Ils parlent désormais d’une musique béninoise commune et exportable. A travers le projet «Musiki tchédié» ou «Tchédié» en abrégé, (voici ma musique en langue locale fon), une frange d’artistes et de musiciens béninois entament le combat pour l’affirmation d’une identité musicale de leur pays, le Bénin. Bravo ! L’initiative est louable. C’est génial, avouons-le. Félicitation à Vi-phint, porteur du projet, et à toute sa bande de compositeurs-chanteurs, de musiciens et autres membres de l’équipe.
Plusieurs décennies déjà, «la problématique de l’existence d’une musique béninoise a été la préoccupation de bon nombre d’acteurs même au plus haut niveau. Les praticiens de la musique ont été tout le temps confrontés à l’exportation de leurs créations». Malheureusement, toutes les initiatives pour y apporter une réponse ne se réalisent qu’au bout des lèvres. La plupart des autorités de structures culturelles étatiques ou d’associations de professionnels de la musique ont souvent évoqué le sujet dans leurs discours prononcés à la faveur d’événements de grande envergure. Mais au fil du temps, on s’aperçoit, qu’au fond, elles font de l’esprit chaque fois.
Avec “Tchédié” on note quand même un début de concret. La musique béninoise, c’est le zinli, le agbadja, le toba, le massè gohoun, le kaka, le tchinkounmè, le tèkè, le tipenti, le akohoun, etc. Ce sont les rythmes traditionnels du pays. Mais elle n’a pas connu les instruments harmoniques qu’il faut pour être conforme aux normes internationales indispensables à son exportation. “Tchédié” est une approche de réorientation ou de réinvention de cette musique. Ceci, en la rendant plus digeste et internationale mais tout en préservant sa couleur nationale. C’est-à-dire une musique béninoise moderne d’inspiration traditionnelle acceptée et consommée par tous et partout dans le monde. Une plateforme de musiciens est commise pour façonner cette musique béninoise. Encore bravo !
Admettons que tout ce passe bien, que cette musique béninoise est réinventée ou réorientée comme le disent les auteurs du projet. «Tout ça c’est bien» diraient les animateurs du journal du bien.
L’autre problématique, compagnon de tous les jours, qui malheureusement fait obstacle à l’affirmation de cette identité musicale béninoise est toujours là. Au Bénin, tout compositeur chanteur veut être roi de quelque chose, roi d’une musique, créateur d’un mouvement de musique. On est même roi de ce qui n’existe pas. Même quand c’est ce que les professionnels de la musique appellent “le bruit” dans leur jargon, on s’en proclame roi. C’est là ce que d’aucuns qualifient de régionalisme musical. Certes, il y a eu quelques créations musicales qui pouvaient avec l’apport de tous, révéler cette identité musicale béninoise, mais jamais, il n’y a eu l’union autour. Il ne s’agit pas de mouvements inspirés de la musique d’ailleurs mais de créations à base de rythmes traditionnels du Bénin. Celles-ci font long feu en absence d’une solidarité et d’une synergie des idées autour. Le régionalisme au Bénin, n’est pas que politique. Il a pu embraser aussi le secteur de la musique. Vi-phint et ses collaborateurs sont certainement conscients de cet obstacle majeur à leur projet. Et ils ont choisi de travailler, pour le compte de la première édition de “Tchédié”, sur douze chansons à raison d’une composition par département afin de couvrir tout le Bénin. Ils en tiendront certainement aussi compte pour le choix du noyau de musiciens. Au niveau de ceux-ci, il n’est pas question d’une sélection par région mais plutôt selon les compétences et le mouvement de musiciens qu’on note ces dernières années derrières les artistes chanteurs. Etant ceux là qui “fabriquent” la musique, ils pourront, quelles que soient les couleurs musicales recherchées par l’artistes, faire apparaître ce langage commun issu de “Tchédié” dans les arrangements. Ce langage musical qui sera désormais révélateur de l’empreinte musicale recherchée. C’est peut être là, l’espoir. Espérons que “Tchédié” puisse vaincre les actions solitaires et le désir d’être tous créateurs de rythme et susciter la fédération des idées visant l’affirmation de l’identité et l’exportation de la musicale béninoise. Et pour que vive enfin, la musique béninoise à l’internationale.
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