Jeudi 12 janvier dernier, à 8h 30, la chaîne nationale diffusait la pièce Khasso du Malien Moussa Konaté. Créé et mis en scène par Tola Koukoui, ce drame historique raconte le règne d’un roi mandingue, partagé entre les impératifs de la tradition et les exigences d’une mère dévorante. Cette émission est-elle une option du Chef des Programmes ? Ou est-ce la décision du Directeur Général, heureux de servir aux amoureux du théâtre cette pièce aux accents épiques ?
En tout cas, nul ne peut se plaindre que l’ORTB offre sa vitrine aux meilleurs comédiens de l’espace théâtral béninois. C’est même salutaire. D’autant que l’essentiel des programmes de la chaîne est fait de monologues politiques de la mouvance présidentielle, des rebuts de télenovellas latinos et de médiocres séries ivoiriennes. Le public qui se désole de voir le plus grand festival du théâtre du Bénin devenir une foire d’empoignes entre ses acteurs, s’est alors trouvé une nouvelle occasion de renouer avec une culture qui, il y a peu, avait pris corps dans ses habitudes.
Mais, il ne s’agit pas seulement de Khasso que l’ORTB offre à admirer. Il y a aussi Le Collectionneur de Vierges de votre serviteur, l’Enfer comme station balnéaire du Congolais Alain-Léandre Baker, Macaries aux épines du Tchadien Baba Moustapha, Les Ficelles de Sacapin de Molière (réécrite par mes soins) et bien sûr, Kondo Le Requin de Jean Pliya. Six textes, six pièces aux aspérités différentes qui ont un dénominateur commun, celui d’avoir été créées et mises en scène par Tola Koukoui, puis captées sur scène à l’occasion de leurs représentations à l’Institut Français de Cotonou.
Quoique louable, cette initiative laisse songeur lorsqu’on voit de près les conditions de diffusion de ces pièces : car, l’ORTB fait semblant d’ignorer les textes qui en réglementent la diffusion. Pire, il a l’air – à travers ses responsables – de faire comme le majordome de la Marquise. Dans la culture du Far West, on qualifierait ce comportement de « sans foi, ni loi ».
Mais retenons d’abord et avant tout une chose : l’ORTB n’a signé aucun accord de diffusion avec le producteur de la pièce, en l’occurrence, ici, le Théâtre Kaïdara. Mais la convention de diffusion qu’il a paraphée l’a été avec Canal France International – banque d’images en direction des télévisions du Sud – qui met à la disposition de ses chaînes partenaires – notamment les chaînes nationales francophones de l’Afrique et des Caraïbes – des programmes à moindre coût, parfois même pour le franc symbolique. Et dans une de ces clauses, il est stipulé que ces émissions ne peuvent être diffusées que seulement deux fois dans les dix-huit mois suivant leur cession.
Or, la chaîne nationale semble avoir enterré son bons sens dans l’interprétation de cette disposition : non seulement, elle continue de diffuser ces programmes hors délais, mais elle en a multiplié la retransmission autant de fois que des vides se sont creusés dans sa grille. Et depuis 2008, carnet à l’appui, je me suis amusé à les compter. Kondo le Requin (29 fois) ; Le Collectionneur de Vierges ( 17 fois) ; Khasso (13 fois) ; Macaries aux épines (11 fois) ; L’Enfer comme station balnéaire (6 fois) ; Les Ficelles de Sacapain (5 fois). A noter que le délai de cette dernière production n’est pas encore forclos, mais sa diffusion a dépassé largement les deux prévues dans les clauses.
Je me demande pourquoi l’ORTB se comporte de manière aussi légère ; pourquoi ses responsables se cabrent lorsqu’il s’agit pour eux d’entendre raison. Savent-ils que les auteurs dont les œuvres sont illégalement et abusivement diffusées suivent depuis leurs pays, le traitement qu’on leur fait de leurs pièces ? Savent-ils que lesdits auteurs disposent des moyens satellitaires pour se renseigner ?
En tout cas, du flot d’indignation qui vient d’eux, se dégage une constance devenue évidente : un procès en bonne et due forme, un besoin de justice qui leur permettra de jouir de leurs droits sacrifiés. Si je m’associais à leur projet, ils diraient, mes compatriotes, que je ne soutiens pas la chaîne nationale qui fait ma promotion. Ils oublieront cependant de mentionner qu’une télévision, fut-elle nationale, ne jette pas par-dessus le nombril les droits d’auteur de ses citoyens. Mais moi j’ai d’autres casseroles à curer, même si je suis d’accord pour que le cocotier dormant soit secoué.
Pour le moment, le producteur et créateur de ces films, le Théâtre Kaïdara attend patiemment. Dire de lui qu’il boit du petit lait est abusif. Mais il sait que le temps lui donne raison. Surtout le comportement hors la loi de l’ORTB.