Un parcours parsemé d’embûches
Ils sont tous partis de loin pour arriver au sommet de la gloire. Le parcours, difficile, tortueux et semé d’embûches de ces cinq nouveaux agrégés est un itinéraire exemplaire. Le chemin de la réussite n’est jamais une ligne plate. Il est fait d’efforts consentis pendant des années, de souffrance et de peine que l’on se donne. Autant qu’ils sont, ces agrégés présentent de grandes similitudes dans leur itinéraire. Tous, ils ont été élèves brillants, sont des purs produits de l’école béninoise même si certains parmi eux ont eu la chance de faire des études de second ou du troisième cycle à l’extérieur. Le parcours brillant de ces icônes est aussi le fruit de plusieurs années d’enseignements donnés par des enseignants à divers niveaux. A chaque étape, ils ont dû se surpasser pour continuer, toujours continuer pour arriver ce jeudi au sommet. Comme on le sait, aucune réussite ne se fait sans sacrifice. Autant qu’ils sont, ils ont fait assez de sacrifices pour être là. Le premier est celui de temps. L’agrégation demande de la persévérance et des études de longue haleine. S’ils en sont arrivés, c’est qu’à un moment, ils ont décidé de sacrifier leur temps pour faire de longues études alors qu’ils pouvaient, comme leurs camarades, aller travailler et gagner de l’argent. Le second sacrifice est celui de l‘argent. Tous, ils ont englouti des millions dans cette aventure académique. Des millions pour acquérir les livres, faire des voyages d’étude et préparer ce concours élitiste qui demande parfois des années de préparation. Enfin, il y a le plus grand sacrifice. Pour la plupart, ils ont mis entre parenthèses leurs convictions personnelles, politiques…C’est le cas de Frédérick Joél Aïvo qui a démissionné du Prd pour se consacrer à ses études. D’autres aussi ont dû faire des sacrifices plus importants pour en arriver là. Un rappel, les cinq lauréats du Bénin participent à ce concours pour la première fois. Ceci est la preuve qu’ils ont été bien préparés. La preuve, dans le lot il y a un major et un vice major. Mme Glidja devient ainsi la première femme agrégée en gestion de l’Afrique de l’Ouest. Un exploit inouï pour une dame qui a eu un parcours universitaire exemplaire. Ceux qui réussissent sont ceux qui s’accrochent. Telle est la leçon donnée par nos cinq nouveaux agrégés.
«Je voudrais tout d’abord m’acquitter d’un devoir, celui de rendre grâce à Dieu tout puissant. Il y a des efforts qui sont colossaux et qui ne sont jamais couronnés de succès. Certes, l’agrégation n’est pas une fin en soi mais c’est une étape importante dans la vie. Je dois ensuite remercier tous nos encadreurs, Béninois, Ivoiriens et Sénégalais qui n’ont ménagé aucun effort pour nous apporter tout le soutien qu’il faut. Je dois par ailleurs préciser que les conditions dans lesquelles nous avons préparé le concours ont été des meilleures, comme on n’en a jamais vues au Bénin. Non seulement, nous avons été accompagnés par le doyen de la faculté mais aussi par le titulaire de la chair Unesco, le Professeur Gbaguidi qui n’a ménagé aucun effort pour nous aider à payer les voyages, même si ce n’est pas la totalité qui a été prise en charge. Nous n’avons donc pas été laissés à nous-mêmes dans cette préparation. L’agrégation est un combat de longue haleine qui se prépare depuis la thèse. J’ai personnellement un double sentiment, celui de fierté et de responsabilité pour le chemin parcouru qui n’est pas une fin en soi. Mon souhait est que la chaine ne soit pas rompue et qu’il y ait d’autres agrégés après notre promotion.
De quoi est fait votre parcours…
J’ai fait toutes mes études universitaires en France à l’Université de Tours après le baccalauréat. J’ai ensuite travaillé pendant toutes ces années pour payer mes études et j’ai eu la chance après le DEA d’être parmi les trois premiers, ce qui m’a permis d’être recruté en tant que chargé des travaux dirigés à l’Université de Tours où j’ai enseigné pendant 5 ans et dans le même temps j’ai soutenu ma thèse en Janvier 2005. J’ai ensuite fait un an d’école d’avocat avant de renter en 2006. J’ai ensuite été embauché à l’Université d’Abomey-Calavi en 2007 parce qu’il fallait avoir au moins deux ans d’ancienneté pour aller au concours d’agrégation, donc j’ai attendu 2011.
Il faut aller au concours avec des publications. Deux publications au minimum. Moi j’ai publié en droit constitutionnel et administratif et je me suis présenté au concours avec ces deux travaux
Pourquoi, a votre avis, ce n’est que des jeunes qui constituent les dernières promotions d’agrégés?
C’est en fait parce qu’on est dans un pays où on est relativement vieux. En France, il y a des agrégés très jeunes de 30, 32 ou 33 ans. Donc on est jeune par rapport aux réalités de nos pays, sinon il est possible de soutenir une thèse à 26 ans.
En dehors des atouts intellectuels, sur quels autres aspects de la dimension humaine vous vous êtes sacrifié?
C’est surtout la famille. C’est-à-dire que quand on passe ce concours, ceux qui vous entourent souffrent. C’est le lieu de rendre hommage à la grande famille ainsi qu’à la petite et à tous ceux qui nous entourent et qui ont dû supporter nos mauvaises humeurs et tous le stress qui entoure cette période de préparation. Je ne suis pas souvent de nature stressé mais j’ai été le plus stressé de ma vie. Les nuits sont longues et blanches, on ne mange pas assez et c’est finalement lorsqu’on arrive devant le jury qu’on sent un soulagement.
Est-ce qu’il peut y avoir des coups bas préparé par un membre de jury qui préalablement aurait un grief contre un candidat?
Je vais vous répondre en deux temps. La première c’est que dans le mot agrégation on élève un disciple. C’est-à-dire qu’on intègre le candidat dans une communauté restreinte dans laquelle on n’accepte pas qui veut mais qui peut. Mais si vous êtes fondamentalement mauvais quelqu’un que vous considérez comme votre mentor qui est dans le jury ne peut rien pour vous. Parce que la note n’est pas attribuée individuellement mais collectivement par un collège de jury. Le favoritisme est donc exclu. De la même façon, si vous êtes fondamentalement bon et les membres du jury sont contre vous, ils vont être devant l’évidence qu’il faut faire honneur aux savoir de celui qui est devant eux et agréger la personne. Je n’ai pas personnellement porté de valises et je n’appartiens à aucun réseau s’il en existe
Avez-vous des projets en vue?
Le professeur Aïvo et moi allons chacun créer un centre de recherche pour diriger les mémoires et les doctorants. On fera en sorte que le niveau de l’enseignement soit beaucoup plus élevé et l’objectif principal est de former des étudiants qualifiés au Bénin et particulièrement à l’Université d’Abomey-Calavi. La collaboration sera renforcée avec les ainés et ensemble nous relèveront les grands défis qui s’imposent. Le Bénin a fait un score appréciable avec cinq agrégés sur neuf candidats. C’est une première dans histoire avec 2 agrégés en droit public. C’est donc une chance extraordinaire pour notre pays».