La stratégie du partenariat Etat-secteur privé parait heureuse en ce sens qu’elle introduit une nouvelle dimension dans le processus du développement de notre pays ; la dimension participative. C’est une nouvelle voie de développement pris dans son sens exhaustif. Mais encore faudrait-il bien cerner cette approche et lui imprimer un contenu effectif ainsi que les moyens de la réaliser. Le développement de notre pays repose en fait sur une succession de projets et les projets tels que nous les appréhendons dans notre culture économique sont du domaine de la gestion d’Etat ; de plus ils sont généralement soutenus par une assistance financière étrangère toujours limitée dans le temps. Que cette assistance vienne à prendre fin sous la présomption que l’Etat sera à même d’assurer la relève et le projet a généralement du mal à se poursuivre. Il ne saurait y avoir développement véritable et continu dans ces conditions. La croissance qui, quelle soit positive ou négative, implique par essence la notion de continuité ne peut qu’en souffrir. Plutôt qu’une gestion étatique systématique des projets, peut-être pourrait-on mettre l’accent sur une approche plus participative qui sera sous-tendue par une stratégie de proximité?
En matière de gestion d’Etat la participation parait être un processus d’enrichissement des décisions par le dialogue et la communication ; en effet avant d’être économique, la participation est politique et sociale. Dans son aspect politique elle devrait viser à repenser le rôle de l’Etat dans la société de démocratie libérale qu’est la nôtre. L’Etat devrait se placer dans une logique de facilitateur du développement ; une logique de locomotive et d’acteur principal au milieu d’acteurs participants. Dans le document intitulé Orientation stratégique de développement du Benin 2006 – 2011, il est prévu de reconstruire une administration efficace au service de l’intérêt général et du développement du secteur privé ; encore faudrait-il que les fonctionnaires suivent des formations ciblées qui leur permettent de connaître et de comprendre ce qu’est le secteur privé et les exigences de ce qu’ils sont sensés servir. En tout état de cause chaque citoyen a un rôle à jouer dans la nation et il revient à l’Etat lui-même d’insuffler et d’impulser cet élan à la société. La devenue célèbre phrase qu’a prononcée le Président américain John Kennedy à l’occasion de son investiture « ne te demande pas ce que l’Etat doit faire pour toi mais demande toi ce que tu peux faire pour ton pays » devrait être inscrite en lettre d’or dans le programme d’instruction civique de retour dans les écoles. Le développement concerne tout un chacun alors que nous autres en sommes encore à la conception de l’Etat providence. Je suis concerné et je dois partager la responsabilité du développement avec l’Etat. Le gouvernement doit me laisser partager la responsabilité du développement avec lui. Dans un Etat de développement participatif tout individu a le droit en même temps que le devoir citoyen et républicain d’exprimer à l’endroit des décideurs ses idées prenant conscience du fait qu’il est acteur de développement.
Dans son aspect social, la participation procède de la sensibilisation des collectivités et de la communication avec elles. Les incompréhensions et les difficultés soulevées par les dernières décisions dans le cadre des réformes entreprises à juste titre par le gouvernement illustrent bien la nécessité d’une gestion participative dans une démocratie moderne. Que ce soit dans le cas du programme de vérification des importations, nouvelle génération ; que ce soit dans celui de la suspension des primes qui grèvent tant les budgets des sociétés d’Etat ; que ce soit celui du déguerpissement musclé et en catastrophe des lieux publics à la faveur de l’arrivé du Saint-Père dans notre pays ; que ce soit même dans le cadre des relations avec les syndicats, le leitmotiv qui revient sans arrêt et de façon récurrente est le déficit de dialogue entre la classe dirigeante et la société, le manque de consultation en amont. Peut-être les Conseillers des Hautes Autorités politiques et administratives du pays ont-elles choisi délibérément d’utiliser en premier ressort la stratégie du passage en force craignant un enlisement d’éventuelles négociations qui compromettraient définitivement les réformes envisagées ; puis négocier par la suite en situation de force. Techniquement et si tant qu’elle est délibérée, la procédure est valable, l’essentiel étant son efficacité en définitive. Mais un développement participatif bien compris requiert en principe sensibilisation et communication qui favorisent un passage en douceur toujours salutaire, faisant l’économie du stress social nuisible à la sérénité des citoyens et dérangeante dans une démocratie apaisée. Peut-être devrait-on définir les situations où les « séances d’explications » suffisent et celles pour lesquelles le recours à la procédure de la négociation s’impose.
. Le développement participatif, comme toute participation, présuppose la confiance sociétale ; un environnement relationnel de confiance et cette confiance devrait descendre du sommet ; c’est le sommet qui la crée et la promeut. Il est un fait que les béninois ont perdu confiance en eux-mêmes ; ils assistent impuissants à la dégradation de leurs valeurs cardinales ; ils ont perdu leurs références et leurs repères et ils en arrivent à se méfier de ceux qu’ils ont mandatés pour gérer les affaires de l’Etat. La meilleure illustration de cette situation me parait être celle où le Chef de l’Etat a beau clamer, même à la face de la communauté internationale à l’occasion de son investiture, qu’il ne cherchera pas à briguer un troisième mandat, sa parole n’a fait qu’entretenir doute et suspicion dans l’esprit du béninois sans jamais le convaincre véritablement. Et il a fallu qu’il prenne cet engagement devant le Pape pour qu’il devienne crédible de quelque manière et décrispe quelque peu le climat politique qui prévaut dans le pays, permettant du même coup à l’opposition de se concentrer véritablement sur le travail d’alternance qui lui revient .Il faut reconnaitre cependant que le gouvernement essaie de remédier à cet état de doute et de méfiance généralisés d’autant que le Président de la République libéré du poids de la hantise de prochaines élections, a gagné en charisme qu’en définitive le peuple lui-même lui a conféré . C’est, en effet, directement à lui qu’il fait appel au préjudice de ses ministres; c’est lui qu’il implore lorsqu’il connaît des situations difficiles : c’est le bon père de famille. Mais les manifestations de rapprochement du peuple restent encore occasionnelles, sporadiques, opportunistes. et liées à des situations de crise ; il conviendrait de les institutionnaliser. C’est pour cela que nous avions déjà proposé à la faveur des dernières élections législatives, les mesures d’ordre plutôt politique suivantes que nous rappelons brièvement sans plus de détails explicatifs :
– Des comptes rendu périodiques publics, traduits en langues nationales, du Président de l’Assemblée Nationale au peuple sur les travaux de l’auguste institution qu’il dirige. Ces comptes rendu devraient mettre en exergue les mesures prises dans le cadre de l’amélioration du bien- être du citoyen nonobstant le classique rapport d’activités du genre de qu’il vient de présenter pour la période allant du 20 mai au 20 Octobre 2011. Au reste, j’ai beau scruter ce rapport, je n’y ai rien trouvé concernant le bien-être du citoyen
– La prestation de serment du Président de l’Assemblée nationale pour signifier son importance dans la structure de l’Etat et marquer la souveraineté du peuple qui se trouve à l’Assemblée et non au gouvernement
– La signature d’une déclaration de bonne conduite par les députés pour éviter les tractations illicites en cours de mandat qui indisposent les citoyens
– La déclaration des biens des députés comme incitation à la bonne gouvernance d’autant qu’ils viennent de voter la loi organique 2011-20 du 30 Septembre portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes.
– Les comptes rendu périodiques des ministres de leurs activités et les débats subséquents afin que le peuple sache clairement ce qu’ils font pour lui
– La déclaration des biens des ministres non plus seulement sur l’honneur mais sur constat d’huissier
Dans sa composante économique la participation devrait être un chassé-croisé entre le peuple souverain et les autorités à qui il a délégué ses pouvoirs pour le gérer. D’un côté les collectivités devraient pouvoir faire connaître leurs besoins et de l’autre les autorités ce qu’elles font pour elles. Certes des députés sont élus par ces collectivités mais ils ne peuvent défendre leurs intérêts spécifiques. Paradoxe constitutionnel ! Il faut donc des structures intermédiaires non étatiques, telles les organisations non gouvernementales auprès d’elles pour assurer la transmission de leurs besoins aux décideurs dans le cadre d’une stratégie de proximité.
Il serait par ailleurs heureux que l’Etat entreprenne de réaliser de véritables partenariats avec les industries qui touchent la population dans son ensemble. C’est dans cette optique que nous avons déjà proposé un partenariat entre l’Etat et les sociétés qui produisent des boissons pour financer le régime d’assurance maladie universelle et singulièrement un fonds de solidarité vieillesse pour tous les béninois. La proposition est toute simple et nous continuons de penser qu’elle est tout à fait viable.
L’Etat devrait également mettre à la disposition du public des études sectorielles qu’elles soient élaborées par des cadres de la Fonction publique, des cabinets ou des services du groupe de la Banque mondiale, qui pourraient faciliter les études de faisabilité aux investisseurs potentiels. Ce sera, au demeurant, une façon autrement plus efficace d’aider concrètement les jeunes en quête d’emploi à initier des projets ; de meilleure façon en tout cas, que la cascade des séminaires et d’ateliers organisés tout azimut dont on ne voit ni l’impact ni l’aboutissement.
L’Etat pourrait tout aussi bien favoriser le développement participatif en incitant les plus nantis à financer de petites réalisations d’infrastructure notamment, quitte à mettre sur pied une politique de déduction fiscale .En exemple, le cas d’une rue desservant une zone résidentielle et devenue impraticable. Que ne pourrait l’Etat encouragé les riverains résidents à financer telle route puisqu’ils en ont les moyens financiers et déduire leur participation des impôts qu’ils lui devront ? La solidarité est facteur de développement participatif et la participation se conjugue avec la solidarité.