Cybercriminalité : arnaquée d’environ 145 millions de F Cfa sur le web par des Franco-Béninois

Le tribunal de Clermont a condamné, hier, deux banlieusards parisiens d’origine africaine, à trois ans de prison, pour avoir arnaqué une Clermontoise particulièrement vulnérable de près de 220.000 euros, soit plus de 144 millions de F Cfa.

 Celui qui était encore libre a été arrêté à la barre. L’un porte un costume à la coupe parfaite et de belles bottines. L’autre un lainage informe. Il faut dire qu’il est en détention provisoire depuis un an. Il a dû lâcher l’affaire question «sape».
Le juge s’attaque donc au premier: «C’est de la marque tout ça. On voit que vous ne vous habillez pas chez Kiabi. Comment vous faites avec votre salaire de plongeur?». Il répond qu’il ruse grâce aux ventes privées, qu’il ne paye jamais une chemise plein pot… Bienvenue dans l’univers de l’escroquerie à l’africaine. Entre bon goût et bagout.

1- La cible. Ces Béninois de 42 et 37 ans, habitant l’Essonne, sont poursuivis pour avoir soutiré 218.250 € à une Clermontoise vulnérable. Un accident de voiture à 11 ans l’a laissée avec de graves séquelles et un caractère instable et impulsif. «Elle est dans un insatiable besoin d’affection», explique le psychiatre. Une proie parfaite pour l’arnaque à l’héritage.

2- La ficelle. Elle reçoit, en novembre 2009, un courriel d’un inconnu : Jean-Pierre Sogan. Il se prétend l’employé d’un homme d’affaire libanais, récemment tué à Cotonou, qui laisse derrière lui 12 millions de dollars malheureusement bloqués par une banque. C’est bidon bien sûr. Mais elle y croit. Et elle adresse des mandats au Bénin. Au courtier. À l’avocat. Au notaire. Puis Jean-Pierre Sogan lui envoie un émissaire. Les prévenus entrent en scène.

3- Le diplomate. Un certain Maurice Bozon, diplomate, lui donne rendez-vous. Dans un hangar désaffecté de Saint-Ouen, il lui montre une valise de billets. Mais il faut encore verser 1% du total pour toucher le magot. Elle vide son assurance-vie et règle en liquide. Il vient ensuite la voir chez elle. Mais elle s’est enfin confiée à la police. En avril 2011, le SRPJ de Clermont-Ferrand prend «Monsieur l’ambassadeur» dans sa souricière. Il est incarcéré et une instruction est ouverte.

4- Le chauffeur. C’est un «ami de vingt ans», interpellé en juin 2001. Il a joué les chauffeurs de diplomate à Paris. Il est aussi venu récupérer une grosse enveloppe d’argent en Auvergne. «Je suis bleu dans tout ça. Je me suis retrouvé là par hasard», assure-t-il. «Il a rendu service, sans se poser de question», ajoute son avocat, Me Laure Vaillant. «Mais l’escroquerie par négligence n’existe pas».

5- Le mauvais Samaritain. Les explications de son pote sont plus élaborées. Longuement, il raconte comment il s’est retrouvé menacé par des personnes influentes au Bénin et comment il a essayé de prévenir la victime du danger. «C’est plutôt cocasse d’essayer d’abuser ainsi le tribunal», contre Alexa Carpentier, vice-procureur. «On en arrive à comprendre comment vous procédez. Vous essayez d’avoir les gens à l’usure». Elle requiert cinq ans de prison pour les deux mis en cause, le premier étant plus impliqué, le second en récidive.

6- Les instigateurs. «Pour un “grand organisateur”, mon client porte, quand il est arrêté, des bijoux de pacotille et une montre de contrefaçon, ça ne colle pas», plaide Me Mohamed Khanifar pour le faux Bozon. «Ce n’est pas le donneur d’ordres. Il ne pouvait pas arrêter les choses. Ce n’est même pas Sogan. La victime le dit: Sogan parlait très mal le français. J’entends le procureur dire qu’il faut donner une leçon. Mais nous n’allons pas payer pour les autres». Le juge instructeur a en effet envoyé des requêtes au Bénin pour remonter le fil. Elles n’ont jamais eu de réponse.

7- La prison. Le tribunal condamne au final les deux Franco-Béninois à trois ans de prison et décerne un mandat d’arrêt pour celui qui comparaît libre. Le diplomate est rejoint par son chauffeur en détention. Quant à la victime, «elle est complètement traumatisée», raconte son avocat, Me Fabienne Sertillange. «Elle n’ose plus sortir dans la rue. Sans être raciste, elle dit qu’elle voit des Noirs partout». 

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