En finir avec le conseil de l’Entente !

«Le Conseil de l’Entente», vous connaissez? A cette question banale, on peut être sûr qu’il n’y aura pas beaucoup de gens de la génération des vingt à trente ans pour répondre par l’affirmative. Tellement «la vieille dame» s’est assoupie jusqu’à l’oubli de sa propre existence! «Tiens! Ce machin existe-il toujours?» Si on poursuit le sondage pour demander combien de pays il regroupe et à quoi il sert, très peu de sondés peuvent donner une réponse satisfaisante. Pourtant, ce regroupement d’Etats dont les présidents se sont réunis pour une dizaine d’heures, y compris le temps de route, celui de la cérémonie d’ouverture et de clôture des travaux, a déjà 52 ans d’existence.

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Son dernier conclave avant celui de Cotonou s’est tenu déjà à Yamoussoukro en 2009 sous le régime de Laurent Gbagbo, l’ennemi intime du vieux Houphouët Boigny qui a dû se retourner dans sa tombe ce jour–là de voir Gbagbo, le pourfendeur du pacte colonial français, célébrer sa descendance. Parce que le Conseil de l’entente est une vraie créature d’Houphouët Boigny, en complicité avec l’ex-colonisateur qui l’a fortement encouragé à maintenir ce conclave des «pays du champ», ceux qu’on classait dans le pré-carré. L’objectif assigné en ce moment était d’empêcher les partisans de la grande fédération de l’Aof (l’Afrique occidentale française) d’atteindre leur but. Et il a réussi! La grande fédération de l’Aof a éclaté, la petite fédération du Mali avec le Dahomey et la Haute Volta, le Sénégal et l’ancien Soudan français aussi.

Ce bref rappel historique que les historiens professionnels sont appelés à affiner en situant les responsabilités des uns et des autres, pour dire que le Conseil de l’Entente n’a pas été créé dans le but d’unir véritablement les peuples de cette région de l’Afrique, loin s’en faut! C’est une création des anciens colonisateurs français pour maintenir les Etats actuels dans leur configuration lilliputienne pour que prospère la domination française. Et le Conseil a admirablement joué son rôle de frein à l’émancipation de notre sous région ouest-africaine. Ainsi, malgré la création de l’Ocam qui a regroupé en son temps toutes les ex-colonies françaises jusqu’à Madagascar, «la vieille dame» a été maintenue. Plus tard, lorsque l’ensemble ouest-africain a compris la nécessité de se replier sur lui-même en créant l’Umoa puis l’Uemoa, le Conseil de l’Entente a survécu. Et il survivra à la naissance de la grande Cedeao regroupant toutes les ex-colonies françaises britanniques et portugaises. Le magicien Houphouët, malgré toutes les vicissitudes traversées par nos pays, retombaient sur ses jambes, pour la remettre en selle, pour bloquer toutes les tentatives de regroupement où l’enfant chéri du pré-carré se retrouvait en minorité. Conséquence: le Conseil dit de l’entente a survécu à tout, sans vraiment vivre.

Alors aujourd’hui, on peut se demander à quoi sert ce «machin», s’il doit faire la même chose que l’Uemoa, quand cette dernière fait déjà la même chose que la Cedeao qui piétine depuis des lustres sur le chemin de l’intégration. Le constat est fait que si aucun grand projet de la sous région n’avance, c’est parce que, entre deux réunions de la Cedeao, il y a en toujours trois autres de l’Uemoa autour d’une monnaie appelée le franc Cfa, ex-sous multiple du franc français et aujourd’hui de l’Euro garanti, hier comme aujourd’hui, par le Trésor français. Pendant ce temps, la monnaie commune de la Cedeao est devenue un serpent de mer qu’on exhibe à chaque grand’messe annuel de l’organisation pour le fondre dans la paperasse des débats byzantins sur le sexe des anges. Pendant ce temps, l’Union Européenne sous la houlette de ses deux locomotives que sont la France et l’Allemagne ne cesse de resserrer les rangs, en attendant la création dans un futur qui ne semble plus trop lointain, la grande fédération qui ne fait peur qu’aux politiciens chauvins de l’Extrême droite et autres attardés mentaux de la droite française. Alors, à quoi sert le Conseil de l’entente aujourd’hui au 21è me siècle, dans une Afrique happée par la bourrasque de la mondialisation néolibérale? A rien! Sinon à nous faire reculer sur le chemin de l’intégration véritable qui va sortir nos pays de l’économie de rente et de la consommation imbécile des biens produits d’ailleurs.

A preuve, la réunion de Cotonou n’a débouché sur aucune grande décision applicable hic et nunc. Etait-ce utile de convoquer une grand’messe à grands frais pour le contribuable pour se répartir les postes de grands commis de l’institution destinés à récompenser des clients politiques et éloigner les indésirables? Le communiqué final est à cet égard un exercice de haute voltige digne d’un club de vieux copains, où il y a à boire et à manger pour tout le monde. Le premier tiers du communiqué a été consacré aux congratulations réciproques pour des élections dites démocratiques et tout le monde a été servi: le Bénin, le Niger le Burkina Faso et la Côte-d’Ivoire débarrassée de l’Intrus Gbagbo. Puis, dans le second tiers, on parle d’audit et de restructuration de «la vielle dame» et le dernier tiers, encore et encore des congratulations et les bla bla bla de remerciements à l‘hôte. Rien sur la récente déportation de Gbagbo ni des mesures concrètes à prendre pour aider ce pays à se réconcilier avec lui-même. Ni des marches hebdomadaires de Lomé pour l’intégration des députés togolais expulsés du parlement. Tout comme hier, il n’avait rien dit de Tanja tripatouilleur de Constitution. Alors, finissons chers amis Africains avec ce machin de la Françafrique et pensons à «l’heure de nous-mêmes» qui a sonné depuis longtemps!

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