Nous en avons un avant goût, avec la récente visite du Pape Benoît XVI : Cotonou la belle, débarrassée des camions qui l’encombrent et la paralysent. Cotonou la magnifique qui brille de l’éclat d’une métropole à la circulation fluide, les trottoirs n’étant plus pris d’assaut par des mastodontes encombrants qui n’ont rien à y faire. Il semble que ce Cotonou-là, est désormais à portée de nos yeux. Il ne sera donc plus nécessaire de faire revenir le Saint Père pour vivre, enfin, le Cotonou de nos rêves. Et Monsieur le Maire de Cotonou n’aura plus besoin d’aller se gendarmer contre des conducteurs indisciplinés, rétifs à toutes directives. La solution au cancer qui ronge Cotonou est technologique. Le Bénin vient de la trouver. Avec l’aide d’une société qui a le savoir et le savoir-faire requis. La facture de ce beau rêve : 16 milliards de francs CFA.
Trois parcs modernes de regroupement des camions seront créés à Djrègbé pour les camions provenant de l’est, à Zê pour ceux provenant du Nord et des pays de l’hinterland et à Pahou pour les camions provenant de l’ouest. Tous les camions seront désormais connectés à un quartier général chargé de les gérer et de les orienter, via satellite, à partir des balises qu’ils porteront désormais. Avec ces instruments de haute technologie, le mouvement des camions au port de Cotonou devrait être mieux maîtrisé, libérant du coup la ville du ballet brouillon et anarchique de poids lourds qui n’ont que trop pesé sur la vie de notre capitale économique.
Il faut se réjouir de ce beau sursaut pour la libération prochaine de Cotonou. Car c’est bien d’une libération qu’il s’agit. En effet, les données chiffrées disponibles montrent que ce sont des milliards de nos francs qui partent, chaque jour, en fumée du fait d’une congestion de la ville. Cela entraîne des retards, des rendez-vous manqués, des manques à gagner. Cela pèse sur le flux des transactions et des affaires, et par ricochet, sur le niveau de développement du pays.
Depuis que l’homme a réussi l’exploit d’atterrir sur la lune, nous nous sommes laissé dire que l’homme s’est placé dans l’obligation de trouver des solutions aux problèmes qui se posent à lui sur la terre. Au nombre de ces problèmes, à notre niveau et à notre échelle, celui de l’encombrement de la ville de Cotonou, otage quasi permanent des gros camions. Notre défaillance serait synonyme d’incapacité et tout nous désignerait comme de beaux médiocres qui ne brillent que par leur nullité. C’est dire que l’enjeu est immense, le défi de taille.
Par la réponse apportée à cette situation, déplorable à tous égards, et qui a valeur d’un drame national, nous nous donnons des raisons de nous dresser à hauteur d’homme, de bomber le torse. On ne saurait attendre moins de ceux qui échappent ainsi au couperet. C’est sûr : nous aurions été exécutés à terme. C’est certain : nous aurions été pendus haut et court. Rendons grâce d’avoir sauvé nos têtes, sans oublier toutefois que notre réponse est technologique. Reste la réponse de l’homme. Créditons celui-ci de quatre réponses possibles : se conformer à la technologie, la contourner, la dérégler ou l’anéantir.
– Se conformer à la technologie, revient à en accepter les exigences, à travers le respect scrupuleux d’un mode d’emploi aussi clair que précis. A l’exemple de l’ordinateur, programmez la technologie et elle vous obéira au doigt et à l’œil.
– Contourner la technologie, revient à faire avec la machine sans la machine. Acceptation toute symbolique de la technologie que l’on fait semblant d’impliquer, mais retour aux pratiques anciennes avec tous leurs effets nocifs.
– Dérégler la technologie, revient à la laisser au cœur du système comme convenu, mais en suivant une logique parallèle dictée par des passe-droits et autres vilaines manœuvres. L’ordre de l’homme approché, intéressé et corrompu se substitue à l’ordre de la machine.
– Paralyser la technologie, revient à faire l’option d’un sabotage planifié. Adieu la technologie. Retour à la case départ. Bonjour la pagaille.