Mesures fiscales annoncées pour faire face a la baisse des recettes budgétaires de 2011 : encore du harcèlement fiscal?

Le Conseil des Ministres en sa séance extraordinaire du samedi 10 septembre 2011 a pris d’importantes décisions allant des mesures d’assouplissement complémentaires dans la mise en œuvre du programme de Vérification des Importations (PVI) de nouvelle génération, pour une période transitoire à la systématisation des contrôles et vérifications des opérations fiscales et des recettes au niveau de la Direction Générale des Impôts et des Douanes (DGID) et de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP).

 

Une bonne lecture de la décision relative à la systématisation des contrôles et vérifications des opérations fiscales et des recettes au niveau de la Direction Générale des Impôts et des Douanes (DGID) et de la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP), prise au cours de ce conseil des Ministres du 10 septembre 2011, nous amène à nous poser la question de savoir si la Direction l’on est tenté de se demander si la Direction Générale des Impôts et des Domaines faisait des contrôles ciblés ou se refusait de contrôler toutes les entreprises au Bénin?

Comme il est de notoriété publique, la plupart des pays africains n’exploitent pas leurs ressources minières et ne disposent pas d’autres ressources crédibles pour alimenter leurs caisses. Le Bénin est un pays «pauvre» dont le budget continue d’être essentiellement fiscal. Pour subvenir à ses dépenses, 80% de ses recettes intérieures proviennent d’environs cinq (500) grandes sociétés du pays regroupées au sein d’une Direction au niveau de la Direction Générale des Impôts et des Domaines, soit moins de 10% du potentiel national.

Mais déjà, sans une vraie et sérieuse réforme au niveau du secteur dit « informel » pour l’élargissement de l’assiette, l’environnement économique devenant de plus en plus difficile, cette minorité d’entreprises du secteur formel étouffent.

Doit-on réclamer des œufs, encore et encore d’œufs, jusqu’à ce que la poule aux œufs d’or s’essouffle et meurt ou, ne devrait-on pas penser à une alternative sérieuse afin de maîtriser les autres + 90% restant du potentiel?

Au lieu de régler la question dans son fond en lançant la réforme au niveau de ce secteur dit « informel», le gouvernement du Bénin en sa séance extraordinaire du 10 septembre 1990 vient une fois encore, de décider du lancement aux trousses des entreprises qui sont formelles, des inspecteurs des impôts par une mesure dite de «systématisation des contrôles et vérifications des opérations fiscales».

Si la poursuite et l’accélération du PVI, l’identification des gisements fiscaux, le captage des recettes qui échappent au fisc sont des mesures qui pourront alléger la tâche aux entreprises du formel, la systématisation des contrôles et vérifications des opérations fiscales et de recettes au niveau de la DGID et de la DGTCP est un acte de mort signé à l’encontre de ces entreprises. La crainte permanente du gendarme et le stress occasionné par l’imminence d’un éventuel redressement, ne sont pas de nature à faciliter la bonne marche des activités de l’entreprise. De même, il n’est pas un secret qu’un contrôle inopiné ou qu’une vérification de la comptabilité de l’entreprise se solde dans la majeure partie des cas par une notification de redressement. De ce fait, une double pression fiscale serait catastrophique pour toute société opérant dans un environnement des affaires morose et en perte de vitesse comme celui du Bénin.

La fiscalité des temps modernes a toujours prôné justice fiscale et consentement à l’impôt.

Adam SMITH a établi quatre règles fiscales immuables dans son Essai sur la richesse des nations (1776), conditions minimales pour ne pas tomber dans l’arbitraire fiscal :

• égalité: chaque sujet contribue en proportion de ses facultés, c’est-à-dire en proportion de son revenu ;

• certitude: la portion d’impôt que chaque individu est tenu de payer doit être certaine, et non arbitraire (quand et comment s’effectue le paiement, pour quelle quantité);

• commodité : tout impôt doit être perçu à l’époque et selon le mode qui convient le mieux au contribuable ;

• économie: tout impôt doit être conçu de telle manière qu’il fasse sortir des mains du peuple le moins d’argent possible au-delà de ce qui entre dans le Trésor d’État.

Quant au consentement à l’impôt, il s’agit d’un principe selon lequel l’impôt ne peut être juridiquement valablement prélevé si son redevable n’a pas manifesté son accord. L’histoire de son établissement est directement au cœur de l’instauration du parlementarisme et de l’Etat constitutionnel moderne. L’histoire du consentement à l’impôt commence très logiquement avec celle de l’impôt au sens moderne. Selon M. Bouvier, si la question de la légitimité de l’impôt est liée aux origines anthropologiques, économiques et religieuses de l’impôt, le tribut, forme primitive de l’impôt, imposé par la force, est parfaitement incompatible avec toute idée de consentement de ceux qui le supporte. Pour que la question du consentement apparaisse il a fallu que les prélèvements soient stabilisés et périodiques, que les dépenses de rois encore mal assurés de leurs pouvoirs nécessitent des revenus croissants et que le pouvoir politique fasse l’objet d’une abstraction par rapport à sa pratique (théorie de la souveraineté).

Si l’impôt, par sa définition, n’offre aucune contrepartie directe personnelle, le consentement à l’impôt est subordonné à une volonté collective de voir améliorer les conditions de vie des populations. Cette amélioration passe nécessairement par l’effectivité et la qualité des services sociaux de base sans lesquels il n’y a pas d’épanouissement, pas de rendement et donc la production de la richesse est compromise.

Il est aussi démontré que la baisse d’impôt résulte de la pression faite sur les opérateurs économiques. Pour certains économistes, le «trop d’impôt tue l’impôt» et se manifeste par la baisse des ventes et la diminution des entrées. L’économiste Christian Saint-Etienne, auteur d’un récent ouvrage (L’Etat mensonger, Seuil), va plus loin: «Le trop d’impôt tue aussi l’activité économique ».

Le seul fait de multiplier les taxes avec la systématisation des contrôles est caractéristique d’une situation de crise et de faillite. C’est pour cela que certains pays évitent d’en arriver à cet extrême. Il faut savoir à quel point est déstabilisante et insécurisante une ambiance de harcèlement fiscal pour les entreprises qui sont dans le formel. Une pareille situation si elle arrivait pourrait pousser tant d’opérateurs économiques à l’immobilisme pour tenter de se faire oublier en se demandant de quel côté va arriver le prochain contrôle, lequel risque de se révéler fatal.

Malheureusement, ce problème semble ne pas être une préoccupation de nos gouvernants. Tout le monde sait que l’énergie qui est la première condition de développement d’une nation n’est toujours pas maitrisée. Coupure intempestives de l’électricité et l’eau sans information préalable des clients, mauvaise qualité de la prestation de la société d’Etat en charge de la télécommunication, administration béninoise caractérisée par des grèves incessantes…

Dans cet environnement difficile, l’on vient de lancer la systématisation des contrôles et vérifications des opérations fiscales?

Où allons-nous si un contrôle systématique s’ajoute à la situation actuelle des opérateurs économiques qui sont dans le formel?

Loin de vouloir mettre en cause cette décision, il est suggéré qu’au lieu de lancer un contrôle systématique comme le demande la décision du Conseil des Ministres du 10 septembre 2011, il faut continuer dans la démarche en cours depuis 2007 à savoir :

– le fonctionnement effectif du cadre de concertation entre le Secteur public et le Secteur Privé;

– l’implication du secteur Privé dans toutes les réformes et modifications fiscales, en saisissant systématiquement l’institution faîtière, toute organisation professionnelle et tout groupe concerné, dès la phase d’élaboration de politiques, de tout projet de réforme et/ou de modifications fiscales afin de recueillir leurs avis et observations ;

– la prise en compte des observations liées à la vaste réforme fiscale sur l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP) et l’Impôt sur les sociétés (IS) lancées par la loi de finances en cours;

– la communication et la mise à disposition des contribuables des actes administratifs, qui ont notamment pour objet d’interpréter la loi fiscale et publier, annuellement, toutes les réponses non confidentielles adressées aux contribuables, tant auprès de tous les agents de l’Administration fiscale qu’auprès du Secteur Privé.

Et enfin le lancement effectif de la reforme liée à l’élargissement de l’assiette fiscale à travers:

– l’institution d’un impôt synthétique,

– le développement du réseau des Centres de Gestion Agréé,

– l’institution d’une retenue à la source sur les sommes versées aux prestataires personnes physiques, et l’institution d’une retenue à la source sur les loyers versés aux personnes physiques

Il faut lancer cette réforme car dans le milieu des affaires au Bénin, des questions se posent?

Le Bénin a-t-il atteint les limites du supportable en matière d’imposition et de contrôle?

Le thème de l’overdose fiscale n’est-il pas proche?

Il ne faut pas qu’on assiste à l’addition des mécontentements. La conséquence du harcèlement fiscal si elle se confirmait est la fermeture des entreprises au Bénin et leur ouverture dans les pays de la sous-région. Il ne faut pas qu’on arrive à ce qu’a dit Jean-Louis Giral, patron de Desquenne et Giral, ancien vice-président du CNPF: «Je reçois de plus en plus d’offres d’entreprises à racheter. Le propriétaire vend et part s’installer à l’étranger».

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