Réuni en session extraordinaire dimanche dernier, le gouvernement a pris, une énième fois, de nouvelles mesures pour sauver la campagne cotonnière 2012-2013. L’Exécutif a fait l’option de réquisitionner et de payer comptant la totalité des intrants commandés au titre de cette campagne.
Il a aussi décidé de répertorier tous les stocks d’intrants « acquis et disponibles sur le territoire béninois par les divers importateurs» puis de prospecter d’autres sources d’approvisionnement. Lire le détail sur ces mesures dans le communiqué, ci-dessous publié, du Conseil des ministres en question.
Le Conseil des Ministres s’est réuni en séance extraordinaire le dimanche 10 juin 2012, sous la présidence effective du Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement.
Au cours de la séance, le Conseil des Ministres a examiné une communication du Ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche sur les dispositions particulières prises pour conduire la campagne cotonnière 2012-2013.
Il convient de rappeler à l’attention de l’opinion que dans le cadre de l’approvisionnement en intrants coton :
1. les produits intrants ont été commandés et importés sur appel d’offres de l’Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) supervisé et validé par le Gouvernement ;
2. les produits sont destinés exclusivement aux producteurs de coton établis à l’intérieur du territoire national du Bénin ;
3. ces produits débarqués au Port de Cotonou ont été enlevés par l’AIC sans frais de douane avec des facilités portuaires exceptionnelles ;
4. l’Etat béninois, depuis quelques années, verse à l’occasion de chaque campagne, des subventions sur la base du résultat de l’appel d’offres qu’organise l’AIC. C’est également sur cette base que des subventions dont le montant avoisine quarante-cinq milliards (45 000 000 000) de francs CFA sont décaissées du Trésor Public pour soutenir les campagnes au cours des cinq dernières années. C’est aussi sur cette base que la sollicitude de l’Etat s’est exprimée pour un montant de l’ordre de soixante-dix milliards (70 000 000 000) de francs CFA, y compris les subventions au cours des six dernières années.
A la fin de la campagne 2011-2012, une crise de confiance est née entre l’AIC et les producteurs.
En effet, ces derniers se sont estimés victimes de déclaration de faux poids des quantités de coton qu’ils ont produit. Ils dénoncent le vol par l’AIC d’une importante quantité de coton avoisinant près de cent trente mille (130 000) tonnes.
Par ailleurs, une crise de confiance est également née entre le Gouvernement et l’AIC au sujet de la gestion des subventions que lui a accordées l’Etat au titre de la campagne 2011-2012.
En effet, le Gouvernement attend de l’AIC la justification d’un trop perçu d’environ quatre milliards (4 000 000 000) de francs CFA au titre de ladite campagne.
En remontant l’historique des subventions, le Gouvernement s’est aperçu que l’AIC devra justifier plus de dix milliards indument perçus durant les quatre dernières campagnes.
De même, le Gouvernement considère qu’en déclarant que le Bénin n’a produit que cent soixante-quatorze mille (174 000) tonnes de coton au lieu de trois cent mille (300 000) tonnes normalement attendues, l’AIC compromet dangereusement la croissance économique de notre pays en la faisant passer de 4% à à peine 1%. Ce qui par ailleurs compromet aussi le volume des financements extérieurs attendus par notre pays.
Malgré toutes ces situations qui restent à élucider, le Gouvernement a marqué sa volonté de poursuivre le partenariat avec l’AIC pour la campagne 2012-2013. Toutefois, ce partenariat devra se développer en dehors de l’Accord-Cadre d’ailleurs aujourd’hui suspendu, en attendant la mise en place d’un nouveau cadre de partenariat devant prendre en compte l’intérêt général de la nation sans compromettre ce du partenaire AIC.
C’est pourquoi, le Gouvernement a décidé de s’engager à titre exceptionnel et mieux que par le passé dans la présente campagne. C’est dans le sens de cet engagement que l’appel d’offres initié par l’AIC pour la fourniture des intrants au titre de la campagne 2012-2013 a été supervisé et suivi de très près par des membres du Gouvernement.
Mais à la suite des premiers déchargements d’engrais au Port de Cotonou, des atermoiements ont été observés dans l’attitude des importateurs d’intrants, notamment de la part de la Société de Distribution des Intrants (SDI) et Denrées et Fournitures d’intrants Agricoles (DFA) qui ne répondent pas souvent aux invitations auxquelles le Gouvernement les convie pour des réunions de concertation. Les rares fois où ils ont répondu, ils ont posé sans cesse des conditionnalités qui sortent du cadre de l’appel d’offres initial pour céder les intrants, pourtant commandés pour le Bénin dans le cadre de la campagne cotonnière en cours.
Des informations font également état d’une campagne de démobilisation actuellement en cours sur le terrain auprès des producteurs de coton visant à leur faire croire à une année cotonnière blanche, et les invitant à arracher leurs plants de cotonnier et de les remplacer par des vivriers ou par d’autres spéculations.
Dans le même temps, une vaste campagne d’intoxication se mène dans les pays de la sous-région et sur le plan international demandant l’isolement du Bénin de la filière coton en le privant des intrants dont le pays a besoin.
Face à ce comportement regrettable de la part des importateurs, et compte tenu des contraintes d’échéance d’utilisation desdits intrants, le Gouvernement, déterminé à mener la campagne cotonnière 2012-2013 avec succès, a entrepris :
1. de procéder à l’enlèvement, après en avoir payé au comptant le prix correspondant, soit un montant de huit milliards quatre cent quarante huit millions (8 448 000 000) de Francs CFA à ECOBANK, et à la distribution immédiate des vingt sept mille cinq cents (27 500) tonnes d’engrais NPK achetés et entreposés à Allada pour le compte de l’importateur de la Société de Distribution des Intrants ;
2. de répertorier tout le stock d’intrants acquis et disponibles sur le territoire béninois par les divers importateurs. A ce sujet, les banques privées qui fournissent un accompagnement financier à l’importation d’intrants agricoles sont instamment invitées sous peine de sanctions, à déclarer leur portefeuille moyennant paiement comptant.
3. de réquisitionner et de payer comptant les totalités des intrants commandés au titre de la campagne 2012-2013 pour éviter de mettre en péril ladite campagne
4. de prospecter au besoin d’autres sources d’approvisionnement en intrants notamment dans les pays de la sous-région.
Des prospections engagées dans ce cadre ont conduit des membres du Gouvernement du Bénin vers des Autorités et des personnalités des pays voisins notamment le Togo, le Burkina-Faso et le Mali.
Auprès des Gouvernements et des Autorités de ces pays, le Bénin a rencontré une sollicitude et une manifestation de solidarité que le Conseil des Ministres salue avec beaucoup de reconnaissance et de déférence.
Nonobstant les diverses marques de solidarité exprimées par ces pays voisins à l’endroit du Gouvernement et du peuple béninois, le Conseil des Ministres a préféré privilégier l’utilisation des produits déjà acquis et disponibles sur le territoire national pour des raisons suivantes :
– ces intrants ont été achetés grâce à l’épargne des citoyens béninois ;
– les produits déchargés au Port de Cotonou ont bénéficié de toutes les facilités possibles de la part des Autorités du Port pour leur sortie ;
– ces produits n’ont pas été dédouanés c’est-à-dire que les Béninois en sont propriétaires en partie.
En conséquence, le choix du Conseil des Ministres de privilégier l’utilisation de ces produits, participe du souci du Gouvernement d’une part, de préserver la vie des banques installées dans notre pays ainsi que l’épargne des Béninois, et d’autre part d’éviter que ces produits subventionnés par le peuple béninois parce que non dédouanés ne soient écoulés en dehors du territoire du Bénin. Il n’est donc pas question que le citoyen subventionne des producteurs des pays autres que le Bénin au cas où l’AIC prendrait la décision, comme cela se dit de réexporter ces produits vers d’autres destinations.
Aussi, le Gouvernement invite-t-il les responsables de ces banques à faire dans les meilleurs délais c’est-à-dire, le lundi 11 juin 2012 à 12 heures au plus tard, toutes les déclarations des portefeuilles de crédit intrants qu’elles détiennent et d’indiquer les lieux où ces produits sont entreposés sous peine de sanctions appropriées à l’encontre des responsables de celles qui seraient défaillantes.
Elles sont également tenues de transmettre au Gouvernement, tous les documents afférents à ces crédits.
Quant aux membres de l’Association Interprofessionnelle de Coton, ils sont aussi instamment invités à adresser au Gouvernement, leurs déclarations sur l’état de la disponibilité des herbicides, des engrais et des insecticides ainsi que de leur site d’entrepôts, au risque pour cette Association de se faire radier définitivement du partenariat avec l’Etat en ce qui concerne la filière coton et de tous autres partenariats éventuels.
En dépit des manœuvres de sabotage savamment orchestrés et qui se développent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire national, le Gouvernement tient à rassurer une fois encore, tous les producteurs de coton et tous les autres acteurs de la filière, de sa ferme volonté de mener à bien la présente campagne.
Il s’agit là d’un défi que le Gouvernement entend relever avec l’appui de tous les citoyens.
C’est pourquoi, le Conseil des Ministres appelle toutes les personnes concernées par la filière coton à rester vigilantes et prêtes à faire face avec sérénité, courage et détermination à toutes sortes d’obstacles qui seront dressés sur leur chemin tout au long du déroulement de la présente campagne.
Il est important que le contribuable béninois sache qu’il détient une part importante dans les frais d’acquisition des engrais importés du fait des facilités exceptionnelles accordées par le Port et la Douane aux importateurs.
Le Gouvernement, de ce fait, considère donc inacceptable que ces engrais ne soient pas servis aux producteurs béninois et que les importateurs veuillent les garder pour les réexporter plus tard vers d’autres destinations, ce qui reviendrait à subventionner les producteurs d’autres pays par l’argent du contribuable béninois.
En raison de ce qui précède, et afin de poursuivre la mise à disposition des intrants auprès des producteurs qui attendent avec impatience, des mesures urgentes suivantes ont été prises à savoir :
– le démarrage depuis quelques semaines, et la poursuite de la mise en place des engrais par les services déconcentrés du Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche et de la Société Nationale de Promotion Agricole (SONAPRA) avec l’appui remarquable des éléments des forces armées béninoises engagées dans cette mission républicaine ;
– les herbicides commandés sont en cours de réception au Port de Cotonou et seront également mis en place dès le lundi 11 juin 2012 ;
– tous les membres du Gouvernement sont instruits pour se porter régulièrement auprès des producteurs et leur apporter toutes assistances nécessaires pour la réussite de la présente campagne cotonnière.
Pendant ce temps, le Conseil des Ministres invite les membres de l’AIC à prendre part aux réunions de concertation avec le Gouvernement pour l’élaboration d’un nouveau cadre de partenariat devant régir à l’avenir la gouvernance de la filière coton sur une base beaucoup plus saine, plus vertueuse et plus durable afin de sauver cette filière qui constitue le second poumon de l’économie de notre nation après le Port.
Enfin, le Gouvernement renouvelle son appel aux investisseurs désireux d’installer au Bénin des usines de production d’insecticides et de produits phytosanitaires qu’ils sont les bienvenus et les meilleures conditions d’investissement leur seront offertes.
Désormais, le Bénin dans sa quête de la promotion de l’emploi des jeunes, a choisi de s’engager dans la production locale des intrants à l’image de ce qui se fait dans les pays voisins comme le Togo, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, le Burkina-Faso et d’autres pays de la sous-région, et de renoncer à l’option suicidaire de l’importation.
Fait à Cotonou, le 10 juin 2012
Le Secrétaire Général du Gouvernement,
Eugène DOSSOUMOU
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