A situation d’urgence, profil adapté

Que des Togolais refugiés aient pu vouloir abuser de l’hospitalité de leur pays hôte, la chose est possible et plausible.

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C’est quand même depuis sept ans, comme cela se raconte, qu’ils sont accueillis en terre africaine libre du Bénin.

Sauf que ce n’est pas le Béninois lambda, celui qui, tous les jours, les croise dans la rue qui se plaint du fait. Jusqu’à preuve du contraire. Ce dernier, au demeurant, se reconnait même en son frère venu de l’autre côté de la frontière et compatit à sa douleur. Qu’est-ce que cela lui coûterait d’exprimer sa fraternité séculaire à l’égard de quelqu’un dont les origines, en remontant le fil du temps et des âges, se confondent aux siennes propres? La communauté des peuples est et a toujours été une réalité sur le terrain.

Des frontières du Nigeria à celles du Sénégal en passant par le Ghana, la Côte-d’Ivoire, le Mali, la Mauritanie… la preuve est faite que nos populations se sont réveillées un matin pour constater que dans son œuvre machiavélique de diviser pour régner, le colon blanc a fait se retrouver le puits et l’enclos du bétail familial dans un espace étatique donné tandis que dorénavant la cuisine et notamment la case où se réchauffe la maisonnée se situe sur un autre territoire.

Tracées grandeur nature au cordeau et au moyen d’un simple coup de crayon tiré sur du papier, les frontières africaines héritées de l’époque coloniale l’ont été sans tenir compte des spécificités de l’histoire des peuples du continent. Que de conflits entre pays voisins ou au sein même d’un État ont jalonné les années qui ont suivi les indépendances africaines! Le colonisateur aura ainsi réussi à fabriquer un destin à nos États qui n’ont eu pour solution que de décréter l’intangibilité desdites frontières. Et en cela, on attend de voir jusqu’où se mouilleraient la Cedeao et l‘Union africaine dans la crise malienne pour nous éviter que des velléités de sécession n’aient raison du pays de Soundiata Keita pour finalement faire tache d’huile sur le continent noir. Le bazar auquel on aura droit serait tout simplement ingérable.

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Cela dit, que des Togolais d’un certain statut aient pu mener ou tenter de mener des actes attentatoires à l’ordre public au Bénin, allant jusqu’à organiser des marches de protestation qui effarouchent, cela ne devrait surprendre ni étonner personne. Leurs hôtes, les Béninois, en situation de non déplacés sont censés comprendre, pour l’admettre, l’état d’esprit de leurs frères qui –momentanément, on l’espère pour eux- sont considérés à tort comme ne vivant pas dans leur milieu naturel. Les gens «normaux» devraient même anticiper leurs réactions. En premier, en tout cas, ceux des cadres et agents assermentés à divers niveaux des structures de l’Etat béninois et des institutions internationales en charge d’encadrer et de protéger des êtres humains de ce profil. Ces cadres et agents sont formés pour l’exercice et émargent au titre de leurs émoluments mensuels et per diem pour les missions accomplies au service de ces populations et lors des colloques, conférences et autres fora où les problèmes liés aux mouvements de personnes en périodes de guerres ou de conflits sont à l’ordre du jour. En conséquence, ces fonctionnaires se montreraient ridicules de se comporter envers elles comme le ferait Monsieur Tout-le-monde qui ne les traite même pas d’étrangers encore moins de profiteurs. Si on sait tous que nul n’est heureux que chez soi, de quoi parle-t-on en stigmatisant le comportement des refugiés togolais et, pas plus tard qu’il y a quelque quatre semaines, celles des refugiés du Congo démocratique? De quoi viendraient-ils profiter ici, si tout était redevenu vraiment rassurant, là où on veut qu’ils soient et où on a fini par refouler les Togolais?

Le plus regrettable dans le dossier est l’attitude de la représentante résidente du HCR au Bénin. A défaut d’organiser une conférence de presse sur le sujet, comme cela est exigible en pareilles circonstances, Mme Angèle Atangana Dikongué a décidé d’envoyer paitre le journaliste-reporter de «La Nouvelle Tribune» qui, sans succès, par deux fois en différentes occasions, s’est annoncé à son secrétariat afin d’avoir des éléments d’éclairer la lanterne de l’opinion sur les tenants et les aboutissants de la grogne des refugiés. Pour finalement lui faire dire d’introduire une lettre d’audience, à cet effet.

Ainsi, elle semble oublier que dans l’urgence de rendre compte d’un événement, le journaliste qui, lui, n’est pas celui ayant provoqué l’actualité, n’a pas à se transformer en administratif par le jeu d’un quelconque protocole avant de rendre son travail sur l’actualité brulante.

En l’espèce, c’est elle représentante du HCR-Bénin qui a le plus intérêt à une quelconque sortie médiatique, si tant est qu’elle croit en ses arguments. Aussi, sa tache devrait-elle plus s’effectuer sur le terrain qu’entre les quatre murs de son bureau. Les refugiés qui sont sa raison de travailler et de vivre sont, eux, sont installés dans des tentes aménagées sur des terrains vagues et dans des localités éloignées des réalités de nos centres urbains pour qu’elle veuille se la couler douce dans son bureau moquetté installé dans la capitale. A vouloir projeter une telle image d’elle-même, elle reconnait son incapacité à faire face aux situations d’urgence qui, pourtant, sont la caractéristique fondamentale du profil du candidat idéal pour occuper son poste.

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