Deux lectures opposées, voire contradictoires d’un seul et même événement. La crise qui secoue le football béninois vient de connaître son épilogue juridique. Le tribunal arbitral des Sports (TAS), qui siège à Lausanne, en Suisse, a débouté un camp et a donné raison à l’autre camp.
C’est là le schéma classique qu’emprunte le droit, avant que ne s’impose une conclusion qui consacre la chose jugée. Par rapport à quoi, quand un camp pleure, au motif qu’il a perdu son procès, l’autre camp rit, heureux de s’être payé la tête de l’adversaire.
Voilà la toute première lecture d’un jugement de justice. Rapportée à la crise que traverse notre sport roi, une telle lecture identifie et établit le camp des perdants, renvoyés aux vestiaires. Ainsi vu, cela sent l’exclusion, la relégation aux enfers. Rapportée à la crise que traverse notre football, une telle lecture tresse une couronne de laurier aux vainqueurs du jour déterminés à faire le grand ménage. Ainsi vu, cela sent le triomphalisme à tout crin, cela sent l’autosatisfaction à tout va.
Cette première lecture d’un jugement de justice entretient l’aigreur, exacerbe les rancoeurs. Le droit est dit. Mais les protagonistes de la crise sont loin d’avoir fait l’accord sur leur désaccord. Et le problème qui divise une même famille demeure. On comprend qu’au lendemain de la décision du TAS, nous ne pouvons pas nous en tenir à cette première lecture, dévastatrice à tout le moins, pour notre football. Une autre lecture du même événement s’impose. Elle s’articule autour des trois points que voici.
Premier point. Ceux qui ont dit le droit à partir de Lausanne, en Suisse, ne connaissent ni le Bénin ni les attentes des Béninois. Ce sont des experts qui ont tout notre respect. Ils ont eu à examiner des faits et à les interpréter à la lumière du droit. Ils ont eu à formuler leur conviction intime, après avoir jugé sur pièces. Mais ils ne savent rien du Bénin. Ils ignorent tout du terrain sur lequel sera appliquée leur décision. Les juges de Lausanne, par exemple, perçoivent à peine les déceptions que nous aurons à assumer et à gérer si les rêves des centaines de jeunes Béninois venaient à se fracasser contre la muraille d’une crise persistante de notre football. Aux éminents juges du TAS le devoir de dire le droit. Aux Béninois la mission de libérer leur patriotisme et l’amour du pays. C’est à eux de régler ce qui reste, après tout, un problème béninois, au mieux des intérêts du Bénin, leur pays.
Deuxième point. Le droit, vu de Lausanne, tranche une querelle. Il ne règle pas le problème du football béninois. S’il faut s’en tenir à la chose jugée, un camp quitterait la scène nationale du football, libéré de tout engagement envers notre sport roi. Les hommes et les femmes de ce camp se replieraient sur eux-mêmes, des projets de revanche ou de vengeance en tête, mâchant la kola amère de la déception. Le camp d’en face, dans un élan jubilatoire, se dépêcherait de s’auto-légitimer et d’occuper tout l’espace de notre football. Assouvir une soif de revanche que de servir le pays.
S’il devait en être ainsi, c’est la maison du football au Bénin qui irait se fragmentant, se morcelant, s’émiettant. Et nous savons que personne n’a jamais gagné avec ses faiblesses. Et nous savons qu’une maison divisée contre elle-même s’inscrit dans la logique d’une mort programmée. Elle disparaîtra, à terme, corps et biens. Ses occupants avec.
Troisième point. Le présent et l’avenir du football au Bénin sont et resteront le fait des Béninois eux-mêmes. Laissons derrière nous le TAS et Lausanne. Regardons devant, avec dans notre champ de vision, le Bénin et son football. Le droit qui a été dit, c’était hier. C’est le passé. L’incarnation de nos rêves d’un pays brillant avec un football performant, c’est l’avenir. Mais tout cela se construit au présent, c’est-à-dire aujourd’hui, ici et maintenant. Avec les hommes et les femmes de bonne volonté qui acceptent de transcender les contingences présentes et d’utiliser, pour le meilleur, les ressources de leur esprit. C’est à cette condition qu’ils seront reconnus traceurs de sillons, bâtisseurs d’avenir. Un drapeau porte déjà l’espérance de cette nouvelle ère pour notre football. Il est frappé d’un mot : réconciliation.