La société civile à la quête d’elle même

Difficile de faire mentir le proverbe : « L’excès en tout est un défaut ». Le Bénin est un petit pays. Mais il montre parfois plus d’appétit que n’autorise sa taille. 

On n’a pas fini de recenser le nombre d’organisations de la société civile (Ong) qui semblent s’engager toutes à vouloir faire le bonheur des Béninois. Le chiffre de 5000 associations est déjà largement dépassé. Dans cette fourmilière grouillante, seul Dieu reconnaîtra les siens. 

L’ambassadeur de France  près le Bénin, en visite le 23 juillet dernier  à la Maison de la Société civile, n’a pu cacher son inquiétude. Il y a trop de groupes qui se réclament  des Organisations de la Société civile (ONG). De même qu’il y a trop de flou autour des activités de la plupart de celles-ci.  Tout cela fait désordre. Tout cela décrédibilise la Société civile.

Léontine Konou Idohou, Présidente du Conseil d’administration de la Maison de la Société civile, fait le même constat. Elle  n’y est pas allée avec le dos de la cuillère : « Nous avons  au Bénin des ONGs sans siège. L’aide au développement ne sert qu’à l’achat des véhicules 4×4 » déclare-t-elle.  Elle fustige la politisation à outrance dans laquelle versent nombre de ces associations, manipulées qu’elles sont, par ailleurs, par les pouvoirs publics. Après ce réquisitoire sans concession, que reste-t-il encore de la Société civile dans notre pays ?

La présence de brebis galleuses dans tous groupes et organisations est et demeure un sujet de haute préoccupation. Une telle présence est aussi nocive qu’un cancer, redoutable tumeur qui ronge les chairs et qui prolifère de manière anormale et dangereuse. Beaucoup d’ONG servent de paravent pour faire prospérer des produits et des activités qui n’ont rien avoir avec leur raison sociale déclarée ou affichée. Séduisante et attrayante façade extérieure, à l’image des tombes des Pharisiens de l’Evangile, mais pourriture à l’intérieur.

Beaucoup d’autres ONG ont été suscitées, non par un désir profond et sincère d’occuper ce créneau social non partisan de service. Elles ont surgi du néant par la nécessité de masquer un chômage ou de monnayer des velléités  affairistes.  Elles se sont érigées en tremplin pour assouvir des ambitions cachées. Elles se sont établies en refuge des pécheurs, camp retranché pour tous les coups bas. Nombre d’ONG poussent ainsi sur le terreau du mensonge, tirant leur substance nutritive de la naïveté de ceux qu’elles ont réussi à tromper et à berner.

Une eau sociale ainsi troublée et aussi trouble attire tout naturellement des pêcheurs d’un genre spécial. Ils sont armés d’hameçons  enchanteurs. Difficile de ne pas y mordre. Ils sont équipés d’appâts ensorcelants. Dur d’y résister. Et c’est par vagues successives, qu’à saisons régulières, des têtes d’affiche de la Société civile, migrent avec armes et bagages. Elles vont poser leurs valises dans les verts pâturages de la société politique. Là où l’herbe est plus tendre. Là où les siestes sont plus longues. Ce qui a fini par tout brouiller dans les esprits, faisant de la plupart des ONG, des antichambres du pouvoir politique, des salles d’attente avant que ne sonne l’heure du grand banquet.

Voilà quelques éléments de la crise de confiance qui ébranle aujourd’hui la Société civile. Une crise de confiance doublée d’une crise d’identité. Car il importe aujourd’hui, dans une démocratie comme la nôtre, de savoir qui est qui, qui fait quoi, à quelle place de l’échiquier social. Sinon, si ce n’est pas de collusion qu’il s’agit, à comprendre par entente secrète au préjudice d’un tiers, c’est à la confusion qu’on a affaire, ceci en termes d’une situation peu claire et embrouillée. Dans tous les cas, ce sont les intrigues de basses-cours ou d’arrière-boutiques qui rythment et dominent tout.

D’où la nécessité d’un réveil de la société civile ou tout au moins de ce qui en reste encore de sain et capable d’un sursaut de vie. La maison est à balayer de fond en comble. Il sera même nécessaire de penser à la désinsectiser et à la dératiser.  Les meubles gagneront à être renouvelés. On évitera ainsi de reprendre les mêmes pour les mêmes bêtises. Attention au système électrique. Un court-circuit est vite arrivé. Laissez entrer l’air pur. Respirez à pleins poumons. Croyez en la justesse de ce proverbe burundais : «  Le jour finit par se lever, même s’il n’y a pas de coq pour le chanter ».

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