Afrique : l’évangile selon Jacob Zuma

Le 19ème Sommet de l’Union africaine a vécu.  Mais restera vivace dans les esprits ce qui vient de se passer au pays du président Meles Zenawi. L’Union africaine, point de mire de tous les regards, a vibré comme jamais auparavant.

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Oubliés les  Sommets ennuyeux émaillés de discours soporifiques. Une révolution est en marche.

L’Afrique du Sud, de Jacob Zuma, à travers la désignation du chef de la Commission de l’Union, a déployé une vision de l’Afrique, relevée d’une ambition qu’elle entend voir s’incarner en une politique. La Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma,  au terme de quatre tours de vote, terrasse le président sortant, le Gabonais Jean Ping. C’est plus que l’aboutissement d’un long processus électoral. C’est le signe patent qu’à l’Union africaine, quelque chose bouge désormais. L’Afrique du Sud de Jacob Zuma entend en prendre les commandes.

Avec l’élection de Nkosazana, de mémoire d’Africains, c’est la première fois qu’une femme accède à la présidence de la Commission. Avec l’élection de Nkosazana, c’est la première fois que le fauteuil échoit à une anglophone.  Avec l’élection de Nkosazana, c’est la première fois que le poste revient au ressortissant d’un grand pays du continent. Voilà trois petits détails qui s’additionnent, à savoir une femme, une anglophone, une puissance régionale. Cela bouleverse une certaine architecture de l’institution panafricaine à laquelle chacun a fini par s’accommoder. Qu’est-ce qui est ainsi mis en route ? Quel changement peut-il entraîner ? Selon quelle ampleur et avec quel impact ?

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On notera que ce 19ème Sommet a bousculé bien des tabous. Il a surtout signé la fin des arrangements tacites et négociés. En effet, la tradition orale dans laquelle nous baignons a semblé consacrer un certain nombre de lois et de règles non écrites. L’institution s’évertuait à les gérer comme un legs sacré. La présidence devrait ainsi revenir au ressortissant d’un « petit pays », autant que possible francophone.
Avec la candidature de Nkosazana, l’Afrique du Sud, au cas où on l’ignorerait, rappelle à tous qu’elle n’est pas un petit pays, qu’elle n’est pas non plus francophone. Comprenne donc qui voudra. On ne saurait trouver meilleurs angles d’attaque pour secouer le cocotier. De propos délibéré,  l’Afrique du Sud a donné un coup de pied dans la fourmilière. L’intention est claire : faire prévaloir une nouvelle conception, une nouvelle logique de gestion de la direction de l’institution continentale.

Par ailleurs,  dans un monde qui fonctionne  comme une jungle, sauf les apparences, l’Afrique, aux yeux de Pretoria, évolue sur un faux rythme et sur la base d’un compromis mou. L’Union africaine lui a semblé être la caisse de résonnance d’un tel compromis. Quelques pays membres ont capacité à être des locomotives. Mais les pesanteurs aidant, ces pays renoncent à jouer un tel rôle. Comme si l’union, au lieu d’être un facteur de force et de puissance, générait faiblesse et impuissance. Les autres pays membres sont faibles. Ils ne cessent, du reste, de s’affaiblir à ruminer leur impuissance. Et  l’Afrique du Sud  de taper du poing sur la table, dans le ronron des Sommets qui se succèdent et à effets nuls, dans le cycle ennuyeux des discours qui résonnent comme de vaines incantations. Ici, encore, l’Afrique du Sud innove, en bousculant les règles établies. Un leadership continental est à prendre. Pretoria affiche l’ambition de l’assumer. Avec la vision et la conviction que pour arracher, demain, un siège au Conseil de Sécurité, il faut se mettre en devoir, aujourd’hui, d’être en pole position en Afrique.

Enfin, la notion de rapport de force est désormais fortement affirmée et mise en avant entre Etats. Les Africains ont  privilégié jusque là un certain égalitarisme qui fait de l’Union africaine une entité d’Etats souverains, libres et égaux. Avec la candidature de Nkosazana, l’Afrique du Sud a semblé nous rappeler ces mots de Cervantès (Citation) : « Il existe seulement deux familles dans le monde : ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas » (Fin de citation). Les Etats membres compteront désormais  en fonction de leur poids géopolitique et selon leur capacité géostratégique. Aux Etats qui possèdent, l’honneur des premières places et des premiers rôles. Quant aux autres, le bonnet d’âne des derniers de classe. Voilà la nouvelle Afrique, en référence à l’évangile selon Jacob Zuma.

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