Depuis 1990 et le Renouveau démocratique, il manque à l’arsenal juridique national, une loi précisant les conditions de recours au référendum. De référendum, il n’en fut d’ailleurs point depuis 20 ans. On doit désormais à l’honorable Karimou Chabi Sika, une proposition de loi organique portant conditions de recours au référendum. Si cette proposition constitue en soi une avancée, est-elle suffisamment élaborée pour être efficace une fois adoptée ? N’y a-t-il pas des aspects qui pourraient être améliorés ?
Tout en saluant la démarche du député Karimou Chabi Sika, il conviendrait de relever certaines dispositions de sa proposition, qui pourraient faire débat et mériteraient, en conséquence, d’être clarifiées ou améliorées ; voire précisées. Ainsi en va-t-il par exemple de l’article 2 du titre premier. Il prévoit que « Le suffrage est universel, direct, égal et secret. Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Le corps électoral appelé à se prononcer sur le projet ou la proposition de loi soumis au référendum décide à la majorité des suffrages valablement exprimés ». Si ceci relève des fondamentaux mêmes de la démocratie, s’agissant du référendum, il serait utile de préciser à quelles conditions les résultats seraient valables. En effet, imagine-t-on un référendum qui enregistrerait un taux de participation très faible du corps électoral, revêtu de la crédibilité nécessaire à la validation de ses résultats ? Si on peut éventuellement reprocher à l’importante partie du corps électoral qui se serait abstenue, de l’avoir fait volontairement et donc de devoir en assumer les conséquences, l’on objecterait aussi que si pour un corps électoral estimé à cinq millions de votants, seules quelques centaines de milliers de personnes, ou même un million de personnes participent au scrutin, ceci ne serait pas suffisant pour refléter la volonté populaire. Là-dessus, la future loi gagnerait à définir un taux de participation en deçà duquel, quel que soit le résultat obtenu, celui-ci ne serait pas valable. Les grandes démocraties, habituées désormais à la désaffection des citoyens pour les urnes, utilisent de plus en plus ce procédé pour crédibiliser davantage leurs systèmes politiques.
A l’article 4 de la proposition, on découvre que le président de la République peut soumettre toute question au référendum, notamment « toute question votée à la majorité des trois quarts (3/4) des membres de l’Assemblée nationale ». A ce propos, la condition de la majorité des 3/4 est exigée, dans la Constitution du 11 décembre 1990, à la révision de la Constitution à défaut d’un vote direct des 4/5è des députés. Sur les autres sujets courants, il semble exagéré, après avoir indiqué que le chef de l’Etat peut soumettre toute question au référendum, d’exiger encore un vote qualifié de 3/4 des députés. Au surplus, hors la révision de la Constitution, une question, fût-elle à polémiques, qui aurait recueilli les 3/4 des votes des députés, ne serait-elle pas ainsi, par ce vote, revêtue d’une légitimité incontestable, à moins de démontrer que certains votes ont pu être irréguliers, obtenus par des manœuvres frauduleuses comme la corruption ? En tout état de cause, ce serait une belle prouesse pour un texte, en dehors de la révision de la Constitution, de recueillir autant de voix. De sorte qu’un supplément de légitimité ne serait pas nécessaire. Au demeurant, cette condition suggèrerait que toute question vidée par l’Assemblée nationale sans recueillir plus de 3/4 des votes des députés devra ensuite être soumise à la ratification directe du peuple. Ce serait fastidieux, coûteux et pratiquement impossible ; sauf à bien préciser l’esprit de ce dernier tiret de l’article 4 en question. Il s’agirait peut-être alors de sujets à polémiques, sur lesquels le chef de l’Etat aurait une position contraire à celle des 3/4 des députés, et voudrait recourir au peuple pour trancher le débat. Une façon aussi, au regard du vote qualifié qui aurait sanctionné les débats parlementaires, de dépouiller l’Assemblée de ses prérogatives ou, à tout le moins, de les lui contester.
Toujours dans ce titre premier et pour tenir compte des avancées notées dans les grandes démocraties, il serait peut-être intéressant, en dehors du chef de l’Etat, de créditer aussi le peuple de l’initiative du référendum, avec la condition de recueillir un minimum de signatures sur le projet. Au regard du nombre de la population actuelle, un minimum de 200.000 à 300.000 signatures ne serait pas exagéré.
Exclusion de certains citoyens ?
Le titre II de la proposition de loi suggère que le président de la République convoque les électeurs en vue du référendum par « décret pris en Conseil des ministres, cent vingt (120) jours avant la date du scrutin ». Si le délai de quatre mois paraît bien suffisant pour effectuer les préparatifs, en pratique il peut se révéler préjudiciable de définir des délais fermés. Aussi serait-il plus prudent d’exiger que la convocation du corps électoral intervienne au moins quatre mois avant la date du scrutin.
Par ailleurs, l’article 10 de la proposition indique que « L’exercice du droit de vote est subordonné à l’inscription sur la liste électorale permanente informatisée (LEPI) arrêtée au 31 décembre de l’année qui précède le recours au référendum ». Cette disposition induirait une discrimination en laissant à quai certains citoyens qui mériteraient pourtant de voter et qui le voudraient. En effet, en supposant qu’un référendum se tienne au mois de septembre, cela reviendrait à faire fi de tous ceux qui, neuf mois après le dernier point de la liste électorale, auront atteint l’âge de la majorité civique. Pour réduire ce risque de discrimination et d’exclusion, il serait bien d’arrêter par exemple la liste électorale deux voire un mois avant la date du scrutin.
En outre, l’article 12 de la proposition, qui fait obligation au gouvernement de prévoir les ressources budgétaires pour l’organisation du référendum apparaît superflu sachant que cela coule de source, mais qu’en plus, en l’état actuel de la proposition, seul le chef de l’Etat a l’initiative du référendum. En tant qu’ordonnateur du budget général de l’Etat, il devrait prendre les dispositions idoines à cette fin.
Quelques autres préoccupations
De façon récurrente lors de nos élections majeures, l’on a déploré le fait que certains candidats et pas toujours les plus insignifiants, ne se fassent pas représenter. Il faudrait donc chercher à corriger cette maldonne. A cet effet, l’article 22 de la proposition de loi, en son avant dernier alinéa, ne fait pas d’avancée. Au contraire car, à la vérité, lorsqu’il laisse à faculté aux représentants des partis ou alliances de partis présents de signer ou non le procès-verbal, il ouvre la porte à toutes sortes de dérives voire d’abus sinon de trafic. Si en effet, des représentants de partis ou alliances de partis sont présents dans les bureaux de vote jusqu’à la clôture des opérations de vote, rien ne devrait les empêcher de signer les documents. Ce devrait donc être une obligation dont la non exécution serait sanctionnée de peines conséquentes.
Il en va de même de l’article 23 qui octroie aux représentants de partis politiques ou alliance de partis politiques, la faculté de signer ou non la fiche de compilation des résultats. Ici également, la loi devrait en faire une obligation.