Un forum économique national. C’est pour bientôt. Le Chef de l’Etat, recevant les opérateurs économiques le 27 juin, en a fait l’annonce.
Le même jour, il a reçu le comité préparatoire de ce grand rendez-vous. Le professeur d’économie Fulbert Gero Amoussouga en est le président. Les difficultés que traverse actuellement notre pays, justifient la tenue d’un tel forum.
Un forum de plus ou l’inauguration d’une nouvelle ère avec une nouvelle génération de réunions ? Nous devons rompre d’avec les schémas classiques des rencontres : des discours à gogo, de la paperasse à ne savoir quoi en faire, la tonne et le quintal de recommandations et de résolutions vite rangées, du reste, dans les tiroirs… Si nous ne changions pas notre fusil d’épaule, nous courions le risque de prendre les mêmes, pour reprendre le même « coupé-décalé », et pour nous surprendre, à la fin, de faire du sur-place.
Un forum économique national, pour nous sortir d’affaires, doit s’attacher à démythifier l’économie. Mais comment ? En la sortant du sanctuaire de l’académisme pour l’exposer dans les espaces ordinaires où opèrent des gens ordinaires. A l’université, l’économie savante. Celle qui se gargarise des grands agrégats, des tendances, des courbes et autres indices, objets de thèses et de recherches. Au marché international de Dantokpa, l’approche empirique d’une crise qui n’est pas à saisir en théorie, mais dans sa réalité et dans sa vérité.
Morceaux choisis de déclarations d’opérateurs économiques à la rencontre avec le Chef de l’Etat le 27 juin dernier.
• Zéphirin Awougah, membre de l’Association des importateurs de denrées alimentaires : « Nous devons faire en sorte que notre port soit compétitif. Ce qui suppose des coûts plus attractifs, une célérité dans les procédures et une bonne gestion des entrées et des sorties des camions ».
• Jean-Baptiste Satchivi, producteur de denrées avicoles « Les affaires doivent être sécurisées par une administration efficace, performante et fiable. C’est dans cet environnement que l’entreprise doit jouer son rôle de créateur de richesse ».
• Wilfried Ahissi, représentant des distributeurs agréés de produits pétroliers : « Nous avons un secteur formel des produits pétroliers qui est mort. Les multinationales sont parties et il ne reste que les nationaux. La marge brute d’une station-service est aujourd’hui de 48 000 francs CFA le mois. Alors que le secteur dégage un potentiel fiscal de 175 milliards de francs CFA qui vont dans les poches des acteurs informels. »
• Expédit Houessou, directeur général de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers (SONACOP) : « Nos confrères vivent une situation de mort imminente. Tous les opérateurs privés sont en train de fermer les portes. Si on règle 50% des problèmes du port, on aura accru notre croissance économique de 3% ».
Il s’agira donc, au niveau d’un tel forum, de donner la priorité aux préoccupations des acteurs directs. Plutôt les opérateurs engagés dans un corps à corps constant avec la crise, que les consultants périphériques qui n’ont pas quitté le calme feutré de leur laboratoire ou de leur bureau. Les premiers ne théorisent pas. Ils subissent de plein fouet les affres d’une crise dure. Les seconds spéculent, formulent des hypothèses, mettent en musique des connaissances plutôt livresques. C’est toute la différence entre un homme qui a faim et qui sait ce que veut dire avoir faim, et un autre homme qui poursuit tranquillement des recherches savantes sur la faim, à l’abri de toute faim. Ceux qui vivent la crise actuelle ne tiennent pas de discours sur la crise. Ils agissent pour en desserrer l’étau. Le forum économique national devra enregistrer, de ce fait, moins de discours sur la crise. Nous devons en faire une forge d’où sortiront nos meilleures armes contre la crise. Donc, moins d’incantation, pour plus d’audace créatrice.
Un forum économique national qui épouse le profil que nous venons d’esquisser exclut d’emblé toute forme de bureaucratie. Pour comble de malheur, la bureaucratie qui a cours chez nous, en plus de ses vices rédhibitoires, est bavarde et paperassière, paresseuse et improductive. On ne peut rien en attendre. C’est ailleurs que nous trouverons le support du changement que nous appelons de nos vœux. Objectif : hisser le Bénin à la place qui ne doit jamais cesser d’être la sienne. La première.