Lot de consolation pour J.-M Ehouzou

On l’attendait à Abuja, au poste très envié de président de la Commission de la Cedeao, mais c’est à Genève qu’il a été «parachuté», pour ainsi dire, comme… représentant de l’Union Africaine. Jean-Marie Ehouzou, car c’est de lui qu’il s’agit, «servira de courroie de transmission (sic) entre l’Ua et les organisations du système des Nations Unies», selon un confrère, citant des sources diplomatiques. Le même journal précise que le poste de Genève est le plus important, dans le monde, après celui de New York. Et notre confrère d’applaudir, comme l’ensemble des canards qui ont relayé l’information pour s’extasier benoitement de la «grosse promotion» ainsi offerte à notre compatriote.

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Certes, pour une promotion, c’en est une, après son éviction inattendue du poste de chef de la diplomatie de notre pays, au sortir du K.-O. mystérieux d’avril 2011. Mais c’est une promotion qui a valeur de lot de consolation. Je dirais même, d’un maigre lot de consolation! Jean- Marie Ehouzou avait déployé tellement d’énergie à la tête de notre diplomatie que personne n’aurait parié un kopeck sur son limogeage. Les diplomates étrangers en poste à Cotonou avaient unanimement salué le dynamisme qui se dégageait de lui et la compétence dont il a fait preuve dans ses fonctions, au point de le consigner dans une lettre cosignée d’eux, lorsqu’il a été débarqué du gouvernement.

Le poste de Genève vient ainsi tirer par le haut celui qu’on a fait descendre brutalement «en bas de en bas». On ne peut que se réjouir pour lui, d’avoir réussi par ses relations personnelles –ses amitiés avec Jean Ping sont de notoriété publique- à sortir du panier à crabes de l’Administration béninoise avec ses intrigues et ses mesquineries et où, la réussite des uns suscite, non pas une saine émulation mais la jalousie et les coups bas des autres. On se réjouit encore pour lui, davoir réussi par lui-même à tirer son épingle du jeu devant les atermoiements et labsence manifeste de volonté politique au plus haut niveau pour assurer la promotion de nos cadres dans les institutions internationales.

Cela dit,   il faut le crier très fort, pour que cela soit bien entendu! J.-M Ehouzou mérite mieux que le poste de simple coordonnateur de l’Ua près les institutions du système des Nations Unies, quels que soient le contenu et le cahier des charges du poste. Qu’y-a-t-il tant à coordonner à Genève, loin du siège éthiopien d’une Union africaine qui peine à harmoniser les positions sur des conflits tels ceux de la Libye et de la Côte d’Ivoire, par exemple, où les pays occidentaux ont dicté leur loi? La présidence de la Commission de la Cedeao pour laquelle son nom a été régulièrement cité offre, de notre point de vue, une meilleure visibilité que ce strapontin (le ministre Ehouzou nous en excusera, car nous savons qu’il a les atouts pour rebondir!) où il est en concurrence avec les diplomates de chacun des pays représentés en Suisse. Visibilité pour lui-même mais aussi pour notre pays qui n’a jamais obtenu la présidence de la Cedeao, largement à sa portée. Par le passé, on s’en souvient, les candidatures de Me Robert Dossou, sous le gouvernement Soglo et de… Albert Tévoédjrè, sous le gouvernement Kérékou avaient été rejetées par les Chefs d’Etats membres de la Cedeao. Si aucune raison n’a été avancée pour Me Robert Dossou, c’est l’âge avancé du second (on pouvait trouver mieux!) qui explique le rejet de sa candidature. Cependant, en cette année 2012, le Bénin tenait le bon bout, puisque c’est un comité des chefs d’Etat qui a décidé du mode de dévolution du poste de président de la Commission: par rotation et dans lordre alphabétique. D’autant que le Sénégal qui convoitait le poste s’était désisté, après avoir fait nommer un de ses citoyens à la tête de la Commission de l’Uemoa et que le Nigeria avait obtenu pour un des siens, le poste de président de la Banque d’investissement et de Développement de la Cedeao (Bidc). Le Burkina s’est farouchement opposé au principe unanimement retenu de rotation par ordre alphabétique. Et le sommet du mois de novembre dernier des chefs d’Etat a décidé de surseoir à la désignation jusqu’en février. A charge pour le président nigérian de concilier les parties. Que s’est-il donc passé entre-temps? Y a-t-il eu un deal entre le président béninois et celui du Burkina, pour que le premier prenne la présidence en exercice de lUa (un poste hautement honorifique pourun an) contre la nomination dun ressortissant du Burkina à la tête de la communauté ouest-africaine pourquatre ans? Le ministre béninois des affaires étrangères, généralement prompt à monter au créneau au moindre «succès» diplomatique de son président doit des explications à l’opinion sur ce deal qui n’est pas à l’avantage de notre pays, loin s’en faut!

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Ainsi, au-delà du cas Ehouzou, c’est la question de la politique de placement de nos cadres au niveau des institutions internationales qui se pose. Le Bénin, notre pays, doit cesser de faire profil bas au sein des institutions internationales. Car, si nous mettons un point d’honneur à être à jour de nos cotisations vis-à-vis de ces institutions, le moins qu’on puisse exiger de nos partenaires, c’est de nous laisser placer nos cadres, comme eux. C’est ce que fait le Sénégal, sans état d’âme. Ce pays dirige la commission de l’Uemoa pour la seconde fois, après la gestion calamiteuse de Mamoudou Touré. C’est ce que fait la Côte d’Ivoire, d’une autre manière, lorsqu’elle exige le retour à Abidjan des institutions comme la Bad (Tunis) ou l’ Adrao actuellement délocalisée à Cotonou, du fait de la guerre.

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