Le logement ou le casse-tête béninois

 

Avoir un toit. Voilà le rêve de l’immense majorité des Béninois. Un beau rêve et tout en couleur. Un rêve si beau qu’il a conduit le Béninois à  enrichir la langue française de l’expression «Mon chez». Ce n’est donc pas sans fierté que ce dernier vous parlera de «Mon chez», c’est-à-dire sa maison, grande ou petite, impressionnante ou insignifiante. La maison qu’il a réussi à construire à la force du poignet. La maison qu’il a acquise au prix de mille et un sacrifices.
Le logement, de l’indépendance à nos jours, n’a pas fait l’objet d’une politique systématique, d’un gouvernement à l’autre. Pourtant, le besoin d’un toit est bien réel. Tout aussi forte l’aspiration à un toit. Il s’agit d’un point majeur. Les Béninois devraient y attendre tous ceux qui viennent solliciter leurs suffrages à la veille des élections. Il se trouve que c’est au bout d’une longue marche dans la nuit qu’une poignée de Béninois moyens parviennent à réaliser le rêve de disposer d’un toit. C’est un marathon de tous les dangers.

Il faut commencer par acquérir une parcelle de terrain. Qui s’y engage se rend vite compte que le Bénin accuse un pitoyable retard. Le titre foncier, qui fonde vos droits de propriété sur un lopin de terre, est de l’ordre d’une rareté. On vous délivrera,  au mieux, un permis d’habiter, une simple pièce administrative qui ne fait pas de vous un propriétaire. Il n’atteste que d’une occupation provisoire des lieux. En attendant diverses opérations de tracer des voies, de lotissement et de recasement.

Au bout du compte, votre parcelle pourrait disparaître et vous aurez tout perdu. Mais s’il devait vous en rester un bout, il n’est pas sûr que vous soyez au bout de vos peines. Des tiers,  soi-disant arrière parents, proches ou lointains, du propriétaire de la parcelle vendue, ont tôt fait de provoquer un litige. Et c’est l’infernal engrenage des palabres, des marchandages, des arbitrages. Dans le meilleur des cas, le litige s’évapore en un compromis absurde : vous racheter ce que vous êtes censé avoir déjà acheté. Le Bénin vit ainsi au rythme des problèmes fonciers et distrait l’essentiel de son énergie dans des conflits domaniaux qui n’en finissent plus de finir.

Mais il arrive que des entreprises immobilières, voire l’Etat, sur la foi d’un projet immobilier précis, vous épargnent l’étape périlleuse et pleine d’aléas de l’acquisition d’un terrain. Une large gamme de maisons est proposée. Elle va de la maison «grand standing» au modeste habitat à loyer modéré (HLM). A chacun selon ses moyens, la loi de l’offre et de la demande aidant à fixer les modalités pour une acquisition définitive.

De manière concrète et pour nous situer sur le terrain béninois, l’offre d’un toit au plus grand nombre se situerait entre les deux extrêmes ci-après. D’une part, l’opération Censad et d’autre part l’opération «logements sociaux» initiée à Lokassa en 2008, à l’occasion des fêtes tournantes de l’indépendance. La première opération vise le haut de gamme. Ce sont quelques logements luxueux et onéreux pour une poignée d’heureux propriétaires nantis. C’est du «Cash and Carry». Vous payez cash et vous devenez propriétaire La deuxième opération n’a proposé que de véritables clapiers, c’est-à-dire des cabanes à lapins, tenant lieu de logements sociaux, des logements non achevés, abandonnés, depuis et qui plus est, à la brousse. Entre ces deux extrêmes, pourrait se concrétiser massivement le rêve d’un toit pour nombre de Béninois.

Mais en attendant, la plupart de nos compatriotes, en villes notamment, sont pieds et poings liés à la seule solution qui s’offre : la location d’un logement. Ce qui leur impose, ipso facto,  de se soumettre aux caprices d’un marché sur lequel la spéculation est reine. La location  d’un modeste «entrer-coucher»  engloutit le plus clair du salaire d’un gagne petit, dans un pays où le SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti) plafonne à 35 000 francs. Il faut y ajouter une avance équivalant à plusieurs mois de loyer,  plus  une caution représentant l’avance sur consommation de l’électricité.

Il n’y a aucun doute : le secteur de l’immobilier et de la location de logements aura besoin d’être assaini et d’être réglementé. On doit rappeler que le citoyen-locataire a des droits. Lesquels méritent d’être défendus et d’être protégés.

Un toit au Bénin, comme on le voit, est encore de l’ordre d’un casse-tête pour une majorité de Béninois. Un toit pour tous  reste ainsi et encore un beau slogan. Cela booste le moral. Mais ce n’est pas demain la veille.

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