtiment n’était qu’un centre culturel, sans envergure particulière. Mais qu’on se rassure à l’idée que c’est pour parer au plus pressé que notre Parlement y a trouvé un siège provisoire.

C’est la même logique qui se poursuit avec l’escale de notre Parlement dans l’ancien Palais des gouverneurs. Il attend d’atterrir, et pour de bon, au bord de la lagune de Porto-Novo, sur un site propre, dans tous les sens du mot. Le bâtiment qui lui est destiné dresse déjà sa masse majestueuse à l’entrée de la cité des Aïnonvis. Ce bâtiment, par son architecture, cache à peine l’ambition de l’Etat. Celle d’offrir enfin aux représentants du peuple un siège digne d’eux, un siège en adéquation avec leurs éminentes fonctions.

Une grande banque de la place, à surface internationale, s’est installée dans notre pays il y a quelques années. Dans le Bénin qui l’accueillait, cette banque ne payait pas de mine. On aurait alors dit qu’elle faisait grise mine à côté de bien d’autres établissements financiers concurrents. Cette banque, en effet, a logé ses activités dans des locaux plus qu’ordinaires qui juraient avec sa réputation pourtant bien établie aux quatre coins du monde.

On peut comprendre qu’un siège provisoire pour cette grande banque, dans des bâtiments en location, n’a qu’un but : tester le marché béninois ; s’assurer de la viabilité de ses investissements. Un siège provisoire se quitte à tout moment. On peut ainsi repartir avec armes et bagages, sans grand dommage et sans demander son reste.

Voici qu’au bout de ces années test, cette banque finit par avoir pignon sur rue à travers un siège permanent qui porte sa touche distinctive. Ce siège, par son architecture, reflète aussi bien le poids que le relief de cette banque dans le paysage bancaire international. Il projette également son ambition de parier sur l’avenir dans le pays d’accueil. Elle semble avoir choisi de s’y enraciner durablement. Parfaite concordance entre la réalité interne de cette banque et sa façade externe.

Les deux exemples que nous venons de présenter nous incitent à nous pencher sur deux autres. Deux autres exemples au niveau desquels la même évolution heureuse est souhaitée, la même mutation ambitieuse est espérée. Il s’agit, d’une part, du siège actuel au Bénin de l’Organisation internationale de la Francophonie. Il s’agit, d’autre part, du siège national de la SONAPRA (Société nationale pour la promotion agricole).

Des milliers de Béninois honorent chaque jour, directement ou indirectement, la langue de Molière. La Constitution de notre pays, en son article premier dispose : « La langue officielle est le français ». Nous voici, par un accident heureux ou malheureux de l’histoire, en situation d’appréhender avec des mots de France, pour parodier le poète antillais, ce cœur béninois qui bat pourtant au rythme des cultures de nos terroirs. Cela ne suffit-il pas pour que le siège de la Francophonie au Bénin soit un peu plus et soit un peu mieux que l’actuel très en retrait sur la place de l’institution dans notre pays ?

La SONAPRA quant à elle, l’une de nos grandes sociétés nationales, avec une force de frappe certaine, ne peut pas continuer de se contenter de cet ensemble d’entrepôts et de baraquements qui lui tiennent lieu de siège national. C’est inacceptable. Toute excuse pour ne pas changer, tout alibi pour rester le même pourrait prendre les allures d’une injure faite à l’intelligence des Béninois.

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