A cœur ouvert avec les nouveaux agrégés
Dans le cadre de la réalisation de ce «spécial agrégation», votre journal est allé à la rencontre de chacun des cinq nouveaux agrégés béninois. Ils reviennent, dans les interviews ci-dessous publiées, sur leurs motivations respectives, la préparation et le déroulement du concours, le stress, la vie après leur nouveau parchemin tout en n’oubliant pas de témoigner leur gratitude à l’égard de tous ceux qui, de près ou de loin les y ont poussés et soutenus.
Joël Aïvo
‘‘Je ne sais pas pour les autres, mais à titre personnel, j’ai compris très tôt, et je me rappelle bien de cette discussion que j’ai eue chez moi à Lyon au 92, rue Chevreuil avec le professeur Théodore Holo et le professeur Ahadzi Koffi de l’université de Lomé. Les deux étaient venus pour ma soutenance de thèse de doctorat. Le professeur Holo étant mon directeur de thèse et le professeur Koffi, mon rapporteur. Une fois la soutenance finie, je me rappelle très bien de cette phrase du professeur Holo qui disait à ma femme «c’est maintenant que le plus dur commence pour lui. La thèse, c’est très bien, mais il a le potentiel pour aller jusqu’à la préparation du concours d’agrégation qui est épuisante physiquement, moralement, psychologiquement et financièrement». La préparation au concours ne tolère pas d’autres activités et moi ça m’a amené à faire des choix difficiles parfois incompréhensibles par beaucoup. Mais à aucun moment je n’ai douté que les choix que je faisais étaient des choix d’avenir. Et pour moi-même, et pour ma famille, et pour mon pays, et pour l’université tout aussi bien pour les étudiants. C’étaient des choix difficiles mais très tôt, le professeur Holo m’a fait prendre conscience de ce qu’il ne faut pas s’arrêter au doctorat quand on est à l’université. Quand vous êtes hors de l’université avec le doctorat, vous êtes au sommet de la hiérarchie. Je dirai de la hiérarchie des diplômes. Quand vous rentrez à l’université avec le doctorat vous êtes au bas de l’échelle. Vous êtes comme une note de service dans la hiérarchie des normes. Donc, il faut commencer à gravir les grades de maitre assistant, de maitre de conférences, de maitre de conférences agrégé, puis de professeur. Moi j’ai fait ce choix, et si je dois rendre un hommage à quelqu’un, c’est un hommage à tous mes formateurs. Tous ceux qui dès l’école primaire ont investi en moi et l’Etat béninois par l’animation de l’école mais surtout au professeur Holo qui m’a fait docteur. Et qui a à aucun moment ne m’a lâché, qui m’a aidé petitement, qui m’a fait prendre conscience de ce qu’il y a un potentiel en moi qu’il faut que je rentabilise à l’université pour aller le plus loin possible. Après il me dit toujours tu feras ce que tu veux.
A l’université, on a besoin de toucher l’excellence non seulement pour donner envie à ceux qui sont derrière nous mais surtout pour élever le niveau de la faculté de droit. On n’en a pas de plus en plus conscience mais on est maintenant dans un monde de compétition universitaire. Et c’est la course aux enseignants de rang magistral pour élever le niveau de la faculté et faire en sorte que l’enseignement qu’on donne à l’université d’Abomey-Calavi soit un enseignement de qualité. Pour que les étudiants sortis d’ici avec la licence, la maîtrise, le doctorat soient respectés quel que soit le milieu où l’endroit où ils vont. Mais nous on a fait le choix -en tout cas notre génération- d’aller le plus loin possible. Et ce n’est pas terminé, pour l’instant, on est professeur agrégé, il reste encore à passer la titularisation, pour continuer à former les générations qui arrivent derrière nous et leur passer la main.
Est-ce que de ce point de vue, on a nécessairement besoin d’avoir un mentor, quelqu’un qui vous soutienne et comme diraient les Anglais, un «Godfather»?
Si, je vous dis le contraire, c’est faux. C’est utile d’avoir quelqu’un qui a déjà fait le parcours et qui vous tienne par la main. C’est très important qu’il vous dise ce qu’il faut faire. Qu’il vous amène à éviter les écueils. Nous sommes à l’université et j’entends parler souvent de mandarinat, de parrainage, ça peut être quelque part vrai. Mais moi je revendique le fait que je suis un disciple de Théodore Holo. Il m’a fait docteur, il m’a accompagné dans ce processus. Ce n’est pas un défaut, nous-même nous allons contribuer à former d’autres. On va leur donner et faire en sorte qu’ils aillent le plus loin possible. L’université est une chaine. On n’y fait rien seul. Même les diplômes qu’on délivre, c’est toujours un jury qui tranche. Donc, ce n’est pas un mal que d’avoir un maitre.
Beaucoup ont dit qu’il faut porter la valise. Nous connaissons quelqu’un qui a été au concours et qui n’était pas prêt pour cela et il a échoué. Est-ce que c’est vrai?
C’est faux. Moi je n’ai porté la valise de personne. Le concours d’agrégation est à 99% un concours de connaissances, un concours de méthodes. On jauge en vous vos qualités de pédagogue et on voit aussi votre capacité de synthèse. Je dis que l’aspect subjectif est vraiment relégué au second plan. Si quelqu’un est agrégé, c’est forcément parce qu’il est bon. Parce que la jauge ne retient essentiellement que votre capacité à transmettre vos connaissances de façon claire en amphithéâtre. Donc, ce n’est pas un truc de copinage. C’est un jury de sept membres venus de toutes les universités du monde, de différentes spécialités. Si quelqu’un vous dit que vous ne passerez pas, c’est faux. Personne ne peut venir dire vous êtes bon et tout le monde voit que vous êtes bon et puis on va vous recaler, c’est faux.’’
Denis Acclassato
Ma décision de devenir professeur d’université vient d’une expérience que j’au eu. Je crois que beaucoup ont eu la même expérience. C’est-à-dire que lorsque je passais en deuxième année en sciences économiques, mon premier cours, c’est le professeur Gero Fulbert Amoussouga, qui nous l’a dispensé ce jour-là. J’ai été tellement sidéré par la personnalité et la facilité de comprendre le cours. Cela m’a donné envie d’être comme lui. A partir de ce jour-là, je savais que je voulais être professeur d’université. C’était en 1991. En 1992, je faisais ma deuxième année en sciences économiques. Je l’ai encore eu -le professeur Amoussouga- au cours. C’est un monsieur qui vous explique, qui vous pousse à aller très loin. A partir de ce moment, je savais que je voulais être agrégé mais les circonstances ne m’ont été offertes qu’en 1995 quand j’ai appris fortuitement à la radio qu’il existait un programme de troisième cycle à l’université de Cocody, à Abidjan, où on forme les docteurs de troisième cycle. J’ai donc appris envoyé les dossiers directement, ils m’ont répondu deux mois plus tard et mon dossier était retenu mais le test se déroula à la faculté des sciences agronomiques. J’avais seulement un mois de préparation. Le concours, au niveau panafricain, ils ont retenu deux béninois dont moi. C’est comme ça que j’ai intégré le programme de troisième cycle vers fin 1995 et j’en suis sorti avec un doctorat de troisième cycle en 1999. Dès que j’ai soutenu ma thèse de troisième cycle le professeur Géro Amoussouga m’a immédiatement pris à la faculté des sciences économiques et de gestion cette année là en tant que vacataire jusqu’en 2002 où j’ai été officiellement recruté en tant qu’enseignant affecté à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université d’Abomey-Calavi. Dès lors il m’a dit qu’avec un doctorat de troisième cycle, je ne pouvais pas aller au concours, il faillait qu’il me cherche une inscription dans une université pour faire une thèse régime unique d’où en 2005, j’ai obtenu une inscription grâce à son aide à l’université d’Orléans en France. J’ai donc entamé une deuxième thèse à Orléans que j’ai terminée en 2009. Entre temps, avec des travaux publiés, je suis passé maître assistant du Cames en 2008. Ma thèse de doctorat unique passée je suis rentré avec la ferme idée de me présenter au concours en 2011. J’en ai parlé au professeur et dès décembre 2010, il a fait venir un professeur qui a été très brillant, le professeur Patrice Villeux qui est d’ailleurs en partenariat avec l’université d’Abomey-Calavi et qui est directeur du laboratoire d’économie d’Orléans. Il l’a fat venir pour nous préparer à Cotonou avec les candidats de différentes nationalités. On a eu cette première préparation de groupe ce qui nous montrait un peu ce à quoi nous devions nous attendre. Mais tout s’est vite enclenché à partir juillet 2011 où, le professeur Amoussouga Géro a promis de s’occuper de moi. Il m’envoie à Libreville me préparer auprès du doyen, professeur Yèbè. D’autres professeurs de différentes nationalités, des européens comme africains y ont pris part. Nous avons eu une préparation très intense d’une semaine. Revenu à Cotonou, j’ai ete envoyé à Lomé pour une autre préparation que j’ai eue avec un ancien professeur qui a toujours participé au concours d’agrégation, le professeur Greulais de la France. A mon retour, il a fait venir spécialement un professeur qui était major de sa promotion au concours d’agrégation et qui est actuellement doyen de sa faculté. Ce dernier m’a pris seul et m’apprend la méthode, c’est-a-dire comment préparer les leçons, comment présenter les travaux. On a fait ça tous les jours pendant dix jours. J’avoue qu’à la fin, j’étais vraiment fatigué, exténué. Ensuite, le professeur Amoussouga a juré qu’on ne s’arrêterait pas là. Et qu’il faut désormais qu’on se mette dans le bain du concours jusqu’à la veille du déroulement des preuves. Il a donc décidé de m’envoyer à Orléans. On était au mois août. Mais entre temps, j’avais postulé pour la préparation à Bordeaux. Chaque année, il faisait une préparation sous la responsabilité du professeur Jean Dubois qui a un programme de préparation à l’intension des candidats au concours du Cames. J’avais donc postulé, mon dossier avait été retenu et je devais partir pour trois semaines. A cause de cela, on a du reporter la préparation d’Orléans. J’étais parti à Bordeaux pour trois semaines, je suis revenu le 30 septembre. Et cinq jour après, je repartais pour Orléans pour y rester jusqu’à la veille du concours.
Ne pensez-vous pas que vous aurez des problèmes avec vos aînés dans l’exercice de vos fonctions?
Il y a un adage qui dit que l’agrégé qui n’a pas produit d’agrégé est un arbre mort qui ne produit pas de fruit. Notre responsabilité à nous, c’est de pouvoir tenir la main aux tout jeunes et des aînés et leur dire voilà la méthode et quand vous suivez la méthode, vous êtes dans les normes. Je souhaiterais n’avoir aucun problème avec mes aînés, communiquer avec eux, leur reconnaitre leur place. Et c’est seulement en ce qui concerne les activités académiques que j’ai un grade supérieur à eux. Mais dans la vie courante, je les reconnais comme aîné. Certains m’ont même enseigné et je leur dois cette reconnaissance qui m’a permis d’être à ce niveau. Je sais que l’agrégé doit être humble et accessible. Par rapport à ça, je n’aurai aucune difficulté à être au service de ceux-là.
Est-ce que la fraicheur d’esprit aussi joue dans le succès à ce concours?
Malheureusement oui. Parce que si vous partez au concours avec une thèse de 1990, ça date de vingt au moins. Il faut que vous puissiez prouver que chaque deux ans vous avez publié un papier scientifiquement reconnu. Si vous n’avez pas la moyenne, le jury va vous dire que vous n’êtes pas performant. Parce qu’en moyenne en deux ans, vous devez pouvoir publier un article. Il faut avoir la fraicheur d’esprit pour pouvoir produire beaucoup de papiers scientifiquement reconnus
Quelles sont les perspectives qui s’ouvrent à vous?
Vous voyez, les leçons qu’on a tiré c’est qu’un agrégé doit avoir une ouverture d’esprit et doit être accessible à tous et avant tout se confirmer dans son rôle de chercheur. Le chercheur doit réfléchir sur les problèmes de la nation et produire des articles pour orienter les politiques vers les bonnes decisions. Pour nous même, nous avons vraiment la possibilité de participer aux études scientifiques et de réfléchir pour produire des travaux qui aident la réflexion à aller plus loin. Nous en sommes conscients, car c’est une lourde responsabilité. On nous dit souvent lorsque vous êtes agrégés c’est le début de votre carrière. C’est-à-dire à partir de là maintenant, on serait sollicité d’un peu partout et nous devons faire l’effort d’y répondre. Donc, nous savons la tâche qui nous attend et nous nous préparons à ça. Mais nous ne parviendrons pas tout seul, nous y parviendrons en maintenant les contacts et en nous approchant des autres agrégés. Nous devons faire la promotion de nos collègues afin qu’ils aillent plus loin que nous parce que l’humilité veut que demain, nous puissions dire que ces agrégés, c’est nous qui les avons produits. Sinon, nous serions restés improductifs.
Glidja
A un moment donné, j’ai eu la volonté de faire mon agrégation et j’en ai parlé auprès de mes ainés et ils ont commencé par me soutenir. Je me suis mise au travail comme cela se doit depuis mon DEA. J’en suis sortie major de ma promotion alors que ce n’ était pas évident puisque au moment où je faisais le DEA, j’étais enceinte et donc personnellement je ne m’attendais pas à avoir de très bons résultats. C’était en 2003 que j’ai soutenu mon DEA. Et juste après comme j’étais major et il a eu une opportunité de bourse qui me revenait et j’ai commencé ma thèse en avril 2004 en Belgique en coproduction entre Belgique et l’UAC en management des organisations et des ressources humaines. J’ai donc fait le doctorat et par la grâce de Dieu, ça s’était très bien passé. Je l’ai fais juste en quatre ans et j’ai soutenu en avril 2008 en Belgique. Et comme s’était en cotutelle, on est revenu soutenir ici le doctorat en février 2009. Après le doctorat, il faut dire qu’entre temps on était à la disposition de notre département. Parce qu’il n’y avait pas d’enseignants. Depuis 2003, en faculté on faisait des enseignements, des travaux dirigés et donc après le doctorat, j’ai eu des profs qui sont dans la disposition de nous soutenir. On a le prof Amoussouga, et le seul prof titulaire en gestion en Afrique qui est mon encadreur de thèse, il s’appelle Bachirou Tidjani qui a déjà commencé par nous donner les cours et nous former petit à petit. Il est béninois d’origine, mais naturalisé sénégalais. C’est notre mentor. Et puis le professeur Amoussouga, je ne saurais jamais le remercier assez. Il a mis les moyens à notre disposition et les conseils ne nous ont pas manqués. C’est des fois de sa poche qu’il sort de l’argent. Il nous a poussés.
Un exemple d’aide?
Il y a un professeur qu’il a invité à nous former au Bénin pendant dix jours. Pour ce que je sais, ça lui a coûté plus de trois millions. Et ce n’est pas l’école doctorale qui a financé mais lui-même. Finalement de l’école doctorale, il peut tirer de l’argent, on imagine.
Et pour la documentation, comment ça se passe?
Pour la documentation, c’est toujours lui. Il donne de l’argent sérieusement. On est allé à Montpellier et il nous a formés de façon très assidue. Avec toute une équipe là-bas, beaucoup d’enseignants qu’il a mis à notre disposition.
Comme un adage qui dit que derrière un homme qui réussit se cache une femme, est-ce que cela s’applique à votre cas, a savoir que derrière une femme qui réussit se cache un homme bienveillant?
Je vous jure que c’est vrai. Et je vais vous faire une confidence à ce niveau. Contrairement a beaucoup d’homme, le mien est celui qui se sent beaucoup honoré par la réussite de sa femme. J’ai eu la chance avec lui et il me soutien beaucoup. J’ai même des collègues qui m’ont dis que s’ils étaient à sa place, ils ne feraient pas en sorte que je réussisse parce qu’une femme qui réussit comme ça n’est plus gérable. Mon époux est en train de préparer lui-même son doctorat. La chance supplémentaire que j’ai eu pour l’agrégation, c’est qu’il est à Paris maintenant. Donc, lui n’est pas là mais les enfants sont là et eux ils ont plus subi, toute ma famille a subi. Il y a ma maman et mes sœurs qui s’occupent de mes enfants.
Cela dit, est-ce que pour autant que vous êtes la seule femme du groupe avec le diplôme en poche. Qu’est-ce que ça fait d’avoir affronté des hommes là bas? Est-ce que cela a favorisée?
Ce que je peux dire c’est qu’ils n’ont pas tenu compte de ça. D’abord, je me rappelle pour ma première épreuve, ils ont mis la barre très haut, le niveau du débat était très élevé. Je peux dire que j’ai travaillé sur des questions qui étaient revenues au plus à 5%. Et par la grâce de Dieu, j’ai pu y répondre. On était trois femmes dans la section gestion et il y a une qui a été éliminée à la première étape et une deuxième qui a été éliminée après la deuxième étape et je suis restée la seule jusqu’au bout. Quand on a fini, le bruit a couru que j’étais la première femme agrégée en gestion. Mais je suis la première en Afrique de l’ouest et en Afrique en général, je suis la deuxième. Celle qui a été à la première étape, c’est son deuxième concours et la première fois elle était allée à la dernière étape. Pour ce que j’ai vu donc sachez qu’ils ne tiennent pas compte du sexe.
Maintenant que vous êtes jeune agrégée en gestion des ressources humaines, la première dans la sous-région, est-ce que vous privilégierez d’être d’aller en politique?
En toute sincérité, avant qu’on ne revienne ici, dans la sous région, on me fait déjà appel pour la recherche et l’enseignement. Et puis dans mon pays, dans notre domaine, il n’y en a pas beaucoup. Nous nous mettons prioritairement à la disposition de l’université et particulièrement, de notre faculté pour faire le travail pour lequel nous avons été formés et pour lequel nous avons été agrégés. Sur le plan politique, personnellement, je ne saurais en faire.
Comment on y arrive?
Je me dois de m’acquitter d’un devoir, celui de remercier très sincèrement l’artisan principal de ma réussite. Il s’agit du professeur Fulbert Géro Amoussouga qui a cru en nous et à investi énormément pour notre préparation. Il a fait venir des professeurs de l’extérieur pour nous former sur place ici à l’école doctorale. Il a organisé notre déplacement en Europe notamment à Montpelier. Nous avons fait une formation intense d’un mois avant les concours. Ça, nous lui serons toujours reconnaissants de cet investissement. Fulbert Géro Amoussouga est un chercheur accompli qui est pratiquement à la frontière de la science. Il a fait énormément pour son pays.
Quelle est la différence entre la démarche pour arriver à l’agrégation par rapport aux autres diplômes que vous aviez déjà engrangés par le passé?
L’agrégation permet de recruter les professeurs de rang magistral et de haut niveau. C’est un recrutement. C’est pourquoi c’est un concours. Lorsque vous êtes titulaire d’un doctorat, vous êtes assistant à l’université. Vous n’êtes pas professeur. Le doctorat vous confère le titre d’assistant. Si vous publiez, deux, trois à quatre papiers, vous êtes maître assistant. J’étais assistant en 2009. En 2010, je suis passé au grade de maître assistant et en 2011, je suis devenu professeur. N’est pas professeur qui le veut. Pour être sacré professeur, il faut forcément évoluer. L’agrégation est en réalité un accélérateur de carrière parce qu’il y d’autres voies pour devenir professeur en science éco. Il y a la voie longue, celle de l’évaluation de vos travaux, c’est le plus long chemin. Ça peut prendre des fois 7 à 10 ans. Par contre, la voie la plus courte, c’est d’aller au concours et subir les trois étapes du concours. Le problème essentiel pour un enseignant, c’est de faire la recherche. Il faut reconnaître que notre environnement n’est pas propice à la recherche. C’est très difficile de faire la recherche ici. Et la chance que nous on a, c’est d’abord le fait qu’on est jeune. Ensuite, une fois que vous finissez votre thèse, si vous laissez le temps vous guider vous être absorbé par autre chose. Vous ne pouvez jamais y arriver. Donc, il faut continuer. Travailler suppose que vous réalisiez des publications dans des revues scientifiques de haut niveau, pas de publications locales ou en Afrique. Moi, j’ai publié dans des revues internationales tous les travaux que j’ai produits, j’ai contribué à la rédaction d’un ouvrage sur la performance des organisations en Afrique.
A quel moment vous, vous aviez été conscient qu’il faille traverser tout cela tout suite?
Quand moi j’ai mis les pieds à l’université en 1995, la première chose qui m’a frappé, c’est un professeur qui est rentré dans la salle, le professeur Amoussouga, qu’on disait le doyen. Pour moi, a l’époque, le doyen c’est le plus âgé, celui qui a les cheveux bien blonds. Il était le seul professeur agrégé au Bénin. Très tôt, quand j’ai eu la chance d’enseigner, j’ai pris la décision d’être à l’image de ce professeur.
J’ai fini ma maîtrise en 2000, j’avais une offre d’aller travailler dans un programme Gmp (Gérer mieux votre entreprise). Au même moment, mes performances me permettent de continuer, parce que les Belges regardaient les résultats et ils ne choisissent que les meilleurs. Très tôt, il y a le programme de DEA qui vient d’être installé au Bénin et animé par les Belges. Je me suis lancé dans cette formation, je n’avais pas d’emploi mais j’avais une offre. Comme c’est un projet, cela prendrait fin dans le temps. Je me suis dit qu’il vaut mieux continuer les études plutôt que d’aller changer mes habitudes de vivre, avoir de l’agent dans un projet qui ne va pas durer. J’ai choisi mon Dea. En le faisant, il se trouve que j’étais deuxième de ma promotion. Pour pouvoir aller à la thèse, il faut être performant. Si vous n’avez pas 13,50 au moins, vous n’allez pas à la thèse. Du coup, les Belges ont choisi les meilleurs, les 5 premiers. Ils leur ont donné la bourse pour réaliser le doctorat. C’est comme ça que j’ai eu la chance et l’opportunité de réaliser et de soutenir mon doctorat. Et une fois que vous avez soutenu votre doctorat, si vous restez docteur, vous êtes assistant, comme je vous l’ai dit. Il faut vraiment continuer à travailler. L’agrégation est une compétition non seulement entre les universités mais aussi entre les Etats. Je vous parle des deux derniers concours. Les concours de 2007, ce sont les camerounais qui ont pris le dessus. Quand on a organisé en 2009 au Bénin, c’est encore les Camerounais qui ont été majors. En 2011, Dieu à changé la donne, et c’est un Béninois en ma modeste personne qui en est sorti major. Le jury du concours en agrégation de gestion est composé rien que de Blancs. Il n’y a qu’un seul Noir: le professeur Babakar Bengué. Lui, il est français d’origine sénégalaise. Il a mis dans ce jury, celui qui l’a agrégé. Donc celui qui a été son président de jury pour l’agréger. Ce ne sont que des sommités qui ne sont pas mêlés à nos réalités africaines. Je pense que pour l’agrégation, il n’y a que le travail qui paye. Il n’y a que des publications qui comptent. On tape le nom de quelqu’un, les publications devrait défiler à l’écran de l’ordinateur, c’est en termes de nombre de page de CV sur l’internet. Ce Si c’est vraiment politique, les Etats auraient tous 10/10. Je remercie Amoussouga parce qu’il a investi dans notre formation. Il aurait pu dire, «restez-là, je vous conduis à l’agrégation, je m’arrange et vous allez réussir». Il a dit, «c’est la formation qu’il faut. Vous devez être formés, il a fait venir un professeur sur place. Ce n’est pas suffisant. Il nous a fait voyager. On a fait un séjour d’un mois de préparation intensive.
Il y aussi l’instance nationale, le conseil scientifique de l’université. Vous déposez vos dossiers et ils envoient cela à des experts parce que les agrégations, ça coûte aussi à l’Etat béninois. Ensuite, il faut remercier les autorités de ce pays qui ont cru en nous en mettant à notre disposition les moyens qu’il faut. Elles ont payé les frais de séjours, le voyage aller-retour Abidjan. C’est le Bénin qui a financé. Il y a eu une communication qui a été introduite en conseil des ministres, le gouvernement a autorisé, nos déplacements, nos frais de séjour, etc.
Comment seront les rapports entre vous jeunes agrégés par la voie la plus courte et les anciens?
Le titre d’agrégé n’est pas incompatible avec l’humilité. Je crois nos aînés ont aussi le mérite, ils nous ont formés. La leçon de la vie, c’est que l’élève doit dépasser son maître. Ce que moi, je me recommande et que je recommande à mes collègues, c’est que nous développions l’humilité, savoir que c’est les aînés qui sont les premiers à nous former. Il faut développer une coopération avec eux.
Une décision politique sur les questions économiques, pour ce qui vous concerne, de gestion d’une entreprise, une privatisation en vue et on vous sollicite en tant qu’expert. Il se fait que dans les instances de décisions, il y a vos aînés, par exemple le professeur Amoussouga en tant que conseiller du Chef de l’Etat et vous devez soutenir un point de vue contraire au tien. C’est gênant parfois ou pas?
C’est gênant, mais il faut que les avis soient motivés scientifiquement. Lorsque vous mêlez la politique a ça, les objectifs de rationalité ne sont pas suivis. On doit dire non, mais en motivant sans contredire l’autre. On doit dire non en donnant les arguments scientifiques qui tiennent, quitte aux politiques à prendre la décision finale