Le psychologue ou le «nègre de service»
Tous sont unanimes qu’il y a lieu de «rendre aussi hommage à quelqu’un pour sa contribution inestimable à notre succès». Chacun séparément, nos 5 nouveaux agrégés au concours d’agrégation du Cames édition 2011 n’ont de cesse de marteler ce témoignage. «Quand, à l’une phase du concours, on est amené à tirer au sort un sujet puis à devoir le traiter pendant 8 heures de temps, embastillé comme un otage, il faut bien quelqu’un de cran à l’issue de l’épreuve pour vous récupérer et vous donner envie de poursuivre», enchaine un nouvel agrégé qui campe le débat à propos de ce «quelqu’un». Et la seule femme du groupe, le professeur Judith-Monique Baï Glidja, de raconter: «En plus de lui, j’ai mon chapelet et mes prières et je me savais soutenue par celles des membres de ma communauté religieuse. Et pour ne pas vous mentir, à des moments donnés, vous avez l’impression que ça ne va pas du tout. Je me rappelle qu’à un moment donné, je n’avais plus du tout d’énergie alors que je n’avais pas de raison de ne pas en avoir. Cela s’explique par le fait que j’avais finis une épreuve le jeudi et jusqu’au dimanche je me sentais comme quelqu’un qui n’avait plus d’énergie. Et c’est Dieu qui a fait son œuvre au moment où on s’y attend le moins. Je me rappelle encore qu’à la présentation de nos loges, quand j’écrivais mon thème au tableau, j’avais le stress, j’avais soif, j’ai failli dire aux membres du jury donnez-moi du temps, je veux prendre de l’eau. Mais je ne l’ai pas dis car ce sont des gens très rigoureux».
D’avoir été dans tous ces états non enviables, vécus et ci-dessus décrits par Mme Glidja, il y a lieu de souhaiter se faire accompagner psychologiquement par ce «quelqu’un», le «nègre de service» qui devait tout leur apporter et répondre à tous leurs besoins.
En poussant la curiosité, on découvre que ce quelqu’un de capital dans l’aboutissement de leur carrière n’est personne d’autre que le jeune professeur d’économie et directeur de l’Ecole doctorale des sciences économiques et de gestion de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac). Le professeur Charlemagne Igué, pour ne pas le nommer est, lui-même agrégé de l’édition 2009. Il n’est pas moins fier de revenir à Cotonou, en ayant rempli une mission de portée nationale et historique. C’est lui que son ainé, le professeur Amoussouga, a proposé à l’attention du Rectorat de l’Uac -qui la confirmé- en qualité d’accompagnateur psychologique de la participation au concours des candidats des filières sciences économique et de gestion. Sur le terrain, le professeur Igué a dû aller au-delà de son champs d’intervention pour s’occuper des candidats des filières de droit, dont l’accompagnateur psychologique désigné, le professeur Gbago Barnabé Georges, est arrivé aux phases du concours plus tard que prévu pour ensuite repartir d’Abidjan, avant la fin des épreuves, abandonnant ainsi ses «brebis» en ayant sans doute laissé la consigne à son collègue. Dans tous les cas, ce dernier a assumé comme attendu, le travail de coaching sur le plan moral des abrégeables qu’étaient nos jeunes professeurs, désormais devenus de rang magistral.
Le rôle du professeur Igué, tout aussi banal que vital, était d’être aux bons soins des représentants béninois au concours d’agrégation. Cela sous-entend qu’il soit là au service de tous, en veillant à leurs préoccupations d’ordre existentiel, en l’occurrence les questions d’intendance à savoir se loger, se nourrir, le suivi du contact avec l’extérieur, notamment avec la famille restée au pays, quand c’est nécessaire. Il a notamment servi de courroie de transmission entre l’administration du Cames et eux, a propos de la communication des résultats et des informations de toutes natures. En gros, booster le moral des candidats et leur rappeler que l’événement n’est qu’un test comme tout autre, qu’il s’agit pour eux de réussir ou d’échouer, l’option prise ici étant qu’ils s’en sortent avec succès…, telle était la contribution du professeur Igué qui se souvient de n’avoir pas bénéficié, en son temps, d’un tel encadrement. «L’objectif du concours, précise-t-il, est d’«apprendre aux futures agrégés à gérer les situations les plus difficiles, afin qu’ils sachent bien réagir aux questions et contributions de toutes sortes pour une bonne maitrise de l’auditoire et de la conférence qu’ils animent afin que ces conférences ne prennent fin, à leur insu». Ils étaient, en effet, destinés à être des maitres de conférences agrégés et le sont devenus. Mais pour y arriver, le chemin a dû être long et parsemé d’embuches. Et aussi brillant que soit un postulant à un concours ou un examen, de quelque niveau que ce soit, son succès n’est acquis, disent les chrecheurs, qu’à 20% des paramètres objectifs, relatifs à sa capacité à gérer au mieux le contenu des épreuves. Les 80% restant du processus n’étant domptés qu’au bout d’intenses efforts de self-control ou de maitrise de soi. Le candidat donc doit savoir rester zen, pour parler comme dans la rue. D’où le mental ou la dimension psychologique et, par extension, le côté spirituel des choses prennent une part non négligeable de la participation des candidats.
On le voit, les exigences du concours d’agrégation, la mère des diplômes en matière de pédagogie et d’enseignement, n’échappent guère à la métaphysique et s’inscrivent aussi dans la perspective pour les candidats de devoir être forts au mental pour vaincre l’épreuve des nerfs auquel ils sont confrontés.
Emmanuel S. Tachin