Foi et folie

Le psychiatre autrichien Sigmund FREUD, inventeur de la psychanalyse, fut le premier savant en sciences sociales à présenter certaines formes de religiosité comme des manifestations de structures psychopathologiques. Aussi ne fait-il aucun doute pour nous qu’une religion qui érige la mort à donner ou à recevoir comme des aspects « normaux » de sa doctrine, sort de la fonction du réel et s’installe en plein délire.

Evidemment, il y a des systèmes religieux qui favorisent plus que d’autres cette perversion de l’esprit. Les religions de l’Ancienne Alliance qui s’arc-boutent sur les seuls énoncés de leurs systèmes doctrinaux, oubliant qu’ils ressortent de la nature de l’homme de quérir un sens existentiel en s’accrochant à une croyance universelle à la transcendance, ne sont rien d’autre que des usines à fabriquer des fous lorsqu’ils s’enkystent derechef dans l’idée-fixe d’une révélation divine exclusive, sectaire qui les amène à une conception aristocratique de leur dieu devenu le seul vrai Dieu dont ils seraient les seuls dépositaires de la Parole. L’histoire, la sociologie et l’anthropologie religieuses nous offrent les exemples de deux religions de cette espèce : le judaïsme et l’islam. Ce sont deux religions aux prétentions semblables qui se ressemblent tellement qu’elles ne peuvent se tolérer l’une l’autre. La maladie mentale actuelle de certains musulmans est donc moins leur confrontation aux dogmes chrétiens (pour eux le christianisme n’est pas une vraie religion monothéiste) que leur confrontation dolosive avec le judaïsme moderne. Le malaise spirituel de certains musulmans face au judaïsme demeure infini ; car ils savent que les Juifs sont des circoncis comme eux, marqués de ce fait du sceau de l’alliance divine : ils ne sauraient donc être considérés gratuitement comme des infidèles, alors que pendant des siècles, les chrétiens l’étaient à leurs yeux ! Le djihad, la guerre sainte, est avant tout leur réponse aux croisades chrétiennes. Il s’agit pour les deux grandes religions monothéistes actuelles, l’islam et le christianisme, de marquer leur territoire respectif, rendant impossible par un « containment » ou un « roll back » les empiètements sur l’espace géopolitique propre à chacune. Ces guerres de religion non seulement abondent dans l’histoire, elles sont encore les principales sources de violence « normale » dans le monde contemporain : en Côte d’Ivoire, au Tchad, au Soudan, au Nigéria, etc.… Mais le phénomène nouveau, essentiellement pathologique et ressortissant d’une folie destructrice, est le terrorisme aveugle. L’islam a manifestement un complexe morbide face au judaïsme ; d’abord parce qu’il a émargé sur les ruines de la première grande religion du monde sémite. Le christianisme lui, à cause de la forte personnalité de Paul de tarse qui l’a marqué du sceau indélébile de ses enseignements épistolaires, est plutôt ancré dans l’univers gréco-romain de par ses dogmes et sa doctrine qui en épousent plutôt les contours mythologiques. Le judaïsme et l’islam par contre sont issus du même moule culturel oriental. Dans les deux religions, le Dieu unique a un nom : Yahvé chez Juifs et Allah chez les musulmans. La Trinité chrétienne est tout simplement une hérésie intolérable dans les deux religions sœurs du monde sémite. L’héritage culturel est le même dans les deux cas : croyances aux anges, aux démons, à la résurrection au jour du jugement (un seul et non deux comme chez les Chrétiens), à la jouissance et au bonheur sur cette terre pour les justes bénis de Dieu, par opposition à la sainteté chrétienne dont la récompense n’est pas dans le présent système de choses, mais est à venir dans le Royaume de Dieu, références aux mêmes patriarches et aux mêmes personnes et gestes historiques. Mieux, l’islam s’est cru longtemps l’héritier spirituel du judaïsme dont Allah aurait décrété la disparition pour une faute cosmique (peut-être la non-reconnaissance de Jésus Christ comme prophète divin et sa mise à mort). On comprend bien que dans l’inconscient collectif des musulmans, les Anglo-américains en permettant la création d’un nouvel espace géopolitique pour les Israéliens et leur religion, sont des impies, des empêcheurs de jouir tranquillement de l’héritage divin à la fois territorial et spirituel laissé par la Diaspora juive. Pour eux en effet, il ne fait aucun doute qu’avec le temps, ils finiraient par venir à bout de l’Etat d’Israël et ramener le judaïsme au statut qu’il avait avant la Déclaration de Lord BALFOUR : une religion sans terre, une religion errante, une religion de la Diaspora juive, en un mot une religion sans avenir. Le terrorisme musulman est consubstantiel à la création de l’Etat d’Israël ! Aussi les Anglo-américains, seuls puissants boucliers protecteurs actuels de cet Etat avec les Etats-Unis en tête et leurs alliés de l’Otan, sont-ils les ennemis déclarés du monde arabo-musulman radical ; d’où l’arrêt de mort, la fatwa impitoyable : America delenda est ! Or, les Etats-Unis restent la première puissance militaire et économique du monde. Certains Arabes réalistes, de guerre lasse, ont compris qu’ils ne peuvent pas se déconnecter de l’économie-monde contrôlée par les Etats-Unis : ce sont souvent de riches monarchies arabes qui ont beaucoup de pétrole à négocier. D’autres pays fanatisés par ce prosélytisme religieux caractéristique des nouveaux convertis (l’Iran, le Pakistan, la Somalie, l’Afghanistan, le Nigeria du Nord) veulent persister dans une logique d’affrontement aussi stérile que suicidaire; le terrorisme vous dis-je ; le vrai, pur et dur.

 

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